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Rechercher : Rémi Hugues. histoire

  • Pau : François Bayrou honore un partisan de la décapitation ♦ Lettre ouverte d'Alexis Arette *

    Il y a déjà un certain nombre d’années, nous nous souvenons d’avoir écouté, autour d’Hilaire de Crémiers, à l’occasion d’un camp d’été destiné à la formation de jeunes royalistes, non loin de Pau, Alexis Arette parler, avec cette éloquence particulière qui le caractérise, de son pays, le Béarn, des libertés régionales que la France a perdues, et de tout ce qui lui a été ravi d’autre, par ailleurs, qui lui venait de son Histoire, de sa terre, et de son peuple. Les Provençaux présents, virent aussitôt en Alexis Arette, une sorte de Thibon béarnais. Voici que nous retrouvons aujourd’hui Alexis Arette, vice-président de l’Académie de Béarn, parce qu’il vient d’écrire, le 28 octobre dernier, à François Bayrou, après l'inauguration à Pau d'une allée en l'honneur d'Abd-el-Kader, la lettre ouverte qui suit. Nous l’avons retrouvé dans ces lignes égal à lui-même.  ♦

     

    Arette-Alexis-e.jpg« François,

    Je ne pense pas que l’inauguration de l’allée Abd-el-Kader améliorera les problèmes de circulation que la précédente municipalité t’a laissés en cadeau, et je doute que le geste soit assez fort pour convaincre les coraniques palois de voter en faveur du Pays de Béarn. Si tu y avais ajouté le geste audacieux d’une circoncision publique, peut-être… 

    À cette occasion, il m’est revenu à l’esprit qu’Abd-el-Kader était un humaniste tout à fait particulier. Dans la guerre qu’il menait contre les Français, pour les droits de l’homme musulman de conserver un harem et de pratiquer l’esclavage, il y eut quelques trêves, et au cours de l’une d’elles, les Français acceptèrent de rendre à l’émir une centaine de ses esclaves noirs, qui avaient cru trouver la liberté en se réfugiant sous notre drapeau. Abd-el-Kader les fit tous décapiter. Il n’était, ce faisant, qu’un très modeste émule de Mahomed qui, lui, avait fait couper le cou des 900 juifs de la tribu des Banou-Caraïza, pour mettre leurs jolies femmes dans le lit de ses guerriers. Tamerlan devait faire mieux encore en édifiant des pyramides avec les têtes des infidèles tombées sous le cimeterre. 

    Mais ce ne sont là que des broutilles de l’histoire, et même le Pape François, en accord avec les Imams qui prolifèrent en France comme des champignons, nous affirme que l’Islam est, contrairement à quelques apparences, tolérant et miséricordieux. Bien sûr, les historiens Occidentaux affirment qu’il y eut entre le seizième et le dix-huitième siècle, 4 millions de chrétiens razziés sur nos côtes, et plus de 18 millions de noirs réduits en esclavage, et châtrés afin qu’ils ne se reproduisent pas, mais je me demande si ces historiens n’avaient pas été contaminés par le virus Lepéniste ! La bête immonde est partout ! La preuve ? C’est que même quelques mahométans sont gagnés par le virus, tel l’anthropologue Malek Chebel qui écrit : « Parce que je suis un intellectuel musulman (…) je me sens missionné pour dénoncer ce drame de l’esclavage qui a contaminé tous les pays où l’Islam a prospéré ! »  

    POUR TRAVAUX DIVERS.jpg

    Fort heureusement, des gestes comme l’inauguration de l’allée Abd-el-Kader prouvent que l’on peut être esclavagiste et coupeur de têtes, et tout de même tenu pour un grand homme par la République. Madame Taubira même, a tenu à aller plus loin dans l’humanisme. Dans l’Express du 4 Mai 2006 elle affirmait : « Il ne faut pas trop évoquer la traite négrière Arabo-Musulmane pour que les jeunes Arabes ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfais de leurs Pères ! » A remarquer que la justice Taubirienne a déjà porté ses fruits : je lis aujourd’hui sur internet qu’un certain Karim vient d’être interpellé par la police pour la 197ième fois ! En voilà un au moins qui n’est pas traumatisé par l’héritage de ses pères, et qui pourra revoter Hollande la prochaine fois. Nous n’en avons pas fini de découvrir les beautés du Système ! 

    De leur côté, les humanistes de Boko Haram et quelques autres ne relâchent pas leurs efforts pour arracher la jeunesse Africaine à la déchéance Occidentale. Il y a quelques semaines, c’était 200 lycéennes qui étaient enlevées à Chibok. Avant-hier c’étaient 60 femmes enlevées à Wagga. Hier c’étaient 30 Jeunes razziés à Mafa. La religion d’Abd-el Kader manifeste partout une semblable ferveur, et à mon sens ce n’est pas une simple allée qui devrait garder la mémoire du premier vaincu du Djihad, mais une autoroute !Avec bien sûr, dès l’entrée, l’emblème du croissant et de l’étoile, pour éclairer les destinées de la république. »  ♦

     

    Inauguration d'une allée en l'honneur d'Abd-el-Kader 

    * Source : Michel Janva  Lien permanent 

  • Et pourquoi pas Bainville dans La Pléiade ?

    BAINVILLE LE MEILLEUR.jpgLe titre de cette note rappellera certainement quelque chose aux lecteurs réguliers de notre quotidien, puisque nous posions exactement la même question, dans ces colonnes, le 10 février 2013. C'était un mois après la parution, dans Le Figaro magazine, d'un remarquable article de Raphaël Stainville, sur la non moins remarquable collection de La Pléiade.

    Nous relançons cette même idée, aujourd'hui, au moment de conclure notre évocation de la Guerre de 14 avec Jacques Bainville et son Journal 1914-1915 / La Guerre démocratique. Ce fut notre façon de commémorer cet évènement immense, et vous avez été nombreux à nous faire savoir, par différents canaux, que cette idée vous paraissait bonne.

    Demain, vous lirez donc la dernière de ces notes pour l'année 1914, la plus longue aussi puisque Bainville y récapitule, en quelque sorte, les débuts et les premiers mois de la Guerre : "...Comme j'écrivais ces lignes, l'aiguille des pendules a franchi minuit.." y écrit-il. Dans l'ensemble de ses notes, on a pu percevoir la justesse de ses vues, la profondeur et la pertinence de ses analyses; mais dans celle de demain, sans la dévoiler entièrement ici, bien sûr, on ne peut qu'être frappé par son intelligence des choses - au sens étymologique du terme - pour le présent et surtout pour l'avenir; par son esprit de déduction et de logique; par la sûreté de son jugement.

    S'il s'agissait d'un film fantastique, le cinéaste pourrait prétendre que son héros a vu - "de ses yeux, vu" comme le dirait Molière... - l'avenir de la France, de l'Allemagne et de l'Europe (et du monde). Mais, là, avec Bainville, point de boule de cristal ni de marc  de café, ni de "science des tarots" (comme il aimait à s'en moquer...) : uniquement une intelligence vaste et puissante. Nous pouvons être fiers, nous, royalistes, d'avoir compté dans nos rangs celui qui, sans conteste, est l'un des très grands historiens de toute l'histoire de l'Humanité. Comment ne pas être frappé, stupéfait même par ce court passage de la note de demain, dans lequel, quatre ans même avant la fin de la guerre - cette guerre que le Régime n'avait su ni éviter, ni préparer... - et quatre ans avant le désastreux Traité de Versailles, tout est annoncé, prévu, décrit ? :

     

    Eh bien !... une idée qui s'enfonce, c'est que la guerre se terminera sans solution décisive - avec une Allemagne humiliée, sans doute, mais non vaincue - par une paix qui ne changera rien d'essentiel à l'état de choses préexistant. Il a fallu la guerre de Trente Ans pour mettre à bas l'ancienne Allemagne. Comment en quelques mois se flatter d'anéantir l'Empire le plus formidablement préparé à la guerre qui ait surgi dans les temps modernes, de l'abattre sans reprendre haleine ?... Ceux qui sont dans cet esprit... ceux-là définissent la paix future une "côte mal taillée"... Et ceux qui le répètent ne le désirent pas, ne se cachent pas que ce serait pour notre pays une catastrophe, qu'il importe d'éviter...

    Car, dans cette hypothèse, chacun rentrant chez soi après cette vaine débauche de vies humaines, cette consommation d'énergies et de richesses, la carte de l'Europe étant à peine changée, les problèmes irritants demeurant les mêmes, on se trouve conduit à prévoir une période de guerres nouvelles où l'Allemagne humilié, mais puissante encore et prompte à réparer ses forces, où l'Angleterre tenace, où les nationalités insatisfaites engageraient de nouveau le monde..."

     

    Sans tomber dans les hyperboles, comment ne pas appeler, tout simplement, un très grand esprit, une immense intelligence, la personne capable d'écrire ces mots-là, le 31 décembre 1914, à minuit ? La même personne capable, lorsque la République aura perdu la paix quatre ans plus tard, en 18 - la paix et la victoire, si chèrement payée par un peuple Français qui se montra héroïque en cette occasion... - de prévoir la guerre pour "dans vingt ans", ne se sera "trompée" (!) que sur un minuscule petit point : le parti revanchard allemand, dont il avait prévu qu'il s'appellerait "social-nationaliste" inversera finalement l'appellation, pour se nommer "national-socialiste", qui  a donné l'abréviation "nazi" ! On avouera que c'est bien peu, pour tant de clairvoyance et de lucidité !

    C'est pour cette raison, parce que Jacques Bainville est vraiment l'un des très grands historiens de toute l'histoire de l'Humanité, que sa place est bien dans la magistrale collection de La Pléiade, qui s'enrichirait encore en l'accueillant en son sein...

     

    Au passage, signalons que la publication des notes du Journal de Bainville depuis la fin juillet a été l'occasion d'enrichir de trois nouvelles photos notre Album Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville. qui en compte donc, maintenant, 179 :

    * Fascination pour l'Allemagne, ou : quand les Français ne s'aimaient pas...

    * Hugo, Michelet ? En "intelligence avec l'ennemi" !

    * 31 décembre 1914 : la terrible prémonition...

  • Mémoire & Société • Verdun, BlackM : la nuit de l'inculture

    Verdun. Crédits photo: Service Historique de la Défense

     

    Par Vincent Trémolet de Villers           

    Vincent Trémolet de Villers montre ici [Figaro, 17.05] comment, l'affaire BlackM est révélatrice d'une époque de « profanation intégrale » où il n'y a plus ni silence ni recueillement. Une analyse sur le fond des choses.  LFAR

     

    ob_b41265_vincent-temolet-de-villers.jpgIl faut n'avoir jamais arpenté le paysage lunaire où reposent les villages martyrs: Beaumont, Fleury, Cumières… pour envisager de commémorer la bataille de Verdun par un concert de rap. Il faut n'avoir jamais lu une page de Barbusse - « chacun sait qu'il va apporter sa tête, sa poitrine, son ventre, son corps entier, tout nu, aux fusils braqués d'avance » - pour dire comme Black M, le chanteur invité, « on va s'amuser ». Il faut ne rien connaître des paroles de poilus - « c'est vraiment une vision de mort, de destruction acharnée, ce ravin. Des morts partout, dans toutes les positions».  - pour affirmer comme notre secrétaire d'État aux Anciens Combattants que la vague d'indignation qu'a provoquée l'organisation de ce concert est « un premier pas vers le fascisme ». C'est avoir oublié, enfin, que Verdun, c'est 300.000 morts français et allemands dont 100.000 sans sépulture et que seul « le silence des consécrateurs convenait au repos des hommes qui avaient accepté en silence, qui avaient souffert en silence, qui étaient morts en silence » (Montherlant). Plongés dans la nuit de l'inculture, nous devons donc supporter les provocations, les approximations, les manipulations du gouvernement (contre lequel sur ces sujets l'opposition se montre bien timide et laisse le champ libre au Front national). Comme si le souvenir des soldats morts au combat était un moyen de «faire plaisir aux jeunes» et l'Histoire, un outil sondagier circonstanciel. La France a ainsi voté une résolution de l'Unesco déniant tout lien historique entre les juifs et le mur occidental (le mur des Lamentations), voire le temple de Jérusalem !

    Nous avons entendu un ancien ministre de l'Économie devenu commissaire européen affirmer qu'il ne croyait pas « aux racines chrétiennes de l'Europe» transformant ainsi une réalité indiscutable en acte de foi. Nous avons supporté les  mots sidérants d'un secrétaire d'État chargé de la mémoire de nos soldats traitant de « fascistes » ceux qui par les maigres moyens des réseaux sociaux ont voulu empêcher de voir transformer l'ossuaire de Douaumont en arrière-plan d'un divertissement de masse. Tout cela n'empêche pas l'inculture de se montrer arrogante. Nous recueillons les fruits d'un enseignement moral sans fondement, sans hiérarchie, sans profondeur, où le seul impératif est de traquer le « fascisme » renaissant et le retour d'un « ordre moral nauséabond ». Un antiracisme hors-sol qui surveille, punit et ne comprend plus rien.

    Selon cette grille, la civilisation était du côté de Black M et la barbarie du côté des lecteurs de Ceux de 14. C'était un Noir contre les Blancs, un jeune contre des vieux, la modernité contre les réacs. Que le chanteur s'en soit pris autrefois aux «youpins», aux « pédés », aux « kouffars » (les mécréants dans la terminologie de Daech) ne comptait pas. Les mêmes qui traquent « les dérapages » et curent comme un coquillage l'esprit d'Éric Zemmour pour y trouver une pensée criminelle ont pris la défense du rappeur, victime selon eux « du politiquement correct » . Il fallait vraiment être un pinailleur pour ne pas accepter l'évidence: Black M à Verdun, c'est bien, puisque Robert Ménard et Marion Maréchal-Le Pen sont contre !

    « Tout est culture », proclamait Jack Lang il y a vingt-cinq ans, le tag comme une fresque de Piero della Francesca. « Tout est histoire », proclamons-nous aujourd'hui, et rien ne distingue la «plainte d'un blessé dans la nuit glaciale et pluvieuse» (Genevoix) et les rythmes d'un morceau de rap. Les faits, les hommes, les lieux, les dates sont des outils jetables pour politiciens et communicants. Dans nos temps de « profanation intégrale » (Alain Finkielkraut), il n'y a plus ni silence ni recueillement. Ni dignité, même. Tout se vaut et tout se vautre dans la médiocrité.

    « On oubliera, écrit Roland Dorgelès dans Les Croix de bois. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont. L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le cœur consolé de ceux qui l'aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois…»   

    Vincent Tremolet de Villers        

    Vincent Trémolet de Villers est rédacteur en chef des pages Débats/Opinions du Figaro et de Figarovox.    

     

     

  • Terrorisme : on ne déclare pas la paix !

     

    Face au fondamentalisme islamiste, l’hésitation est fatale

    Une réflexion de Mathieu Bock-Côté - comme toujours pertinente et profonde . Rappelant des principe de sagesse politique perdue. Et venue de Montréal.  

     

    Mathieu Bock-Coté.jpgLes attentats qui ont frappé la Belgique provoquent chez certains d’étranges sentiments : ils se disent las, ils voudraient que cela cesse par enchantement et ils en appellent surtout à la venue sur terre de la Paix, à la manière d’un principe rédempteur venant civiliser les hommes et les empêchant de s’entretuer. Ils voudraient qu’on déclare la Paix à l’humanité, et que chacun, inspiré par ce grand élan du cœur, range ses fusils et ses bombes. Quand une bombe saute dans un métro, ils publient sur les réseaux sociaux des symboles de paix et chantent Imagine ou Give Peace a Chance. Il y a peut-être quelque chose de beau dans cette conviction sincère que l’amour nous sauvera. Il y a aussi peut-être une forme de naïveté aussi exaspérante que paralysante.

    La paix n’aura pas lieu

    Car en attendant la parousie, en attendant cette sublime délivrance, ce ne sont pas les déclarations de paix qui sauveront les peuples et les protégeront mais la résolution à faire la guerre à un ennemi intérieur et extérieur, l’islam radical, qui s’est décidé quant à lui à humilier et soumettre la civilisation européenne. Devant le fondamentalisme islamiste, ses militants résolus et ses convertis qui sont manifestement attirés par sa fureur guerrière et sa cruauté revendiquée, il faut d’abord compter sur de bons services de renseignement, sur des policiers aguerris, sur des soldats d’expérience, sur des frontières efficaces et sur une ferme volonté de le combattre. En un mot, il faut avoir les moyens de se défendre, de le combattre et de le vaincre.

    La guerre. Pour bien des Occidentaux, c’est un gros mot. Et répondre par la guerre à la guerre, ce serait apparemment une réponse simpliste. Nos bons esprits progressistes qui n’en finissent plus d’admirer leur propre grandeur d’âme voudraient qu’on se penche plutôt vers les racines profondes de l’hostilité entre les hommes et refusent de comprendre, parce que cela offusquerait leurs principes, que la violence est constitutive de l’histoire humaine. On peut la réguler, la contenir, la civiliser même : on ne pourra jamais l’éradiquer et en venir à bout une fois pour toutes.

    Nos bons esprits, en un mot, s’imaginent toujours que la réponse militaire à une agression terroriste est une dérive populiste faite pour alimenter les simples d’esprit. Ils souhaiteraient qu’on parle d’exploitation sociale, de lutte à la pauvreté, de dialogue entre les civilisations. Ils s’imaginent que si chacun s’ouvrait à l’Autre, l’humanité se délivrerait des conflits (sans s’imaginer qu’en connaissant mieux l’autre, il se peut qu’on s’en méfie davantage). Ils veulent se réfugier dans la stratosphère des discours généreux et pacifistes pour éviter d’avoir à sortir leurs canons, leurs fusils et leurs blindés. Ils veulent s’extraire du conflit au nom de la conscience universelle  et surplomber les camps en présence. En d’autres mots, ils veulent fuir le réel qui égratigne leurs principes splendides.

    La violence, en quelque sorte, est un fait anthropologique irréductible, et il est sot de croire qu’un jour, les hommes vivront à ce point d’amour qu’il n’y aura plus entre les groupes humains des conflits à ce point profonds qu’ils puissent dégénérer en conflits armés. La guerre est l’expression politique de la violence. Évidemment, d’une époque à l’autre, la guerre change de visage. Aujourd’hui, elle ne se fait plus vraiment en uniforme. Elle prend la forme d’une guérilla s’appuyant sur une cinquième colonne installée dans des forteresses islamistes comme Molenbeek. On a tort de parler du terrorisme en soi. Le terrorisme n’est que le moyen avec lequel les islamistes nous font la guerre.

     

    La guerre de religion est la plus sauvage d’entre toutes

    On ajoutera qu’il ne s’agit pas d’une guerre classique mais d’une guerre d’éradication qui nous a été déclarée par des fondamentalistes musulmans qui sont prêts à l’ultime sacrifice pour nous rayer de la carte ou nous soumettre à leur Dieu. La guerre de religion est la plus sauvage d’entre toutes parce qu’elle déshumanise radicalement l’ennemi – il est transformé en représentant du diable qui ne mérite pas sa place sur terre. Au vingtième siècle, elle s’est maquillée en guerre idéologique mais il s’agissait encore une fois de rayer de la surface de la planète ceux qui ne communiaient pas à la bonne foi ou de les y convertir de force.

    Entre le fanatisme des enragés d’Allah et le laxisme mollasson des sociétés occidentales, il y a un contraste fascinant et on ne peut que souhaiter que ces agressions à répétition contre des villes et des pays au cœur de la civilisation européenne réveillent leur instinct civique pour l’instant endormi. L’histoire est une source infinie de méditation et de méditations. Ce n’est pas un drapeau blanc qui a stoppé Hitler mais la ferme résolution des alliés à lui faire la guerre pour le vaincre et éradiquer le nazisme. Ce ne sont pas de belles âmes dissertant sur la paix universelle qui ont empêché l’armée rouge d’occuper l’Europe occidentale mais l’armée américaine qui y avait installé ses bases.

    De même, devant l’islamisme, qui bénéficie à la fois de l’appui d’États étrangers et de réseaux bien implantés dans les grandes villes européennes, et qui peut manifestement frapper n’importe quelle cible, qu’elle soit aussi banale qu’une terrasse de café ou stratégique qu’un aéroport, il faudra apprendre à faire la guerre de notre temps. Devant l’ennemi, il faudra moins pleurer et larmoyer qu’être révolté et en colère. Et d’abord et avant tout, il faudra nommer l’ennemi. Non pas « la religion ». Non pas « le fanatisme ». Mais l’islamisme, qui s’est aujourd’hui juré de casser le monde occidental. 

    Le Journal de Montréal

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.

  • Impressions sur le colloque « Je suis royaliste, pourquoi pas vous ? » [Paris, Forum de Grenelle samedi 7 mai].

     

    Eugénie Bastié - dont nous avons souvent cité ici les articles et les travaux - a signé dans Le Figaro [8.05], un article d'impressions sur le colloque « Je suis royaliste, pourquoi pas vous ? » [Paris, Forum de Grenelle samedi 7 mai].

    Impressions sur le vif, à l'écoute des intervenants et des participants  venus pour débattre de la question objet du colloque, posée clairement dans son titre.

    Et impressions diverses, voire hétéroclites, nécessairement marquées par la participation vedette de Marion Maréchal-Le Pen, mais pas seulement car, malgré la sympathie qu'elle a rencontrée de la part des participants, elle a été, de tous les représentants du camp républicain au débat, celle qui a le plus nettement affirmé son attachement à la République, même si elle semble limiter cet attachement à la seule Ve République et si, de toute façon elle entend, à fort juste titre, relativiser la République comme simple régime politique et plus encore les partis, par rapport à la France elle-même, transcendante et pérenne.

    D'autres impressions encore, par le dialogue avec les participants à ce colloque et en particulier avec François Bel-Ker récusant, légitimement que l'Action Française puisse être classée à l'extrême-droite, procédé courant des médias, devenu, en effet, si mécaniquement pavlovien, et si systématiquement utilisé qu'il ne conserve plus guère d'impact et de crédibilité.

    Bref, cette sorte de compte-rendu constitué d'impressions sur le vif d'un spectateur hors des cercles royalistes traditionnels, éclairera sans-doute utilement les lecteurs de Lafautearousseau éventuellement présents, eux aussi, à ce colloque, sur place ou via la retransmission vidéo pour ceux qui l'auront regardée en temps et heure ... mais, nous dit-on, avec difficulté. LFAR

     

    2258380137.pngLe mouvement royaliste et nationaliste de l'Action française tenait un colloque samedi à Paris. Y sont intervenus la député du Vaucluse Marion Maréchal-Le Pen et le maire de Béziers Robert Ménard.

    Rue de la Croix-Nivert, dans le XVe arrondissement de Paris, la salle est pleine pour le colloque de l'Action française (AF) intitulé «Je suis royaliste, pourquoi pas vous?» Les jeunes hommes aux cravates fleur-de-lysées se bousculent. Dans les stands, on vends des t-shirt avec une photo de poilu de 14 et la mention «0% hipster», des briquets « Vive le roi », des CD de Jean-Pax Méfret et des oeuvres de Maurras et de Daudet. On trouve aussi des autocollants que ne renieraient pas les militants de Nuit debout : « A bas la dictature de la finance » ou « Coucou c'est la démocratie » avec un avion lâchant des bombes, et « nike la République ».

    « Nous avions invité le ministre Emmanuel Macron, mais il a la meilleure excuse, il est à Orléans pour célébrer Jeanne d'Arc », expliquent les organisateurs. Faute d'Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon, qui a lui aussi refusé l'invitation, c'est Marion Maréchal-Le Pen qui était la grande invitée politique. Elle arrive en baskets, ce qui à le don « d'agacer » certains militants plutôt vieille France. Interrogée par les royalistes, elle s'est dite « relativement sceptique quant à la capacité de rétablir la monarchie héréditaire de droit divin » mais favorable « au régime de la Ve République » tout en louant le « miracle capétien ». La benjamine du Front national est revenue sur ces propos où elle disait être « saoulée » par les « valeurs de la République ». « La France, c'est mon pays, la République est un régime, ce n'est pas à mettre sur le même plan. Je suis lasse, pour le subir systématiquement, de l'invocation des valeurs républicaines comme un réflexe pavlovien qui est une forme de paresse intellectuelle. » « Je dérape régulièrement sur le sol glissant du politiquement correct, ce ne sera pas mon premier, ni mon dernier bleu républicain », a-t-elle ironisé. « La révolution française fait partie de notre histoire. Je prends la France comme un bloc. De Clovis à François Hollande, même si ce n'est pas facile, il faut tout assumer ». Elle a tout de même concédé que « l'essentiel de l'histoire de France s'est fait sous la monarchie ». Elle a évoqué son rapport aux partis politiques, conspués par l'Action française : « Je n'ai pas un attachement total au système des partis, leur dogmatisme en premier lieu. Un parti politique, ce n'est pas une fin en soi, c'est un moyen, je n'ai pas un attachement dynastique à un parti politique ». « Hélas, ça ne sert pas à grand chose d'être élue au Parlement français » dit-elle dans un tonnerre d'applaudissements.

    « Le Front national est peut être le plus monarchiste des partis français, en ce sens où il est le dernier à défendre les fonctions régaliennes de l'Etat » a-t-elle conclu. Les militants l'ont chaleureusement applaudie.

    De Villiers, Chevènement ou Debray comme références

    Avant elle, Robert Ménard, en duplex depuis Béziers avec une connexion Skype chaotique était invité à débattre de la « crise de civilisation », en compagnie du rédacteur en chef du service politique de Valeurs actuelles Geoffroy Lejeune. « Quand je vois un musulman élu à la tête de Londres, peut-être qu'il est très sympathique, je n'ai rien contre lui, mais symboliquement c'est une gifle terrible à la civilisation européenne et chrétienne », a osé le maire de Béziers. Sa critique des médias dominants reçoit un franc succès. « Mon rapport aux médias est un rapport de combat. Je n'ai pas pire ennemie dans ma ville que la presse locale, régionale et nationale. Si j'avais le pouvoir, la première mesure que je prends, j'arrête toutes les subventions aux médias. Ils n'auront plus un sou.»

    Entre 400 et 600 personnes étaient présentes à cette après-midi de débats. Si le courant attire quelques partisans du FN et du Parti Chrétien-démocrate, ici, on vomit la droite traditionnelle. Samuel a sa carte à l'UMP, mais il l'a rendue lorsque le parti a décidé de s'appeler « Les Républicains ». « J'ai fait des études de droit, j'ai compris que le système le plus efficace est le système monarchique », explique-t-il.

    Quand on leur demande qui sont leurs références actuelles, les militants citent pêle-mêle Philippe de Villiers, Jean-Pierre Chevènement, ou encore Régis Debray, qui incarnent selon eux le lien entre l'Etat et la nation.

    L'Action française, pour son passé antisémite et son nationalisme est classée à l'extrême droite, étiquette que récuse François Bel-Ker, le secrétaire général de l'AF: « Les gens qui pensent que l'AF est d'extrême droite n'ont pas une bonne grille de lecture idéologique. Tous les débats que nous abordons (écologie, souveraineté, nation) sont transversaux aux partis politiques. » 

  • Général Pinatel : contre l'islamisme, s'allier à la Russie et faire disparaître l'OTAN

     

    Par Alexis Feertchak

    Après le coup d'Etat manqué en Turquie, Erdogan se rapproche de Poutine tandis que Moscou et Washington semblent avoir trouvé un équilibre en Syrie. Le général Pinatel considère [Entretien sur Figarovox le 29.07] que les Etats européens devraient tenir compte de cette nouvelle donne et, contre l'islamisme, s'allier à la Russie et faire disparaître l'OTAN. Une politique qui devrait être, selon nous, celle de la France. Quant à être aussi celle des Européens, voire de l'Europe [?], comme s'il s'agissait d'un bloc unitaire, cela nous paraît être une autre histoire, beaucoup plus improbable et fort aléatoire.  LFAR 

     

    maxresdefault.jpgRecep Erdogan devrait rencontrer Vladimir Poutine en août dans la capitale russe. La Turquie est historiquement la base avancée du Sud de l'Alliance atlantique. Dans quelle mesure la nouvelle alliance entre Moscou et Ankara pourrait perturber l'OTAN ?

    L'OTAN est une organisation issue de la Guerre froide entre l'URSS et l'Occident démocratique. Son maintien et son extension aux anciens pays de la CEI procède de la volonté des Etats-Unis de conserver ouvert le fossé entre l'Europe et la Russie. En effet si l'Europe et la Russie étaient alliées, elles leur contesteraient la primauté mondiale qu'ils ont acquise en 1990 à l'effondrement de l'URSS et qu'ils veulent conserver à tout prix. Mais la menace islamique a changé la donne. Cette menace, présente en Russie depuis les années 1990, s'est étendue à l'Europe en juin 2014 avec la proclamation du Califat par l'irakien Al Bagghadi puis récemment en Turquie quand Erdogan a dû fermer sa frontière à Daech après les attentats commis en France et les pressions que les américains ont du faire sur Ankara pour ne pas perdre le soutien de l'opinion européenne.

    Dans ce contexte d'actes terroristes meurtriers, la déstabilisation du régime syrien et son remplacement par un régime plus favorable aux intérêts américains, européens, saoudiens et qataris passe au second plan face à l'urgence de maîtriser ce nouveau Califat qui menace la stabilité du Moyen-Orient et favorise la montée en puissance des partis nationalistes anti-atlantistes en Europe. Par ailleurs, l'intervention massive et victorieuse de la Russie en septembre 2015 pour soutenir son allié syrien contraste avec les hésitations ou le double jeu des Etats-Unis qui essaient de ménager tout le monde. Ils se condamnent ainsi à une faible efficacité opérationnelle qui, finalement, inquiète leurs alliés traditionnels et les poussent à ménager la Russie. Enfin les liens et les enjeux économiques entre la Russie et la Turquie sont très importants malgré une opposition géopolitique historique .

    Plus que le rapprochement entre Moscou et Ankara, ce qui fragilise cette organisation, ce sont ces récents événements. Ils font la démonstration éclatante aux yeux des Français et des Européens que l'OTAN ne sert à rien face à la menace islamique. En revanche, la guerre efficace que même la Russie contre l'Etat islamique fait penser à de plus en plus de Français et d'hommes politiques que la Russie est notre meilleur allié. Et cette évidence, acquise dans la douleur de nos 234 morts et de nos 671 blessés depuis 2012, devrait non seulement perturber l'Otan mais conduire à sa disparition ou à son européanisation complète car son maintien en l'état ne sert que des intérêts qui ne sont pas ceux de la France.

    Que se passe-t-il aujourd'hui en Syrie ? Russes et Américains semblent se rapprocher ou à tout le moins se coordonner davantage, notamment sur la question du Front Al-Nosra, très présent près d'Alep. Un nouvel équilibre dans la région est-il en train de se constituer ?

    Dès leur intervention en septembre 2015 sur le théâtre syrien, les Russes ont proposé aux Américains de coordonner leurs frappes contre Daech et Al Nostra. Mais les Américains ont refusé car au niveau politique, Obama voulait maintenir la fiction qu'il existait encore un potentiel de forces modérées sur le territoire syrien qui n'avaient pas été absorbées ou qui ne s'étaient pas alliées à Al-Nostra et qui ainsi pourraient prétendre, un jour, à être partie prenante à la table de négociation. C'est clairement une fiction contestée non seulement par la Russie, mais par d'autres voix y compris aux Etats-Unis. Ces experts affirment que les unités qui existent encore en Syrie servent d'interface avec Al Nostra à qui elles revendent les armes qu'elles reçoivent via la CIA. C'est le bombardement d'une de ces bases en Syrie par la Russie, qui a eu l'habileté de prévenir les américains à l'avance pour qu'ils puissent retirer en urgence les agents de la CIA présents, qui a permis ce rapprochement opérationnel. Il est clair qu'un nouvel équilibre est en voie de se constituer au Moyen-Orient. La Russie qui y a été historiquement présente est de retour en force. La Chine, et c'est une nouveauté, y pointe plus que son nez et la France qui y avait une position privilégiée de médiation, l'a perdue par suivisme des Etats-Unis.

    Quelle pourrait être la place de l'Europe dans les relations avec ces deux grands pays que sont la Russie et la Turquie ? Peut-on imaginer un nouvel équilibre sécuritaire aux marches de l'Europe ?

    C'est vrai, nos portes orientales sont verrouillées par la Russie et la Turquie.

    Avec la Russie nos intérêts économiques et stratégiques sont totalement complémentaires. La France a une longue histoire d'amitié avec la Russie que symbolise à Paris le pont Alexandre III et plus récemment l'épopée de l'escadrille Normandie Niemen que le Général de Gaulle avait tenu à envoyer en Russie pour matérialiser notre alliance contre le nazisme. Je rappelle aussi que c'est parce que l'armée allemande était épuisée par trois ans de guerre contre la Russie et la mort de 13 millions de soldats russes et de 5 millions d'allemands que le débarquement de juin 1944 a pu avoir lieu. Ce rappel ne veut en aucun cas minimiser le rôle des Etats-Unis et le sacrifice des 185 924 soldats américains morts sur le sol européen. Mais la volonté des Etats-Unis de restaurer un climat de Guerre froide en Europe qui se développe notamment au travers de l'OTAN ne sert que leurs intérêts et ceux des dirigeants européens qui sont soit des corrompus soit des incapables.

    Avec la Turquie, c'est l'Allemagne qui a des relations historiques comparables aux nôtres avec la Russie. La Turquie et l'Allemagne étaient des alliés au cours des deux guerres mondiales car les Allemands espéraient avec leur aide couper la route du pétrole aux alliés. Les Turcs de leur côté espéraient ainsi récupérer le contrôle du Moyen-Orient et notamment celui de l'Irak et de la Syrie.

    Ce rappel historique met en évidence l'importance du couple franco-allemand pour définir une politique européenne commune face à ces deux puissances et éviter de revenir à des jeux du passé comme a semblé le faire récemment Angela Merkel avec l'affaire des réfugiés en négociant directement avec Erdogan sans se concerter avec ses partenaires européens. 

    Le général (2S) Jean-Bernard Pinatel est expert en géostratégie et en intelligence économique. Il tient le blog Géopolitique - Géostratégie. Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages, dont Carnets de guerres et de crises aux Éditions Lavauzelle en 2014.

    Alexis Feertchak           

  • Le massacre des innocents

     

    par Jean-Philippe Chauvin

     

    arton8470-7b8cd.jpgC’était le 14 juillet au soir, et, comme de nombreux curieux, je contemplais à la télévision les beaux éclats du feu d’artifice de la Tour Eiffel. Et puis, il y a ce bandeau jaune « alerte info » qui défile soudain et qui annonce ce qui n’est encore qu’un « incident », un camion qui a renversé des passants à Nice lors des festivités de la tombée de la nuit. Quelques minutes plus tard et durant toutes les heures qui suivent, ce sont les images de panique d’une foule en course pour éviter le pire, celles d’un camion blanc qui s’engage sur la promenade des Anglais et ce bilan « évolutif » passé de quelques victimes à 74 à deux heures du matin, puis 84 à l’aube : encore, encore le terrorisme, les morts, les larmes ! 

    Depuis janvier 2015, le même scénario se répète à intervalles de quelques mois, et les mêmes discours et les mêmes coups de menton, les mêmes cérémonies funèbres, les « Je suis… » qui se suivent et, malheureusement, se ressemblent malgré la variété des noms accolés à ce début de phrase. Et, chaque fois un peu plus, les poings qui se serrent… 

    Ce 15 juillet au matin, la télévision montrait, sur la route du malheur provoqué par celui dont je ne prononcerai pas le nom pour ne pas lui accorder la moindre célébrité, l’image d’une poupée sur le bitume, seule, abandonnée, couchée… Quelques minutes après, sur les réseaux sociaux, je retrouvais la même poupée, mais en des circonstances bien différentes : elle était bien là, à même le sol, comme renversée, mais, à côté d’elle, à la toucher, sous la lumière « bleu cruel » des gyrophares, il y avait une couverture dont dépassait une sorte de bonnet ou de casquette, une couverture qui couvrait une forme, un corps, un visage… Un enfant, dont la poupée semblait veiller le corps désormais sans vie. 

    Cette fois-ci, mon café du matin avait un goût de cendres, une amertume violente : la mort d’enfants nous choquent plus encore que d’autres, il faut bien l’avouer ! Les innocents, pense-t-on, comme si les autres victimes l’étaient moins parce qu’elles avaient vécu plus longtemps : bien sûr, ce sentiment n’est pas forcément « juste » mais il est commun, croit-on, à toute l’humanité. Qu’y a-t-il de plus cruel, de plus injuste que la mort, quelle qu’en soit la forme, d’un enfant ? Dans une famille, c’est « l’absence » la plus douloureuse… 

    Mais les islamistes et leurs alliés s’en moquent, et leur « cause » semble justifier tous les moyens, tous les crimes. Les paroles glaçantes du terroriste Carlos, ce fameux « Il n’y a pas de victimes innocentes », doivent nous permettre de comprendre, non pour excuser mais pour combattre, l’esprit de la Terreur aujourd’hui incarné par les troupes formelles et informelles de L’Etat Islamique. Avons-nous oublié le « massacre des innocents » provoqué, selon le Nouveau Testament, par Hérode ; les enfants de Vendée « écrasés sous les pieds de nos chevaux », selon le général Westermann, au nom de la République en 1793 ; ceux d’Oradour-sur-Glane brûlés comme les adultes dans l’église du village et ceux exterminés pour être nés juifs durant la guerre mondiale de 1939-45 ; les enfants de Beslan, retenus en otage et exécutés en septembre 2004 par des rebelles tchétchènes ; les trois enfants assassinés froidement devant et dans leur école à Toulouse par l’islamiste M. en mars 2012, simplement parce qu’ils étaient juifs ? 

    Les enfants sont des cibles doublement symboliques parce qu’elles sont à la fois la suite des générations précédentes et leur avenir, et que les frapper, c’est chercher à trancher ce fil de la transmission, ces racines qui permettent à une  nation, démographiquement comme spirituellement, de s’épanouir encore et toujours. Ils ne sont pas visés par hasard, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Et puis, l’assassinat d’enfants, s’il horrifie les populations, les terrifie aussi, ce qui est un moyen pour ces terroristes d’espérer désarmer ou, du moins, de paralyser, par « sidération », les sociétés visées, surtout dans des démocraties parfois plus sensibles à l’émotion qu’à la raison. 

    Il y a aussi le risque de voir (ou de laisser) fracturer l’unité d’un pays, non celle qui peut s’exprimer à travers les jeux parlementaires ou politiques pour le bien commun du pays, mais celle, plus profonde, qui lie les communautés, les particularités et les personnalités entre elles, non dans ce « vivre l’un à côté de l’autre » (formule de l’individualisme, qu’il soit personnel ou communautaire) mais « vivre l’un avec l’autre », non dans la confusion mais dans la reconnaissance de traits communs issus de l’histoire (et, parfois, de ses confrontations), de ces héritages dont, certes, nous pouvons vouloir nous détacher ou que nous pouvons contester (« la vraie tradition est critique », disait avec grande raison Charles Maurras), mais qui sont aussi le terreau de la nation vivante. 

    Ne donnons aucune joie ni aucune paix aux terroristes du moment : l’unité de la France ne doit pas être une argutie politicienne et ne peut être confondue avec les manœuvres d’un gouvernement aux abois ou d’une opposition exaspérée, elle doit être une réalité vécue, forte, puissante. Ce n’est pas l’uniformité ou l’indivisibilité mais la reconnaissance d’une « particularité française », historique, politique comme géopolitique, et, sans doute, civilisationnelle ; c’est la reconnaissance d’une « diversité ordonnée », de cette « nation plurielle » qui est la France et qui n’est pareille à aucune autre. 

    L’unité de la France, c’est un « équilibre » au sens fort du terme, équilibre parfois mis à mal par l’histoire et par le Pouvoir lui-même quand il oublie ses fonctions régaliennes et ses devoirs de Bien commun, mais équilibre qu’il faut conserver si l’on veut que perdure ce que « nous » sommes, et que nous puissions vivre, tout simplement et librement, notre destin de Français, nés ici ou adoptés, au sens le plus fort et noble du terme… 

    Pour que les enfants de France vivent, mais aussi tous les enfants, en France, d’ici ou de passage…

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Société postmoderne • Génération Bataclan ou l'identité malheureuse

     

    Par Alexandre Devecchio

    Les tragédies du Stade de France et du Bataclan ont bien révélé une génération en rupture avec les précédentes, mais Alexandre Devecchio la décrit [Figarovox du 12.11] comme « miroir des fractures françaises » et comme syndrome de cette « identité malheureuse » où tout un Système idéologique, politique et sociétal a plongé le pays. Face à ce Système déconstructionniste une révolution s'impose. Et, sans-doute, se met en marche. Une révolution ? Oui, mais pour restaurer l'ordre légitime et profond. Ou s'il l'on veut la Tradition. Ce qui suffit à définir notre famille de pensée et d'action.  Lafautearousseau

     

    XVM5eede49e-9cf6-11e6-a606-bf1a3ab457d6.jpg« C'est pour la jeunesse de notre pays que je veux présider la France. Si je reçois le mandat du pays d'être le prochain président, je ne veux être jugé que sur un seul objectif (…) : est-ce que les jeunes vivront mieux en 2017 qu'en 2012 ? », avait déclaré le candidat Hollande lors de son discours du Bourget. Sans doute n'imaginait-il pas l'effroyable scénario qui allait suivre. Les cris et les larmes, le sang répandu sur les trottoirs de Paris, les destins brisés dans la fleur de l'âge. Le grand Vendredi prédit par Hegel est advenu, mais en lieu et place du couronnement dialectique annoncé, il a consisté en cet infernal 13 novembre 2015 qui a marqué, comme l'a écrit Alain Finkielkraut, « la fin de la fin de l'Histoire ». Le délire meurtrier des djihadistes n'a pas seulement emporté sur son passage des vies, des corps et des âmes, mais également le monde d'hier. Le Bataclan restera comme le tragique tombeau de la génération soixante-huitarde en même tant que celui de l' « antiracisme » institutionnel. Daniel Cohn-Bendit et ses camarades rêvaient d'une société où il serait interdit d'interdire et où l'on jouirait sans entraves. Julien Dray et ses potes de « SOS », de diversité heureuse et de métissage universel. Leurs enfants ont payé du prix de leur vie la facture de leur utopie. « Le multiculturalisme est une blague, une blague sanglante », résumera de manière cinglante Jacques Julliard.

    Le 13 novembre, les Xe et XIe arrondissements, terre promise d'une jeunesse libertaire, ont été touchés en plein cœur. Face aux kalachnikovs des djihadistes, les habitués de La Bonne Bière, de La Belle Équipe, du Carillon ou du Petit Cambodge étaient armés de leur bienveillance et de leur art de vivre. Après les attentats de janvier, nous avions voulu croire que badges, slogans et marches blanches suffiraient à conjurer le mal. Moins d'un an plus tard, lors de cette nuit d'épouvante, cette jeunesse a découvert de la plus cruelle des façons la violence du siècle en marche. Le surlendemain, Libération titrait « Génération Bataclan ». Le quotidien exaltait une jeunesse « festive », « ouverte », « cosmopolite » et voulaient croire en la naissance d'une nouvelle « génération morale » qui résisterait à l'islamisme en proclamant « je suis terrasse » un verre de mojito à la main.

    Une volonté d'exorcisme qui éludait le fait que les bourreaux des attentats de Paris avaient le même âge que leurs victimes et qu'ils formaient ensemble une même génération. De surcroît, les nouveaux barbares ne venaient pas d'un lointain pays étranger, mais des territoires perdus de la République situés à seulement quelques kilomètres à vol d'oiseau des quartiers branchés de la capitale. Les assassins n'étaient pas Charlie. Ils n'avaient pas marché dans Paris le 11 janvier. Une jeunesse épanouie dans l'individualisme occidental est tombée sous les balles d'une jeunesse enfiévrée par l'islamisme. Cette dernière est en partie le produit de l'antiracisme différentialiste des années 1980. En troquant le modèle traditionnel d'assimilation contre le système multiculturaliste anglo-saxon, l'égalité contre la diversité et la laïcité contre l'identité, cette idéologie a fait le lit du communautarisme et de l'islamisme. Déculturée, déracinée, désintégrée, une partie des jeunes de banlieue fait sécession et se cherche une identité de substitution dans une oumma fantasmée. L'enquête de l'Institut Montaigne sur les musulmans de France, publiée en septembre 2016 et basée sur un sondage de l'Ifop, révèle que près de la moitié des 15-25 ans sont partisans de la charia et se placent en rupture totale de la République. Tandis que la jeunesse issue de l'immigration se réislamise, les « petits Blancs » et même « les petits juifs », victimes de l'insécurité au quotidien à l'école ou dans les transports en commun, n'ont aucun complexe à reprendre le slogan des soirées électorales du FN, « on est chez nous ! ». Ils quittent les métropoles pour des raisons économiques, mais fuient également de plus en plus la proche banlieue où ils se font traiter de « sales Français » et se sentent en exil dans leur propre pays.

    Les tragédies du Stade de France et du Bataclan ont bien révélé une génération, mais celle-ci n'a rien à voir avec ce qu'était la « génération morale » des années 1980. La vérité est que les nouveaux enfants du siècle sont le miroir des fractures françaises. Notre jeunesse a perdu son insouciance et s'attend à chaque instant à voir revenir le cauchemar du 13 novembre. S'il y a bien une génération Bataclan, elle est celle de l'identité malheureuse. 

    Alexandre Devecchio

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    Journaliste au Figaro, en charge du FigaroVox. Il est l'auteur des Nouveaux enfants du siècle, enquête sur une génération fracturée [éditions du Cerf].

    Alain Finkielkraut, « la fin de la fin de l'Histoire »

    L'enquête de l'Institut Montaigne sur les musulmans de France

    « Le multiculturalisme est une blague, une blague sanglante », résume Jacques Julliard.

  • Société • Grandeur et décadence des nouveaux enfants du siècle Dernier inventaire générationnel avant liquidation

    Zemmour et Michéa par Hannah Assouline. Abu-Bakr Al-Baghdadi; Sipa

     

    Par Théophane Le Méné

    Dans « Les nouveaux enfants du siècle », le journaliste Alexandre Devecchio ausculte les trois facettes d'une génération radicale révoltée contre la fin de l'Histoire : souverainiste, identitaire et... djihadiste. Passionnant. Ainsi, la réflexion de Théophane Le Méné [Causeur - 4.11] nous a vivement intéressés. Toutefois, s'agissant de « la réconciliation de la nation et de la République », nous dirons franchement que nous n'en voyons pas trace. Et qu'elle ne nous paraît nullement souhaitable. Nous dirions plutôt : « la réconciliation de la nation avec elle-même ». Ce qui, nous semble-t-il,  aurait une tout autre portée.  Lafautearousseau
     

     

    1903675662.2.jpg« Nous sommes les enfants de personne » assenait il y a quelques années Jacques de Guillebon dans un livre qui se faisait fort de dénoncer le refus d’une génération de transmettre à l’autre l’héritage culturel et spirituel de notre civilisation, préférant se vautrer dans le relativisme et l’adulation de la transgression. Douze ans ont passé. Et de ce reproche, il n’y malheureusement rien à redire. Mais il y a à ajouter. Car la France a vu ressurgir les faits sociaux quand ce n’était pas la barbarie ; et c’est précisément à partir de ce postulat que le brillant journaliste et désormais essayiste Alexandre Devecchio a enquêté avec une rigueur qu’il convient de saluer.

    Génération radicale

    Lorsqu’on n’a plus de repères, et a fortiori de pères, certaines figures putatives viennent naturellement combler ce vide dont nous avons horreur. Car plutôt que de se désoler d’une filiation disparue, pourquoi ne pas s’en inventer une à travers certains hérauts qui, depuis quelques années, de manière différente et plus ou moins controversée, n’ont jamais accepté l’empire du bien auquel a succédé l’empire du rien ? C’est ainsi que toute une génération, sur le même constat d’une civilisation dévastée, se retrouve désormais au carrefour tragique d’une certaine radicalité d’où partent en étoile des destins.

    Il y a la génération Dieudonné. L’humoriste fut nourri au lait de l’antiracisme en même temps qu’on le sommait – comme à tant d’autres – d’exacerber son identité. Quelques années plus tard, le voilà désormais à souhaiter le déclin de la France tout en célébrant l’antisémitisme et en mettant à l’honneur une jeunesse de banlieue, pour la plupart désœuvrée, essentiellement issue de l’immigration maghrébine. Cette jeunesse souvent ignorante, en mal d’espérance n’est ni Charlie ni Paris, ni Cabu ni Hamel ; en réalité elle ne se veut rien qui pourrait la confondre avec ce qui, paradoxalement ou non, fait la France. Ce n’est pas le social, ni une quelconque politique de la ville qui motive son combat. En quête d’un grand récit, d’une épopée, d’une mystique, d’un combat métapolitique, elle se voue à l’islamisme et à ses formes étatiques car « pour ces enfants du siècle, le djihadisme constitue la réponse rivale maximale au vide métaphysique de l’Europe, une manière de dire non à la fin de l’histoire. »

    Zemmour et Michéa

    La génération Zemmour est assurément de l’autre bord. L’auteur du « Suicide français » a su cristalliser les angoisses de ceux qu’Aymeric Patricot a osé appeler « les petits blancs » ; de ceux que Bernard Henri Lévy jugeaient odieux parce qu’ils étaient « terroirs, binious, franchouillards ou cocardiers ». De condition modeste, frappée du mal de l’identité malheureuse, ayant le sentiment d’avoir été dépossédée par l’Europe, l’immigration, le marché et la mondialisation, cette jeunesse reconnaît à Eric Zemmour de savoir mettre des mots sur les maux, sans faux-semblant, avec intelligence et une certaine aura. Elle ne supporte plus les accusations lancinantes d’une élite déconnectée qui se targue détester les siens et s’aime d’aimer les autres. Et semble appeler de ses vœux une révolution conservatrice tout en vibrant au discours d’une Marion Maréchal-Le Pen à la Sainte-Baume : « Nous sommes la contre-génération 68. Nous voulons des principes, des valeurs, nous voulons des maîtres à suivre, nous voulons aussi un Dieu ».

     

    La génération Michéa est sans aucun doute la plus complexe. Elle doit au philosophe d’avoir théorisé à travers de nombreux ouvrages l’alliance objective du libéralisme et du libertarisme et d’avoir exposé les conséquences d’un Etat libéral philosophiquement vide, qui laisse le marché remplir les pages laissées en blanc, tout en instillant sa morale aux hommes. Pour la plupart issus des rangs de la Manif pour Tous, hier enfants de bourgeois, ces jeunes sont devenus l’armée de réserve d’un combat culturel qui ne dit pas encore son nom. Ils ne veulent plus jouir sans entraves ; ils ne veulent plus de ce marketing agressif, de ce déracinement identitaire, de ce décérébrage médiatique, de ce relativisme moral, de cette misère spirituelle, de ce fantasme de l’homme autoconstruit. Face à ce système déshumanisant, l’écologie intégrale qu’ils proposent offre une alternative radicale: moins mais mieux! Indissolublement humaine et environnementale, éthique et politique, elle considère la personne non pas comme un consommateur ou une machine, mais comme un être relationnel qui ne saurait trouver son épanouissement hors-sol, c’est-à-dire sans vivre harmonieusement avec son milieu, social et naturel. Dans la conception de leur principe, l’écologie intégrale ne sacralise pas l’humain au détriment de la nature, ni la nature au détriment de l’humain, mais pense leur interaction féconde.

    Entre ces trois jeunesses rebelles, la conjonction est improbable, mais l’affrontement est-il impossible, interroge l’auteur ? « Le fait est que, aujourd’hui, ces trois jeunesses se regardent en chien de faïence. Si elles venaient à s’affronter, ce serait parce que, plus largement serait advenu la guerre de tous contre tous ». Depuis plusieurs années le tocsin sonne. Pour répondre à ce défi, le journaliste veut voir quelques prémisses : le retour d’un grand récit national, la fin du multiculturalisme en même temps que de l’uniformisation planétaire, l’assimilation, la réconciliation de la nation et de la République. « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » disait le poète Hölderlin. Alexandre Devecchio n’affirme pas autre chose lorsqu’il déclare: « Si le pire n’est pas certain, c’est aux enfants du siècle, et sans doute grâce à leur esprit insurrectionnel que viendra sublimer quelque miraculeuse inspiration, que nous devrons de l’avoir conjuré ». Dieu, s’il existe dans ce nouveau siècle, veuille qu’il ait raison.   

    Théophane Le Méné

  • Natacha Polony : « Cette élection américaine qui parle de nous »

     

    Par Natacha Polony    

    Publié le 6.11 - Réactualisé le 9.11 après l'élection de Donald Trump         

    Le phénomène Trump n'est que la traduction d'un mouvement de fond qui ébranle toutes les sociétés occidentales : la révolte des petites classes moyennes déstabilisées dans leur identité [Figarovox - 4.11]. Natacha Polony va loin et profond dans sa critique d'un mondialisme soi-disant heureux, d'un capitalisme devenu totalitaire par la faiblesse des démocraties, les illusions qu'elles véhiculent. Nous ne sommes pas bien loin ici de l'analyse que nous-mêmes pourrions dresser. Reste à prendre en compte le grand mouvement de fond qui monte, dans toutes les sociétés occidentales - dont la France - et oppose désormais identités, libertés, racines, à l'entreprise multiculturaliste, post-historique, post-nationale, qui a cru - et croit peut-être encore - pouvoir imposer sa loi d'airain à la planète entière ou - au moins - à l'Occident. Quel que soit, demain, le résultat de l'élection américaine, cette entreprise déconstructiviste n'est plus, aujourd'hui, assurée de gagner la partie.   Lafautearousseau.              

     

    924153452.jpgDans quelques jours sera tranchée l'élection la plus pitoyable de l'histoire américaine. Un spectacle affligeant offert par la « grande démocratie » qui entend si souvent donner des leçons au monde, et s'imposer en modèle. Mais de cette élection, les Français n'auront eu que le miroir déformant de médias hexagonaux occupés à se boucher le nez devant les sorties effarantes et vulgaires du clown milliardaire. Une façon de nous faire oublier l'essentiel : jamais une élection n'a à ce point montré de proximité entre les forces qui agitent l'Amérique et celle qui travaillent l'Europe dans son ensemble et la France en particulier.

    On peut considérer avec un brin de mépris ces personnages emblématiques de l'Amérique profonde, ces groupies improbables de Trump persuadées que porter une arme est un droit de l'homme. On peut en tirer la conclusion que le suffrage universel donne un pouvoir à des gens trop peu formés pour en mesurer la portée. Ou bien on peut tenter de comprendre pourquoi des millions d'Américains, qui ne sont pas tous demeurés, s'apprêtent à voter pour un homme immonde et pas au niveau. D'autant que ceux qui sont horrifiés à la pensée qu'on puisse laisser un bulletin de vote entre les mains d'un électeur assez déraisonnable pour ne pas voter Clinton sont aussi scandalisés que des gens « majoritairement les moins diplômés » aient précipité le Royaume-Uni dans le chaos en votant le Brexit ou que d'autres puissent voter FN alors qu'on leur répète depuis tant d'années que c'est mal.

    La révolte des petites classes moyennes déstabilisées dans leur identité

    Le phénomène Trump n'est que la traduction d'un mouvement de fond qui ébranle toutes les sociétés occidentales : la révolte des petites classes moyennes déstabilisées dans leur identité par la lame de fond d'une mondialisation qui avait déjà emporté les classes ouvrières. Bien sûr, le discours médiatique leur vend la réduction de moitié de l'extrême pauvreté dans le monde - grand argument des derniers défenseurs de la mondialisation heureuse - ou le merveilleux progressisme de l'émancipation des minorités, jusqu'à l'éclatement de toute communauté nationale en une myriade de groupes de pression aux revendications divergentes mais jamais rassasiés de droits et de réparation postcoloniale : l'abandon de toute politique d'intégration permet de remplacer la question sociale par le noble combat contre les pulsions racistes de ces classes populaires si peu ouvertes à l'Autre. Au moins l'Amérique ou le Royaume-Uni ont-ils les outils pour regarder en face des phénomènes que la France se refuse à mesurer, comme la disparition des classes populaires blanches dans les centres-villes des métropoles.

    La sortie de l'extrême pauvreté pour des millions d'individus dans le monde s'est faite essentiellement sur le dos des classes moyennes et populaires des pays occidentaux dont pouvoir d'achat, protections et repères culturels sont attaqués. Le creusement des inégalités, la destruction de l'école et de son rôle d'ascenseur social, tout contribue à les déstabiliser.

    Les classes moyennes ont été le pilier sur lequel s'est bâtie puis consolidée la démocratie. Elles ont soutenu un régime qui, en renouvelant ses élites, leur offrait l'espoir de voir leurs enfants vivre mieux qu'elles. Tout au long du XXe siècle, elles ont donc choisi le capitalisme contre le communisme, signant une alliance de fait avec les classes dominantes. Tous les progrès sociaux de l'après-guerre, la répartition de la valeur ajoutée, la protection sociale, furent conquis sous la menace du communisme. À partir du moment où celui-ci s'est effondré, les classes moyennes ne sont plus d'aucune utilité. Se remet en place le capitalisme dans sa forme la plus brutale et prédatrice.

    Cela ne peut se faire qu'en maintenant la fiction d'un système démocratique appuyé sur le consentement des électeurs. Une sorte de totalitarisme soft dont on ne perçoit que par intermittence la violence. Quand le Parti démocrate a besoin de truquer les primaires pour éviter l'émergence d'un Bernie Sanders, quand des hiérarques du Parti républicain doivent appeler à voter Clinton, meilleure représentante des intérêts de Wall Street et des lobbys énergétiques et militaires. En Europe, ce sera la résistance farouche d'un Junker, artisan de l'évasion fiscale vers le Luxembourg, pour imposer les traités de libre-échange en évitant au maximum tout processus démocratique qui pourrait servir d'écho au refus des peuples européens.

    Ce qui reste de démocratie dans les pays occidentaux laisse éclater les bouillonnements de ces populations conscientes qu'elles ont perdu la lutte des classes. Ces bouillonnements ressemblent parfois aux éructations de l'histrion Trump. Mais ils pourraient aussi, un jour prochain, mettre en danger le système et ressembler à une de ces révolutions dont la France a le goût. 

    Liens

    l'élection la plus pitoyable de l'histoire américaine

    groupies improbables de Trump

    le Royaume-Uni dans le chaos en votant le Brexit

    Junker, artisan de l'évasion fiscale vers le Luxembourg

  • LITTERATURE & SOCIETE • Paris intra-muros

     

    Les maraudes de Sophie Pujas, vues par François-Xavier Ajavon*

    A vrai dire, nous avons aimé cette chronique, faite, dirait-on, tout exprès pour le temps du weekend, fort bien écrite, pleine d'humour, de références littéraires et historiques, d'évocations de lieux de Paris où l'on a déjà flâné et qui parlent à notre mémoire ... Nous en conseillons la lecture aux visiteurs de Lafautearousseau. LFAR

     

    Paris a une forme de côte de veau. Cela n’a jamais échappé à personne. C’est même pour cette raison que les plus grands poètes, à travers l’Histoire, ont chanté la beauté, les mystères, les envoûtements et le charme irrésistible de la ville-lumière – qui attire des humains du monde entier, et même des Belges. Villon a dit la vie de ses étudiants au Moyen-Âge. Baudelaire a chanté son spleen et ses nuits interlopes. Jacques Dutronc ses petits matins nimbés de grâce. Et Apollinaire, Céline, Hemingway ? La capitale, ses rues, Sa Majesté la Seine, ses monuments, le soleil qui se lève sur le Sacré-Cœur, ou qui se couche sur le Génie de la Bastille,  tout est fait pour inspirer le poète. Paris – à l’instar de New-York, Chandernagor et Couilly-Pont-aux-Dames – sera toujours au cœur de la littérature mondiale. Le nouveau livre de Sophie Pujas, Maraudes (Gallimard) en est une brillante démonstration.

    Après un premier opus remarqué consacré au peintre Zoran Mušič (ZM, Gallimard, 2013), qui tenait à la fois de l’essai et du poème en prose, l’auteur revient avec un livre délicat sur Paris, composé d’une multitude de chapitres très courts (de une à trois pages), chacun introduit par le nom d’une rue. Les yeux grand ouverts sur la ville, mais surtout sur les humains qui la traversent, et parfois se hasardent à l’habiter, l’auteur distille des micro-récits qui finissent par composer une mosaïque saisissante de ce majestueux navire battu par les flots, mais qui ne sombre pas.

    Rue Oberkampf, un contrôleur de la RATP appréhende pour la millième fois le contact des voyageurs aux visages méprisants du bus 96. Dans les jardins du Luxembourg, un adolescent tente de dominer sa timidité pour séduire sa première jupe plissée lycéenne. Place de Clichy, une femme recherche le fantôme d’un être aimé. Rue Buffon, une fillette dialogue avec un dinosaure : « Elle a beau être légère, plume, papillon, quand elle lui fait signe, elle se sent encore plus minuscule. Une virgule dans la rue, une esquisse de petite fille. Il est immense, il la regarde depuis la grande fenêtre boisée du Muséum d’histoire naturelle. Le diplodocus, son squelette géant qui surveille la rue ». Rue de l’équerre un street-artiste rhabille les murs d’une peau nouvelle de papier : « Il trace des portraits sans visages. Tous sont un peu de lui et aucun ne lui ressemble tout à fait ». Montmartre est un décor, une installation, « une vue de l’esprit ». À l’Orangerie, dans le Jardin des Tuileries, on revient encore et toujours se saouler à la splendeur des Nymphéas.

    Mais plus que des lieux, Maraudes nous entraîne dans une déambulation bohème, une forme d’errance, d’équipée sur des chemins de hasard ; attitude que l’auteur revendique dès les premières pages de son livre : « Je prends des bus qui ne vont nulle part, et en reviennent, je colle mon front à leurs vitres comme une enfant aux bizarres caprices, sans jamais élucider le pouvoir de cette ville sur moi ». L’idée est de laisser monter la cité en nous, de régler notre pouls sur son rythme. Ailleurs l’auteur confesse : « S’égarer est un art de vivre, une question de principe. Il faut laisser défiler les rues comme on devrait accueillir les êtres, sans rien attendre d’eux, je veux dire rien que l’on ait espéré à l’avance ». On nous avait dit que Paris était une fête, mais Paris est surtout une aventure.

    Mais si l’on devait trouver un fil rouge, dans l’écheveau complexe de ces récits, ce serait certainement celui des laissés pour compte, des enracinés au pavé, des réguliers du macadam, ces fantômes, clochards, marginaux qui habitent les rues, et s’effacent progressivement, à force d’indifférence générale, d’hiver rigoureux, et d’absence de main tendue. Rue de l’Odéon un sans-abri ne se distingue plus de la rue, et s’efface… « Les passants vieillissent et meurent. Il est éternel, pris dans une trappe du temps ». Pont Alexandre III un autre malheureux est emporté par le froid hivernal : « Un froid à pierre fendre, et il n’était qu’un homme. Un froid de canard, de loup, et il n’était qu’un homme. Un froid de gueux ». On comprend que la maraude se fait à hauteur d’homme, avec tout l’humanisme qui manque à l’époque… Les fantômes passent. On salue la mémoire d’un aviateur qui, pendant la libération de Paris, a jeté son appareil dans la Seine, au niveau du pont de Tolbiac, pour épargner la population. Et la lune veille : « Rue de la lune. Un jour, elle avait disparu, simplement pour voir si quelqu’un partirait à sa recherche. Personne. »

    Sophie Pujas dit beaucoup de Paris – et on lira peut-être demain Maraudes avant de visiter la capitale, comme on lit depuis toujours les Promenades dans Rome de Stendhal avant de se rendre dans la ville éternelle. Enfin, soyons honnête, Sophie Pujas ne dit pas vraiment tout ; elle omet notamment d’expliquer pour quelle raison Paris a la forme d’une côte de veau. Ce qui, avouons-le, épaissit encore le mystère. Espérons qu’elle consacrera à cette question cruciale un nouveau livre avec la même sensibilité. 

    Sophie Pujas, Maraudes, Gallimard, collection L’Arpenteur, 2015. 16,00 €

    François-Xavier Ajavon  - Causeur

     

  • Vive le Roi ! La longévité d’Elisabeth II donne des idées

     

    Un billet de Jérôme Leroy, écrivain et rédacteur en chef culture de Causeur

    Ce n'est pas nous qui avons choisi ce titre, ni cette illustration Ce n'est pas Lafautearousseau qui a rédigé cet intéressant billet. Billet intéressant et intelligent, paru dans Causeur. Nous n'en reprendrions pas exactement toutes les idées, tous les termes. Il n'empêche. Voilà qui est pensé, qui est dit. Qui plus est, hors des cercles royalistes traditionnels. A la manière d'Emmanuel Macron, de Maxime Tandonnet, de Christian Millau, de beaucoup d'autres, ces temps derniers. Il arrive quelques fois, disait parfois Pierre Boutang, ne s'amusant qu'à demi, qu'on trouve encore des gens qui ne sont pas royalistes. De moins en moins, mais il y en a. En tous cas, livrons ce billet, à la sagacité de nos lecteurs. Qui parfois se lamentent que le royalisme n'avance pas. Nous le leur dédions.  LFAR  

     

    Jerome_Leroy0.jpgMercredi 9 septembre 2015, à 16h30 GMT, à quelques encablures du tea time, Elisabeth II a battu un record. Pas celui du chapeau le plus étrange mais celui de la longévité sur le trône, record détenu jusque-là par sa trisaïeule Victoria. 63 ans, trois mois et sept jours. On dirait l’âge auquel prennent leur retraite, en France, les tout derniers surgeons de la génération lyrique des baby boomers. Elisabeth II est sur le trône depuis le 6 février 1952. Chez nous le 6 février, on se souvient plutôt de celui de 1934, quand des ligues nationalistes et fascistes pour une fois unies ont voulu en finir avec la République. Voilà des choses qui n’arrivent pas en monarchie, de vouloir en finir avec la République. C’est pour ça que les monarchies sont moins convulsives, plus calmes.

    On a assez vite l’impression qu’on peut se débarrasser par la force d’un président de la République. Après tout, c’est un homme comme un autre, chez nous, surtout les deux derniers, Sarkozy et Hollande. L’un a couru en sueur avec un tee-shirt du NYPD, l’autre s’est carrément déclaré « normal ». Alors qu’il n’y a absolument rien de normal dans l’exercice du pouvoir pour une grande nation.

    Il faut incarner, avoir deux corps distincts dans l’exercice du pouvoir, on le sait depuis Kantorowicz: l’un qu’on occulte, son corps réel, celui qui prend des scooters nocturnes pour aller voir une maîtresse ou celui qui dit « Casse-toi pauvre con » à un passant. Et l’autre que l’on montre, un corps donné au peuple, à la nation, à l’histoire.

    On n’imagine pas De Gaulle roulant sur un Solex ou changeant d’Yvonne en cours de septennat. C’est qu’il se faisait une certaine idée de la France et justement qu’il voyait la France comme une monarchie, républicaine certes, mais une monarchie. Finalement, on peut se demander s’il n’avait pas raison. On dit même qu’il poussa son envie de restauration rapide assez loin puisqu’il existe entre lui et Henri, le Comte de Paris, prétendant au trône, une correspondance et des rencontres régulières à partir des années cinquante. De Gaulle l’aurait bien vu lui succéder. La constitution de la Vème était taillée pour un roi. Il aurait suffi de changer deux ou trois détails. On voit bien d’ailleurs que le costume a été un peu trop grand pour ceux qui ont suivi ou alors, au contraire, les a contaminés de telle manière qu’ils ont fini par se prendre pour des monarques comme Giscard ou Mitterrand mais sans la légitimité.

    Mais l’immense avantage d’un roi est qu’il n’est pas élu par un camp contre l’autre. Il ne gouverne pas, il règne. Il règne pour tous. Il ne sert pas une faction ou des intérêts catégoriaux, il incarne. Il incarne un pays, une histoire, une tradition. Il a le temps de son côté, comme dans la chanson des Rolling Stones.

    C’est bien d’avoir le temps de son côté à l’époque des infos continues, du « small talk », des réseaux sociaux et du touillage spasmodique. Un roi ou une reine ne tweete pas. Eventuellement on tweetera pour eux. Eventuellement. C’est bien aussi de ne pas à avoir besoin de communicants à l’époque où la communication a remplacé la politique. Imaginer un Séguéla près de De Gaulle. Ou d’Elisabeth II. De Gaulle en jean, Elisabeth II en maillot de bain. Les communicants, dans une monarchie, ils retrouveraient leur vrai boulot, vendre des yaourts et pas s’occuper de la France. Ne serait-ce que pour ça, la longévité et le style d’Elisabeth II nous donne des envies de monarchie, vraiment. Choisir un capétien pour un millénat, renouvelable ou pas on verra. Quand on demandait son régime idéal à Stendhal, il répondait « la monarchie absolue tempérée par l’assassinat ». Ce n’est pas plus mal qu’une démocratie confisquée par des élections bidon qui ne changent rien puisque le Politique a abandonné devant l’Economique, on l’a bien vu en Grèce où un gouvernement de vraie gauche a été victime d’un coup d’Etat financier.

    Puisqu’on parle d’élection, un roi nous éviterait en plus la honte ou la catastrophe d’élire au pouvoir suprême des gens qu’on regretterait pas la suite. Dans une monarchie, ils seraient au maximum Premier ministre. C’est bien suffisant et ça limite les dégâts quand les Français ont un coup de chaud populiste, ce qui leur arrive régulièrement. Vous imaginez Bernard Tapie hier, Marine Le Pen aujourd’hui à l’Elysée? On peut ; mais tout de même.

    Il est fort probable, en plus, que la monarchie permettrait un passage plus aisé au communisme réel, libertaire, c’est-à-dire à la disparition de l’Etat, du capitalisme pour un peuple qui vivrait , comme le disait Marx, dans un monde où le libre développement de chacun serait la condition du libre développement de tous. C’est qu’une monarchie bien comprise, comme la définissait Maurras, « c’est l’anarchie plus un ». Le roi serait ainsi le garant et le principe d’unité entre toutes les communautés affinitaires, genre  Tarnac ou Notre-Dame-des-Landes qui couvriraient le territoire harmonieusement. 

    Jérôme Leroy

     

  • Laïcité : le renoncement des Québécois ...

     

    Un projet de loi visant à renoncer à l'interdiction du port de signes religieux du secteur public vient d'être déposé au Québec. Pour Mathieu Bock-Côté*, reléguer l'identité nationale dans le domaine privé et réduire la citoyenneté à ses droits relève de l'illusion. On remarquera son coup d'épingle final aux valeurs universalistes ou aux valeurs républicaines, comme on dit en France.  LFAR

     

    834753111.jpgDepuis 2006, avec la crise des accommodements raisonnables, la question du multiculturalisme s'est invitée au cœur de la politique québécoise et cela, de nombreuses manières. À travers elle, on se demande de quelle manière assurer la meilleure intégration possible des immigrés. La société d'accueil est-elle en droit d'imposer ses références historiques et identitaires à la manière d'une culture de convergence? Encore doit-elle, pour cela, assumer cette identité et ne pas la réduire à un catalogue de valeurs universelles. Ou doit-elle plutôt considérer l'identité de la nation d'accueil comme une identité parmi d'autres, pour éviter de discriminer celle des immigrés ?

    Le précédent gouvernement, celui du Parti Québécois (2012-2014) était de la première école et entendait, avec son projet de Charte des valeurs québécoises, définir un cadre d'intégration reposant sur la valorisation de la laïcité. Mais il ne s'agissait pas d'une laïcité abstraite, désincarnée. À travers sa défense de l'égalité entre les hommes et les femmes, elle s'accompagnait d'une défense des mœurs de la société d'accueil et cherchait, avec plus ou moins de succès, à traduire politiquement le principe suivant: à Rome, fais comme les Romains. Elle reconnaissait aussi le patrimoine historique et religieux particulier du Québec, marqué en profondeur par le catholicisme. La laïcité était considérée comme un outil pour favoriser l'intégration des immigrés à l'identité québécoise.

    La proposition péquiste recevait un appui majoritaire de la population, mais s'est vue sévèrement attaquée par la presque totalité des commentateurs, ralliée à une version ou une autre de l'idéologie multiculturaliste, et convaincue qu'on ne saurait s'en éloigner sans heurter et transgresser les droits de l'homme. Il ne serait plus légitime, dans une société pluraliste et évoluée, d'imposer quelque norme substantielle que ce soit. Si un gouvernement s'y engage néanmoins, on pourra l'accuser de pratiquer la tyrannie de la majorité et de nous faire régresser vers les heures les plus sombres de l'histoire. La démocratie contemporaine reposerait en fait sur la neutralisation de la nation et la déconstruction de tous ses privilèges illégitimes.

    Le gouvernement libéral de Philippe Couillard, élu en avril 2014, est ouvertement partisan du multiculturalisme et entend trouver la solution la moins contraignante possible à la crise de l'intégration. Faut-il permettre aux employés de l'État de porter le tchador? C'est à cette question qu'a cru devoir répondre positivement le gouvernement québécois cette semaine en présentant un projet de loi visant à encadrer de la manière la plus minimaliste qui soit les accommodements raisonnables et autres revendications ethnoreligieuses provenant plus souvent qu'autrement des communautés issues de l'immigration. Le premier ministre Couillard l'a dit: pour peu que les services publics soient offerts et demandés à visage découvert, il sera satisfait. On ne dira certainement plus qu'à Rome, on fait comme les Romains, mais qu'ici, tout est permis.

    Mais une société peut-elle n'être qu'un rassemblement d'individus atomisés seulement reliés par les droits qu'ils se reconnaissent entre eux? Une des grandes illusions de la philosophie libérale consiste à croire que la question du sens, dans le monde moderne, est appelée à se résoudre d'elle-même, en se privatisant. Tout comme la religion a été progressivement reléguée dans le domaine privé, l'identité nationale serait aussi appelée à l'être dans les décennies à venir, et les pouvoirs publics auraient simplement pour vocation d'encadrer le «vivre-ensemble» en balisant les libertés de chacun. Il n'y aurait plus de culture commune, seulement des règles partagées que les tribunaux devront faire respecter.

    Mais le libéralisme ne parvient jamais vraiment à assécher définitivement les passions politiques et à convaincre l'individu d'évoluer seulement dans le domaine privé. Car ce dernier ressent un besoin intime d'appartenance à sa collectivité. L'anthropologie des Anciens nous apprend ici une leçon qui échappe aux modernes: l'homme est un animal politique et désire s'inscrire dans la cité autrement que par un simple lien formel, administratif. Le cœur de l'homme est bouillant et il veut s'identifier existentiellement au monde dans lequel il évolue. Une cité n'est pas une construction purement artificielle, elle s'ancre dans l'histoire, elle est investie de sentiments fondamentaux inscrits dans la nature humaine et qu'elle doit canaliser politiquement.

    Lorsqu'on censure cette part de l'homme, inévitablement, elle finit par resurgir. C'est vrai dans toutes les sociétés occidentales. On aura beau vouloir dépolitiser l'identité collective et se contenter d'une forme de citoyenneté strictement réduite aux droits qu'elle offre et garantit à chacun, un pays n'est pas une page blanche non plus qu'un territoire sans profondeur historique. Et on ne saurait non plus réduire le politique au droit. L'immigration massive qui bouleverse les sociétés occidentales les force à redécouvrir leur propre identité historique et à sortir de l'illusion moderniste qui les poussait à se définir seulement par des valeurs universalistes - ou des valeurs républicaines, comme on dit en France. 

    * Mathieu Bock-Côté est sociologue. Il est chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal ainsi qu'à la radio de Radio-Canada. Il est l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels « Exercices politiques » (VLB, 2013), « Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois » (Boréal, 2012) et «L a dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire » (Boréal, 2007).

     

    Mathieu Bock-Côté FIGAROVOX

     

  • Peut-on être Jacques Bainville aujourd'hui ? L'analyse de Stéphane Ratti *

    Jacques Bainville (1879-1936), membre de l'Académie Française et historien. © Rue des Archives/Tallandier

     

    Jacques Bainville, près de 80 ans après sa mort : une référence, un historien du passé et un visionnaire, qui selon Stéphane Ratti, ne ressemble en rien aux grands intellectuels d'aujourd'hui. Mais Stéphane Ratti ne se borne pas à cette constatation.  Son analyse perspicace, qui apparaîtra sans-doute, parfois atypique ou paradoxale aux bainvilliens de toujours, a le mérite de donner à réfléchir à la fois sur Jacques Bainville, sur ce qu'il faut bien appeler son intelligence politique et son art, sur l'époque où il vécut, qu'il ne cesse de décrire et analyser, et, enfin, sur notre époque même, à la fois si différente et si semblable. Il est possible que Bainville ne ressemble en rien aux grands intellectuels d'aujourd'hui, mais il n'a pas cessé de dispenser à nombre d'entre eux les bénéfices, avoués ou non, de son influence.  LFAR

     

    Il est des analystes de la vie politique grâce auxquels on se sent un peu moins seul face aux désordres du monde. Jacques Bainville est de ceux-là. L'intelligence de l'historien est telle qu'Antoine Prost, pourtant peu suspect d'affection a priori pour les penchants nationalistes de l'auteur, jugea son Histoire de France, où ne figure pas un mot d'économie, « si intelligente et si lumineuse ». Il est vrai qu'il ajoutait que la mariée était si belle qu'il fallait forcément se défier de la séduction qu'elle exerçait. Un homme de gauche ne rend pas les armes aussi facilement devant une histoire de droite. 

    De 1924 à sa mort en 1936, celui qui devint Académicien in extremis en 1935 fit paraître quelque 250 articles touchant à tous les domaines où s'exerçaient sa sagacité et sa lucidité sans pareil. Bainville annonça ainsi la revanche allemande de 1940 tout en bravant le sort que les dieux réservèrent à Cassandre horriblement mise à mort pour ne se tromper jamais. 

    Ce sont ces articles que publient aujourd'hui pour la première fois depuis 1939 Les Belles Lettres, sous le titre Doit-on le dire ?, dans une excellente collection dirigée par Jean-Claude Zylberstein. 

    La question que se pose le lecteur de ce recueil, balancé entre le dépaysement que lui procure ces images si étranges de la IIIe République où un Président barbote dans les bassins de Rambouillet et y grimpe aux arbres, et le saisissement qui le prend à constater mille similitudes dans les turpitudes de chacun, du chef de cabinet aux banquiers, est celle-ci : peut-on être Jacques Bainville aujourd'hui ? 

    Si les époques sont propices en apparence à souligner les concordances des temps, comme le fit naguère Jean-Noël Jeanneney, il me semble au contraire que tout ou presque a changé. Certes de brillants éditorialistes demeurent et ferraillent contre les pouvoirs. Mais quel écrivain reconnu et surtout indépendant dispose quotidiennement, comme Bainville dans le journal Candide, dont la réussite inspirera la création à droite de Gringoire et, à gauche, de Marianne, d'une tribune ouverte à plus de 400 000 lecteurs? Quel historien professionnel place encore son activité de publiciste sur le même plan que son travail de recherche au point de rédiger trois papiers dans la même journée ? Quel académicien publie ainsi son journal littéraire et politique au point d'en faire ce que Michel Tournier appelait un journal « extime » ? Celui de Michel Déon, que je sache, n'a jamais été publié dans son intégralité.

    Sans doute l'ironie si fine de Bainville, « paisible et salubre » comme il la décrivait, le protégeait-elle. Elle lui offrait le masque de Voltaire pour être plus authentiquement un autre Maurras. Il avait cette double compétence, historien du passé et visionnaire, qui en faisait un Janus aussi à l'aise dans le récit national de la Guerre de Cent ans que dans l'annonce tragique du funeste conflit à venir. Tragique parce qu'il n'était pas cru. « L'hitlérisme est étale », lui répondait-on impavide en 1932. On croyait alors, comme aujourd'hui, qu'il « suffit de ne pas parler de la guerre pour ne pas l'avoir ». Et Bainville de rappeler qu'il avait recueilli d'un vieux marquis, « la dernière personne vivante qui eût causé avec Balzac », cet avertissement que le romancier lui adressait: « Jeune homme, puisque vous êtes chez les Allemands, observez-les. Ce peuple a le sens de la discipline. Il fera des choses redoutables ». Cela se disait à Dresde, vers 1846. 

    Qui oserait afficher de nos jours cet aristocratisme démocratique - le même qu'il prêtait à Clemenceau qui, selon lui, qualifiait l'ensemble des membres de la classe politique de « ganaches » - qui le poussait à défendre un système électif de « liste d'État » par lesquelles seraient comme présélectionnés les candidats car « à chaque fournée électorale le niveau baisse » ? 

    Bainville, comme on le voit de nos jours, dénonçait les malversations des banquiers. Il avait compris qu'on encourageait l'épargne, comme l'éleveur engraisse les moutons : « Quand l'épargne devient capital, elle est bonne pour l'abattoir ». Bientôt chez nous l'impôt forcé à 15% sur le capital des Français ? 

    Mais combien rares dénoncent encore, comme Bainville, la censure dans les débats religieux qui sont tus aujourd'hui en France ? L'auteur adresse ce rappel salutaire aux plus téméraires: « Anatole France, par crainte des inquisiteurs de gauche, n'a usé du blasphème qu'en le dissimulant sous un cryptogramme ». 

    Nos grands intellectuels font aujourd'hui mine de se dégager, tout en poursuivant la lutte comme Régis Debray, un autre Candide engagé. Ou bien, au contraire de l'optimiste stoïcien qu'était Bainville, ils vantent le retrait et la suspension du jugement comme le fait brillamment, en épicurien et sceptique accompli, Pascal Quignard dans son dernier essai, Critique du jugement. 

    Pendant ce temps-là d'autres relisent peut-être Cicéron et ses leçons de fatalisme.  

     

    Stéphane Ratti est Professeur des Universités. Son dernier ouvrage, « Polémiques entre païens et chrétiens », est paru en 2012 aux éditions Les Belles Lettres.

    Stéphane Ratti            

  • Pourquoi l'immigration massive doit cesser

    Par Mathieu Bock-Côté*      

    Le maire de Palerme a appelé ce jeudi à l'instauration de la libre circulation des clandestins dans l'UE. Mathieu Bock-Côté rappelle que les peuples ne sont pas interchangeables et constituent des réalités historiques qu'il faut préserver.   

    Touche pas à mon pote. C'était le slogan de l'antiracisme des années 1980. Il abolissait la distinction entre le citoyen et l'étranger et résorbait le lien politique dans la simple amitié privée. L'humanité étant une, les frontières distinguant les groupes nationaux seraient arbitraires. Il faudrait saisir chaque occasion d'en finir avec elles, en les déconstruisant comme en les transgressant. Qu'importe que l'immigrant soit légal ou illégal, officiellement le bienvenu ou clandestin. Il forçait la nation à se déprendre de son ethnocentrisme, à s'examiner de l'extérieur et à célébrer la différence rédemptrice. D'ailleurs, au fil du temps, le clandestin est devenu le sans-papier. Il ne se définissait plus par sa présence illégale mais par un manque à combler. 

    Ces jours-ci, les clandestins sont devenus des migrants. Singulier euphémisme correspondant au grand récit mis de l'avant par la mondialisation selon lequel nous serions tous des immigrants. Et comme hier, nous entendrons probablement bientôt touche pas à mon migrant. Le terme masque bien mal une véritable déferlante migratoire qu'il n'est pas permis de nommer sans quoi on se fera accuser de céder au fantasme de la submersion démographique. Évidemment chaque immigré porte une histoire singulière. Mais c'est à l'échelle de l'histoire qu'il faut saisir ce phénomène, qui prend l'allure d'une révolution démographique appelée à changer le visage d'un vieux monde faisant semblant de s'en réjouir en chantant la célébration des différences. 

    Les élites européennes adhèrent à un humanitarisme qui ne veut plus voir le monde qu'à travers une vision fondamentaliste des droits de l'homme. Évidemment, aucune communauté n'est définitivement close. Chacune est transcendée par une certaine idée de l'universel. Le christianisme nous disait déjà de tous les hommes qu'ils étaient égaux devant Dieu, et les droits de l'homme ont sécularisé cette noble idée. Faut-il néanmoins rappeler que les peuples ne sont pas tous interchangeables entre eux, quoi qu'en pensent ceux qui veulent définir les peuples simplement par leur adhésion à des valeurs universelles? Un peuple n'est pas une construction juridique artificielle: c'est une réalité historique profonde qui a un droit à la continuité. 

    Il ne s'agit pas de penser, comme le suggèrent certains esprits aussi inquiets qu'excessifs, en termes de conquête de l'Europe par l'islam. À tout le moins, on parlera pour l'Europe d'une immigration de peuplement subie qui engendre des crises sociales de plus en plus nombreuses. Il faut aller au-delà de la seule crise des migrants, qui ne fait que radicaliser la question de l'immigration. Mais ces populations nouvelles ne s'assimilent ni ne s'intègrent vraiment et se constituent souvent en contre-sociétés qui deviennent aisément hostiles aux pays dans lesquelles elles s'installent. Elles arrivent dans les pays européens sans avoir l'intention d'en prendre le pli. Naturellement, les populations locales se sentent dépossédées et se crispent. 

    Nul besoin d'aller jusqu'à prophétiser un choc des civilisations pour constater que des mœurs trop fortement contrastées peuvent difficilement cohabiter sur un même territoire sans que ne s'installe une crise permanente. Évidemment, les explications de ces conflits sont aussi nombreuses que contradictoires. À droite, on a tendance à l'expliquer par l'incompatibilité culturelle entre les populations étrangères et la société d'accueil. À gauche, on accuse surtout cette dernière de ghettoïser les immigrés et d'en faire les victimes d'un système discriminatoire à grande échelle. C'était la formule aussi dangereuse que toxique de Manuel Valls qui a accusé la France de pratiquer l'apartheid contre ses immigrés. Mais plus personne ne croit vraiment que tout va bien. 

    Évidemment, il n'y a pas de solution simple, même si certains se réfugient derrière la complexité de la situation pour justifier leur inaction. Le fait est pourtant que les nations européennes devront envoyer d'une manière ou d'une autre un message clair: les vagues massives de clandestins qui entrent par effraction dans leurs frontières ne sont pas les bienvenues et sont appelées, tôt ou tard, à être refoulées. L'immigration massive doit cesser, et plus encore quand elle prend le visage de ces derniers mois. Cela ne veut pas dire qu'il faille railler toute sensibilité humanitaire en y voyant de la sensiblerie humanitariste. D'ailleurs, quoi qu'en disent les cyniques, les pays européens déploient des efforts significatifs et admirables pour sauver le plus de vies possibles. 

    Le fantasme universaliste qui pousse la civilisation européenne à se mirer exclusivement dans l'idéal d'une humanité réconciliée l'empêche de comprendre ses intérêts spécifiques. Elle en vient à se désarmer politiquement et psychologiquement pour ne plus se voir qu'à la manière d'un espace plat sans identité particulière appelé à accueillir la planète entière. Il n'est plus bien vu, aujourd'hui, d'évoquer la figure de la décadence. On veut y voir une catégorie réservée à la pensée réactionnaire et aux obsédés du déclin. C'est peut-être à sa lumière, néanmoins, qu'il faudrait penser la crise actuelle d'une civilisation renonçant à défendre ses frontières en bonne partie parce qu'elle ne voit plus au nom de quoi et en quel droit elle le ferait.

     

    * Mathieu Bock-Côté est sociologue (Ph.D). Il est chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal ainsi qu'à la radio de Radio-Canada. Il est l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels «Exercices politiques» (VLB, 2013), «Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois» (Boréal, 2012) et «La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire» (Boréal, 2007).

    Mathieu Bock-Côté - Figarovox