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Rechercher : Rémi Hugues. histoire

  • Dans les archives de Lafautearousseau, voyez nos « grands auteurs », retrouvez leurs réflexions ...

    Grands auteurs auxquels, aujourd'hui, s'est ajouté Maurice Barrès.

    Grands auteurs ou acteurs de l'Histoire s'enrichit, chaque semaine, en principe le vendredi, de pensées et réflexions particulièrement pertinentes. Vingt-huit Français, neuf grands esprits européens, anglais, allemand, espagnol, russe et tchèque. et trois non-européens, Edgar Poe, le Dalaï Lama et le pape François. Bien d'autres grands auteurs éclectiques et profonds sont à venir. « Du bonheur d'être réac ? » C'est, entre autres, en termes très simples et dans des sens divers, ce qui les rassemble. N'hésitez pas à consulter cette bibliothèque qui s'étoffe et se construit !

    Accès : Icône en page d'accueil, colonne de droite. 

     

    Déjà cités : Edgar Poe, le Dalaï Lama, Tocqueville, Baudelaire, Vaclav Havel, Claude Lévy-Strauss, Charles Péguy, Dostoïevski, Goethe, Anouilh, Malraux, Unamuno, la Satire Ménippée, George Steiner, Shakespeare, Frédéric II, Jacques Perret, Georges Bernanos, Anatole France, Auguste Comte, Balzac, Racine, Pierre Manent, Louis XIV, Charles Maurras, Alexandre Soljenitsyne, le Pape François, Wintson Churchill, Alfred de Musset, Michel Houellebecq, Jean Giraudoux, Gustave Thibon, Choderlos de Laclos, Jacques Ellul, Simone Weil, Jacques Bainville, Albert Schweitzer interpelant Charles De Gaulle.

  • Bainville chroniqueur : les commentaires de Causeur sous la plume de Bernard Quiriny

     

    Retour sur Jacques Bainville et sur la réédition de Doit-on le dire*. (Voir aussi Peut-on être Jacques Bainville aujourd'hui ? L'analyse de Stéphane Ratti : notre note du mardi 2 juin). 

    En 1924, l’éditeur Arthème Fayard (deuxième du nom) lance Candide, hebdomadaire d’actualité politique et littéraire, plutôt à droite, dirigé par Pierre Gaxotte. Y collaborent des plumes comme Albert Thibaudet, Benjamin Crémieux, Léon Daudet ou le caricaturiste Sennep, pilier de la rubrique humoristique. Avec un tirage de 80 000 exemplaires dès l’année du lancement, Candide est l’un des premiers hebdomadaires français ; sa diffusion passe 400 000 exemplaires au milieu des années 1930, presque autant que Gringoire et plus que Marianne ou Vendredi. Jacques Bainville, 45 ans à l’époque, célèbre pour ses livres d’histoire (Histoire de deux peuples, Histoire de France) et ses essais (Les conséquences politiques de la paix, fameuse dénonciation du Traité de Versailles), est invité à écrire par Fayard. Aguerri au journalisme (il écrira durant sa vie pour plus de trente titres), il se voit confier un billet de deux colonnes à la une, sous le titre « Doit-on le dire ? », pour parler de ce qu’il veut, vie politique et parlementaire, actualité diplomatique, mœurs, arts, littérature. La forme étant libre, Bainville s’en donne à cœur joie, testant tout : dialogue, saynète futuriste (un débat à la chambre en… 1975), commentaire, etc. Très lue, cette chronique donne lieu en 1939 à un recueil de 250 papiers chez Fayard, avec une préface d’André Chaumeix. C’est ce volume qu’exhume aujourd’hui Jean-Claude Zylberstein dans sa collection « Le goût des idées », avec un avant-propos de Christophe Parry.

    Y a-t-il un sens à relire aujourd’hui ces chroniques de l’entre-deux-guerres ? Beaucoup d’événements dont elles parlent sont sortis des mémoires, on n’en saisit pas toujours les subtilités. Deux ou trois mots de contextualisation n’auraient pas été de trop. Mais quand même, quel plaisir ! Plaisir de voyager dans le temps, déjà : on respire dans ces billets l’atmosphère de la Troisième République, avec les grands députés, les inquiétudes devant le franc trop faible et l’Allemagne trop forte, la démission de Millerand, les polémiques, les scandales. Il n’y a pas que la politique qui passionne Bainville : tout lui est bon pour réfléchir et plaisanter, du dernier prix littéraire aux vacances des Français en passant par les séances de l’Académie (il y sera élu en 1935) et le politiquement correct qui, déjà, fait ses ravages. Ainsi Bainville ironiste-t-il en 1928 sur le remplacement du Ministère de la guerre par un Ministère de la Défense nationale, tellement plus rassurant… Quant à ses opinions, elles n’étonnent pas, pour qui connaît son parcours : Bainville défend le capitalisme, critique les dérives du du parlementarisme, et réserve ses meilleures flèches aux socialistes, adorateurs du fisc et de l’égalité, ainsi qu’à tous les opportunistes et à tous les utopismes, qu’il estime toujours trompeurs et dangereux.

    Ses armes sont l’ironie, la fausse candeur, la banderille plantée l’air de rien. Les chutes de ses papiers, souvent, sont excellentes. « Je ne vois qu’une difficulté à la défense des écrivains contre le fisc, dit-il. L’organisation de leur grève se conçoit assez mal. Il y aurait bien celle des chefs-d’œuvre. Malheureusement elle est déjà commencée ». On glane dans ces pages beaucoup de petits aphorismes malicieux, toujours applicables aujourd’hui. « A condition de ne donner ni chiffres ni dates, vous pouvez conjecturer tout ce que vous voudrez » : ne dirait-on pas qu’il parle de la courbe du chômage dans nos années 2015 ? De même, voyez ce papier de 1934 où il cloue au pilori deux députés radicaux qui ont fait campagne contre « les congrégations économiques et l’oligarchie financière » : « Jamais on ne s’est moqué du peuple à ce point-là ». Toute ressemblance avec un certain discours au Bourget, etc. Comme on voit, il y a de quoi rire dans ce volume. On y voit un Bainville, léger, caustique, différent du Bainville des grands livres, le Napoléon, les Histoires, le Bismarck. C’est sa facette voltairienne, si l’on veut, lui qui si souvent fut comparé à Voltaire, et qui ne pouvait mieux exprimer cet aspect de sa personnalité que dans un journal intitulé Candide. La façon de Voltaire, il la résume d’ailleurs dans une chronique : tout oser et, pour cela, « joindre beaucoup de style à beaucoup d’esprit ». 

    Doit-on-le dire ?, Jacques Bainville, Les Belles, Lettres, 2015.

    Bernard Quiriny - Causeur

     

  • Les décapitations sauvages en France, par Jean-Philippe Chauvin

    « Comme dans la vieille semaine, demandant toujours que l'on tue.»

     

    arton8470-7b8cd.jpgA entendre les médias, l'inédit est permanent : ainsi, au moment de la décapitation d'un industriel par un islamiste ordinaire non loin de Grenoble, il y a quelques semaines, la presse s'exclama que c'était la première fois dans notre beau pays et depuis le Moyen âge que cela arrivait. La photo faite par un policier et relayée par les réseaux sociaux puis la photo que les islamistes ont mis en circulation la semaine dernière, différente si le modèle reste tragiquement le même, de la tête accrochée à une grille de l'usine visée par l'attentat, ont choqué, et à juste titre. Nos sociétés sont devenues sensibles à une horreur qui, malheureusement, est monnaie (plus ou moins) courante sur des terres qui nous semblent lointaines et exotiques, de la Syrie au Mali, de l'Algérie au Nigéria, mais aussi à travers nombre de séries télévisées et de films à grand spectacle, et pas seulement dans Highlander... Mais en France, comment est-ce possible ! 

    Et pourtant ! Dans notre histoire nationale, il est une période que les manuels scolaires vantent comme fondatrice de notre société contemporaine et de ses mœurs politiques, et à laquelle nos hommes politiques et nos ministres, en particulier de l’Éducation nationale, attribuent une grande légitimité, évoquant avec des trémolos dans la voix, les « valeurs républicaines » qui en seraient issues : la Révolution française... Bien sûr, la période est complexe et je ne condamne pas tous les moments ou toutes les intentions de ceux qui ont parcouru et parfois initié ce grand mouvement dont le comte de Chambord disait, à propos de 1789, qu'il fallait le « reprendre », ce qui entendait qu'il était possible de la refaire dans un sens plus conforme aux intérêts de la France et de ses habitants, mais aussi de l'équilibre du monde : la convocation des états-généraux, les débats politiques et les essais constitutionnels, aussi maladroits aient-ils été parfois, sont intéressants et peuvent utilement être repensés. Marc Bloch avait raison quand il disait : « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims, ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération.» : cela n'enlève rien à la possibilité de la réflexion sur ce dernier événement et son sens, mais aussi sur ses espérances déçues. Mais la Révolution a ouvert la boîte de Pandore des idéologies individualistes, avec toutes ses variantes, des plus conciliantes jusqu'aux plus violentes ou étouffantes, et M. Talmon, cet historien israélien souvent cité mais fort peu lu, y trouvait ainsi les origines de la démocratie totalitaire. 

    La République a mal démarré, c'est le moins que l'on puisse dire, et en voulant faire table rase du passé (et pas seulement par l'imposition d'un nouveau calendrier), elle a parfois dénié toute humanité à ses adversaires, usant de procédés ignobles que Sartre aurait pu couvrir de la cynique formule qui déclare que « la fin justifie les moyens », et elle a couvert mais aussi commis, par elle-même, des horreurs que les islamistes actualisent en leur stratégie de la tension et de la conquête. 

    Bien sûr, la guillotine avait étêté « légalement » nombre d'opposants, des royalistes aux fédéralistes, du roi Louis XVI aux ouvriers lyonnais, et elle reste dans l'inconscient collectif de nombreuses populations européennes comme le symbole même de cette Révolution que peu d'étrangers nous envient, en définitive. Mais la mort des « ennemis de la République » ne suffisait pas aux premiers républicains, il fallait aller plus loin, pour terroriser les Français et dissuader de résister ou de contester les décisions de ce régime nouveau : dans la basilique Saint-Denis, les tombeaux des rois furent profanés et vidés de leurs occupants de la manière la plus sauvage qui soit, et cela fut fait aussi dans toutes les cathédrales de France, comme à Quimper où les crânes décharnés des défunts furent brandis au bout de piques le jour de la dévastation de la cathédrale, en décembre 1793... Quant au marquis de La Rouërie, compagnon de Washington lors de la guerre d'indépendance américaine et fondateur de la première chouannerie (celle des nobles bretons), son corps fut déterré par les soldats républicains pour en trancher la tête et la jeter aux pieds des châtelains qui l'avaient hébergé et recueilli son dernier souffle en janvier 1793... 

    Mais l'épisode de l'entrepreneur isérois, en juin dernier, a connu un précédent, similaire dans la forme et dans sa volonté de marquer les esprits et de terroriser : en janvier 1794, le prince de Talmont, ancien (et maladroit, sans doute) commandant de la cavalerie vendéenne de l'Armée catholique et royale, fervent royaliste et ami de Jean Chouan, est dans les prisons de la République. En apprenant sa capture, comme le rapporte l'écrivain Job de Roincé, « le conventionnel [régicide] Esnue-Lavallée écrit aussitôt au président de la Convention Nationale [l'assemblée parlementaire de la Première République] pour lui demander « que la tête de ce chef de rébellion soit immédiatement après son supplice plantée au bout d'une pique et placée au-dessus de la principale porte de son ci-devant château à Laval ; ce spectacle fera trembler la foule de malveillants, de royalistes et d'aristocrates dont cette ville fourmille ». » Ainsi, le procès n'est qu'une formalité purement administrative, la condamnation étant acquise avant même que celui-ci se déroule, et Talmont est guillotiné, ses derniers mots étant pour le bourreau, puis pour la foule apeurée et désolée : « J'ai fait mon devoir, fais ton métier », puis, en final, « Vive le roi ». 

    La suite n'est pas à l'honneur de la République et de ses commanditaires, comme la rapporte Job de Roincé, mais n'est que l'application des consignes données par le député républicain, suivi par la Convention : « Une scène atroce va alors se dérouler. Un ancien prêtre, Jean-Louis Guilbert, membre de la Commission révolutionnaire, prend la tête du supplicié, la place sur un chandelier pour s'amuser, puis il va la placer à la porte du château où elle est attachée à la grille. » Cette horreur était, ne l'oublions pas, couverte par la République, mais plus encore décidée par ses représentants élus à la Convention et encouragée par les membres du Comité de Salut Public dominé alors par Saint-Just et Robespierre. 

    L'histoire est cruelle : la République est-elle, au regard de ses origines et de ses pratiques de l'époque qui renouaient avec celles des temps dits barbares, la plus légitime pour s'indigner des actes de cruauté d'islamistes qui, eux aussi, sont persuadés d'être « légitimes » et « d'avoir forcément raison », « d'être le Bien » ? Bien sûr, elle a, dans cette affaire, tout à fait raison de dénoncer ces actes d’une grande sauvagerie, mais il ne serait pas inutile pour elle de se pencher objectivement sur son propre passé et de reconnaître qu'elle a, elle aussi, usé des méthodes les plus indignes pour imposer son règne de fer et d'acier en cette fin de XVIIIe siècle. Or, il suffit de lire les manuels scolaires d'histoire et d'entendre les propos de certains ministres (pas de tous, d'ailleurs) pour constater que la République, même si la Cinquième n'a pas grand-chose de commun avec la Première sur ce plan-là, n'a pas encore fait son examen de conscience... Le peut-elle, voilà la vraie question ! Personnellement, et après deux siècles d'expérience et d'observation, j'en doute... 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

     

  • SOCIETE • Les églises font partie de l'identité de la France !

     

    Par Mathieu Bock-Côté* 

    L'intellectuel québécois, Mathieu Bock-Côté réagit à la polémique sur l'avenir des églises qui seraient peu fréquentées par les fidèles. Comme toujours jusqu'à présent, nous apprécions la pertinence de son analyse.

    834753111.jpgVues de Montréal, où je vis, les controverses sur l'avenir d'églises catholiques qui seraient désertées par les fidèles ont l'immense mérite de poser directement une question qu'on a l'habitude d'esquiver ou de dissimuler derrière des considérations plus générales : celle des liens intimes entre l'identité de la France et son héritage chrétien. Cette question heurte de plein fouet ceux qui voudraient faire commencer la France en 1789 et qui ne lui connaissent qu'une identité républicaine. Elle oblige à reconnaître l'histoire et la mémoire sans lesquelles les sociétés sont condamnées à l'apesanteur.

    On sait comment la question est apparue publiquement. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, y est allé d'une proposition faussement candide : puisque des églises sont vides, pourquoi ne pas les confier aux musulmans en manque de mosquées? Une religion en vaut bien une autre. D'ailleurs ne prient-ils pas le même Dieu ?

    Sauf que c'est faire preuve ici d'un immense relativisme qui confirme le penchant postmoderne pour l'interchangeabilité de toutes choses. « Un temple est un temple : qu'importe qui on y priera », entend-on dans les cénacles parisiens. « Dans la mesure où l'État est indifférent aux religions, il ne distingue pas entre elles, pourquoi faudrait-il s'inquiéter de ce transfert d'appartenance ? », estime-t-on à Saint-Germain-des-Prés.

    Alain Finkielkraut a encore une fois trouvé les bons mots en rétorquant que ce raisonnement confortait la crainte récurrente d'une « submersion culturelle ». Le transfert massif des lieux de culte confirmerait une mutation radicale de l'identité française. Elle serait vécue comme un mélange d'agression et de dépossession.

    Il est évidemment légitime que les musulmans jouissent, en France, d'une égalité totale en matière de liberté de conscience et de culte. Toutefois, au plan symbolique, et quoi qu'on en pense, l'islam ne saurait prétendre au même statut en France que le catholicisme. L'islam est d'implantation récente dans ce pays alors que le catholicisme a façonné la France dans ses profondeurs les plus intimes. C'est un simple fait qu'il ne devrait pas être scandaleux de rappeler.

    Ce constat semble inacceptable pour l'égalitarisme multiculturel à la mode, qui assimile la reconnaissance du poids de l'histoire à une intolérable exclusion des nouveaux arrivés. Dans un monde remis à zéro, devant tout à l'utopie diversitaire, le passé serait dépouillé de ses privilèges. Une proposition revient souvent en France : il faudrait permettre à chaque confession d'avoir son jour férié au calendrier. Ou reconnaître un jour férié musulman valable pour l'ensemble des Français. On confirmerait ainsi l'inscription positive de l'islam dans la culture française.

    Il est pourtant permis d'y voir autre chose : le refus de se plier aux mœurs françaises et aux repères identitaires de la société d'accueil. Ne demandait-on pas traditionnellement aux étrangers de respecter les us et coutumes de leurs hôtes ? La vocation de l'immigré est de prendre le pli de la société qui l'accueille. Nul ne lui demande de sacrifier ses croyances intimes, mais elles ne s'inscriront pas socialement de la même manière que dans son pays d'origine. La courtoisie voudrait même qu'on ne cherche pas à les imposer aux autres. La religion chrétienne est un marqueur de la civilisation occidentale. Les musulmans qui vivent dans les sociétés occidentales devraient savoir qu'ils sont dans des pays se définissant d'une manière ou d'une autre par leur identité chrétienne, et l'accepter. 

    On a hurlé au populisme, il y a quelques années, quand les Suisses ont voté en faveur de l'interdiction de nouveaux minarets dans leur pays. On a voulu y voir le symptôme d'une crispation identitaire ou, pire encore, d'une poussée xénophobe et islamophobe rappelant, comme il se doit, « les heures les plus sombres de l'histoire ». Le refrain est connu. Le référendum suisse exprimait pourtant autre chose : un pays n'est pas qu'une entité administratrice et juridique seulement définie par son adhésion aux droits de l'homme. Un pays, c'est aussi des paysages, une physionomie culturelle, une mémoire inscrite dans mille lieux. Une identité, pour le dire ainsi.

    Il est légitime de vouloir conserver l'héritage historique d'un pays, de rappeler son droit à la continuité. La votation suisse annonçait un réinvestissement existentiel du politique. L'État n'a pas seulement pour vocation d'administrer tranquillement, de manière gestionnaire, une société à la petite semaine. Dans les périodes de crise, quand l'histoire redevient houleuse,et c'est certainement le cas aujourd'hui, la puissance publique doit se porter à la défense des fondements de son pays, de sa part sacrée, qui ne saurait être altérée sans qu'il ne soit mortellement blessé. On pourrait dire qu'en renouant avec sa part chrétienne, la France assume une part refoulée de son identité civilisationnelle.

    La question n'est pas seulement politique. Une France qui se couperait de son héritage chrétien se condamnerait probablement à l'assèchement spirituel. Qu'on le veuille ou non, c'est essentiellement à travers la médiation du catholicisme que la France s'est interrogée, au fil des siècles, sur les questions éternelles. Le catholicisme, à travers son héritage architectural et culturel, connecte la France à la part la plus intime et charnelle de son identité. On voudrait aujourd'hui disqualifier moralement ce désir d'enracinement. Mais le patriotisme n'est pas une forme de maladie mentale.  • 

     

    * Mathieu Bock-Côté est sociologue. Il est chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal ainsi qu'à la radio de Radio-Canada. Il est l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels « Exercices politiques » (VLB, 2013), « Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois » (Boréal, 2012) et «L a dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire » (Boréal, 2007).

     

    Mathieu Bock-Côté  FIGAROVOX

     

  • « La centralité de la pensée de Maurras » selon Olivier Dard

    Illustration reprise d'Action française Provence 

     

    arton11267.png« Il y a une centralité de la pensée de Maurras à droite, comme il y a une centralité de la pensée de Marx à gauche » 

    Olivier Dard

    Historien français,

    Agrégé, docteur en histoire contemporaine

    et professeur à l’université Paris-Sorbonne (Paris IV)

     

    Cette réflexion qui nous paraît importante parce qu'en définitive elle se réfère aux données politiques actuelles et les explique en partie, est extraite de la conférence qu'Olivier Dard a donnée au Cercle de Flore le 16 décembre.

    Il s'agissait de présenter les dissidents de l'Action française à travers une réédition - préfacée par Olivier Dard - de l'ouvrage que Paul Sérant leur a consacré et qui est initialement paru en 1978.  

    On lira - si l'on clique sur le lien en note - le compte-rendu de cette conférence - que le Cercle de Flore a mis en ligne. Et dont, naturellement, on pourrait débattre. 

    Les dissidents ont-ils été finalement les meilleurs témoins du rayonnement de l'Action française ? C'est la conclusion que propose ce compte-rendu. On peut, en effet, le penser. 

    lacamisole.fr le cercle-de-flore

    cercle_de_flore_dard-a4c42.jpg

    Les Dissidents de l'Action française de Paul Sérant, préface d'Olivier Dard, éd. Pierre-Guillaume de Roux, 418 pages, 29 €

    A lire, voir et écouter dans Lafautearousseau

    A propos de la conférence d'Olivier Dard sur Charles Maurras, un contemporain capital [Martigues, 11 janvier 2014 - Vidéo]

     

  • Roger Scruton : « Le Brexit est un choix éminemment culturel »

     

    Par Vincent Trémolet de Villers

    Le grand philosophe britannique Roger Scruton* justifie le choix de ses compatriotes, qui assimilent le projet européen à la disparition de l'État-nation. Il s'en entretient avec Vincent Trémolet de Villers [Figarovox 28.06]. Et nous sommes en accord profond avec sa vision de l'Europe : celle des peuples, des nations et des Etats.  LFAR 

     

    Images-stories-Photos-roger_scruton_16_70dpi_photographer_by_pete_helme-267x397.jpgQue vous inspire le vote des Britanniques ?

    Je suis fier de nos concitoyens. Ils ont eu le courage de déclarer leur volonté de se gouverner eux-mêmes. Ils ont dit clairement qu'ils voulaient reprendre le contrôle de leur pays. Je suis fier, mais je suis inquiet aussi. Nous allons subir, je le crains, de nombreuses tentatives qui viseront à faire annuler ce résultat ou à en réduire les effets. Je crains aussi que le Royaume-Uni se fragmente. La vérité est que le choix qui nous a été proposé n'était pas de mon point de vue le plus judicieux.

    À la dialectique imposée : « Voulez-vous quitter ou rester dans l'Union européenne ? » nous aurions dû préférer une troisième possibilité : la rédaction d'un nouveau traité, adapté à la situation de l'Europe d'aujourd'hui. Traité que nous aurions pu soumettre à toutes les nations pour qu'elles y souscrivent.

    Comment expliquez-vous le choix des électeurs. Est-il économique ou culturel ?

    C'est un choix éminemment culturel. Les électeurs ont réagi contre deux effets de l'Union : la nécessité de vivre sous des lois imposées de dehors et la nécessité d'accepter des vagues d'immigrés de l'Europe - surtout de l'Europe de l'Est - dans des quantités qui menacent l'identité de la nation et sa cohésion. Ils veulent reprendre en main le destin de leur nation. C'est la cause profonde de ce vote.

    L'Union européenne est-elle, selon vous, un projet politique condamné à la dislocation ?

    C'est une évidence. Ce projet n'a jamais vraiment reçu l'approbation du peuple européen et il érode la partie la plus essentielle de notre héritage politique : l'État-nation. La motivation de ceux qui ont initié le projet d'union - Jean Monnet surtout - était alimentée par une peur de l'État-nation qui débouchait forcément sur le nationalisme. Pour Monnet il n'y a pas de nationalisme sans hostilité envers les autres nations. Lui et ses associés ont décidé, sans l'assentiment des peuples européens, d'abolir les frontières, de diminuer la souveraineté nationale et de créer une union politique. Les gens ordinaires, au départ, n'ont cru qu'à une entente commerciale. « Communauté de l'acier et du charbon », le projet, à l'origine, n'était présenté que sous ce type de forme. Petit à petit la mesure des ambitions des fondateurs s'est révélée, l'élargissement impressionnant a donné au projet une dimension préoccupante et chaque mouvement de résistance a été neutralisé par des manœuvres non démocratiques. La plus choquante fut le traité de Lisbonne voté par les parlements des pays européens et parfois même, comme en France, contre le choix exprimé, dans les urnes, par le peuple.

    Pour Monnet et sa génération, la nation c'était la guerre…

    Si, dans notre histoire, des formes de nationalisme ont menacé la paix du continent (celui de la France révolutionnaire, par exemple, et surtout celui des Allemands au XXe siècle), d'autres formes de nationalisme ont, à l'inverse, contribué à la paix de la Vieille Europe. Je pense, par exemple, à celui des Polonais, des Tchèques et peut-être, si j'ose le dire, celui des Anglais, sans lequel les nazis n'auraient pas été vaincus. Tout dépend de la culture politique et militaire du pays. Je sais bien que la culture de « soft power » que nous associons à l'UE est souvent louée comme un instrument de paix : mais les événements en Ukraine nous ont montré que ce genre de puissance est très peu efficace. Les dangers qui nous entourent aujourd'hui exigent que nous retrouvions les moyens de nous défendre, et la restauration des frontières nationales en est la condition sine qua non.

    Les campagnes ont voté contre les villes…

    Il ne faut pas exagérer : pas contre les villes, mais dans un autre sens que les villes. Dans un petit pays comme le nôtre, la campagne est le symbole de la nation. Sa paix, sa beauté : c'est ce qui est vraiment nôtre. Ceux qui habitent la campagne ont payé cher pour pouvoir y vivre. Ils craignent aujourd'hui de perdre ce qui fait leur environnement, leur identité. Chez eux, le sentiment d'appartenance est bien plus vivace que chez les habitants des villes. Partout en Europe, les gens ordinaires ont perdu confiance dans l'élite politique. Cette défiance se manifeste plus vivement dans la campagne que dans les villes. La cause profonde est sociologique. Être attaché au local, au lopin de terre, à une sociabilité immédiate (celle des villages) nous éveille à l'hypocrisie et aux mensonges de ceux qui peuvent facilement changer leur mode de vie et l'endroit où ils poursuivent leur existence. Ces derniers sont facilement accusés, par ceux qui n'ont que la terre où ils se sont enracinés, de « trahison des clercs ». C'est, bien entendu, une vue réductrice d'une question complexe mais c'est cette vue qui permet de comprendre la fracture qui existe entre le peuple et les élites.

    Croyez-vous au sens de l'histoire ?

    L'idée qu'il y a un « sens » de l'histoire est, pour moi, peu convaincante. Bien sûr, les philosophes allemands,  sous l'influence de Hegel, ont essayé de créer un récit linéaire, qui mène d'une époque à la suivante par une espèce d'argumentation logique. Et peut-être, pour la durée du XIXe siècle, l'histoire européenne avait une certaine logique, étant donné que l'Europe était un système de pouvoir autonome et dominant le monde entier. Maintenant, sous l'effet des forces émanant du Moyen-Orient, de la Chine, des États-Unis, etc., l'Europe se trouve de nouveau dans la condition des autres peuples : sans aucun sens, à part celui qu'elle peut trouver pour elle-même. Malgré cette nouvelle donne, l'élite des institutions de l'UE continue de rejeter les inquiétudes identitaires des gens ordinaires. Pour preuve, ils ont présenté un projet débarrassé des références chrétiennes et niant la validité des nations. Le résultat se voit partout en Europe - une désorientation du peuple, et une révolte électorale contre une classe politique qui pour une grande part de l'opinion publique a perdu tout crédit. 

    *Philosophe de l'esthétique, Roger Scruton a notamment enseigné à Oxford et à la Boston University. La traduction de son essai  How to Be Conservative doit paraître à l'automne aux Éditions de l'Artilleur.

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    Vincent Tremolet de Villers

  • Théâtre • Je l’appelais Monsieur Cocteau

     

    par Madeleine Gautier

     

    Je l’appelais Monsieur Cocteau, de Bérengère Dautun, d’après le roman de  Carole Weisweiller. Mise en scène Pascal Vitiello. Avec Bérengère Dautun et Guillaume Bienvenu

    Le livre de Carole Weisweiller adapté et interprété pour la scène  par Bérengère Dautun et Guillaume Bienvenu, ouvre une page enchantée sur la créativité foisonnante de Cocteau qui ne s’interdisait aucune discipline : peinture, littérature, cinéma, théâtre, dessin et dont les œuvres marquèrent le XXè siècle.   Une femme d’âge mûr se présente à nous, il s’agit  de Carole, fille de Francine Weisweiller amie et muse du poète. Au retour d’une soirée, portant son regard sur un objet réalisé par l’artiste, elle se rappelle son enfance et  celui  qui dit-elle:  «émiettait dans mon univers des parcelles de fêtes (…)  m’inventait des histoires que nous étions seuls à comprendre ».  Le souvenir des moments passés à la villa Santo Sospir avec le poète et sa mère Francine, lui laisse un parfum ineffable. A petits pas la narratrice nous guide comme on convie un ami, à  pénétrer  l’univers du « Prince des poètes » qui nous apparaît sous les traits de Guillaume Bienvenu, incarnant  la formidable énergie et révélant l’exigence esthétique extrême de ce funambule qui chercha toute sa vie une identité. La mise en scène  de Pascal Vitiello sobre et élégante, offre une belle partition aux deux comédiens, conteurs passionnés de ce  génie qui mérite amplement d’être (re)découvert. 

    Studio Hébertot, 78 Bis Boulevard des Batignolles, 75017 Paris (Location : 01 42 93 13 04)

  • Livres • Louis de Bonald, l’antimoderne oublié, le retour du Vicomte

     

    Par Bernard Quiriny

    Une utile et intéressante recension à propos d'un des maîtres de la contre-révolution. [Causeur, 9.07]

     

    Louis de Bonald ! Voici un nom qu’on n’a plus l’habitude de lire, à part dans les manuels d’histoire des idées où les auteurs lui consacrent quelques lignes, à la rubrique des contre-révolutionnaires. Le plus souvent, on associe Bonald à son contemporain Joseph de Maistre, l’autre héraut francophone de la critique des Lumières et de la Révolution. Hélas, aussi bien Maistre a la réputation d’écrire merveilleusement, aussi bien Bonald a celle d’écrire laborieusement, sans éclat ni génie. C’est pourquoi l’un continue d’être lu et figure toujours dans les librairies (Pierre Glaudes a réuni ses principaux textes dans un volume de la collection « Bouquins », en 2007), tandis que l’autre n’intéresse plus que les spécialistes et n’a quasiment pas été réédité.

    Une douloureuse réputation littéraire

    De fait, qui serait assez courageux pour se plonger aujourd’hui dans des volumes engageants comme Essai analytique sur les lois naturelles de l’ordre social (1800), Théorie du pouvoir politique et religieux (1796) ou Démonstration philosophique du principe constitutif de la société (1830), tous longs de plusieurs centaines de pages ?

    Et pourtant, ces textes austères sont la source majeure de la pensée traditionaliste du XIXe siècle. « Ce n’est pas Joseph de Maistre, ni, encore moins, Châteaubriand ou Lamennais, qui ont été les vrais inspirateurs de la pensée antidémocratique du siècle dernier, mais bien Louis de Bonald », dit Koyré dans ses Etudes d’histoire de la pensée philosophique. Taine, Comte, La Tour du Pin, Maurras, tout ce pan de la culture politique vient en ligne droite du Vicomte de Millau, dont la douloureuse réputation littéraire a fait oublier l’importance. Bien conscients de sa place majeure dans l’histoire, les savants continuent de lui consacrer des recherches, en France comme en Europe, ainsi qu’en témoigne le Bonald de l’historien piémontais Giorgio Barberis. Clair, bien conçu, ce livre est peut-être la meilleure introduction disponible à la pensée de Bonald. Barberis y montre bien comment le rejet bonaldien de la Révolution, loin d’être une réaction éruptive de barbon d’Ancien Régime, est la conséquence d’un système intellectuel solide où s’articulent une métaphysique, une anthropologie, une théologie, une conception de l’histoire.

    De Bonald à Rivarol

    Evidemment, vu de 2016, la pensée politique de Bonald – un ordre instauré d’en haut, appuyé sur la religion, organiciste et antilibéral – a quelque chose d’extraterrestre. Mais justement : c’est cette distance avec nous qui lui donne son actualité, le point de vue le plus éloigné de nos façons de penser étant le meilleur pour bien les comprendre. Sur ce plan, cette belle traduction (où on ne déplore que deux ou trois fautes de syntaxe – « la théorie dont il avait fait allusion », « une conception à laquelle s’ensuit »...) n’a pas qu’une utilité historique ou documentaire, elle permet aussi de mettre en perspective des notions comme le progrès, l’individualisme, le pouvoir, la légitimité, etc. Quant au procès fait à Bonald sur son style, les nombreux extraits cités par l’auteur indiquent qu’il est peut-être abusif et que le vieux Vicomte, pour n’avoir pas la plume facile, n’en était pas moins capable parfois de bonnes formules.

    Je profite de cet article pour dire aussi un mot d’un contemporain de Bonald (à un an près), Antoine de Rivarol : Maxence Caron réédite en effet ses Œuvres complètes dans un épais volume de la collection « Bouquins » où, par souci sans doute de le rendre plus digeste et plus attrayant, il l’associe aux aphorismes de Chamfort et à ceux Vauvenargues (je dis « réédite », il faudrait dire « édite » : la plupart des tentatives précédentes d’éditer Rivarol ont apparemment comporté des lacunes). D’une certaine façon, au plan du style, Rivarol est l’anti-Bonald : ce dernier compose des traités pesants, laborieux, répétitifs, alors que Rivarol virevolte et sautille sans jamais finir un livre, disséminant ses réflexions dans des textes courts, légers, ironiques. Bonald est besogneux et grave, Rivarol, facile et drôle ; cette différence des tempéraments se retrouve au plan des idées politiques. Tous deux critiquent en effet la Révolution, mais pas de la même manière ; à l’idéologie révolutionnaire, Bonald oppose l’idéologie théocratique – système contre système ; Rivarol, lui, y oppose un rejet de l’idéologie, une méfiance à la Burke pour les délires abstraits. Chantal Delsol explique tout cela dans une préface lumineuse de 40 pages, qui justifie à elle seule l’acquisition de ce superbe volume. 

     

    Louis de Bonald, ordre et pouvoir entre subversion et providence, Giorgio Barberis, traduit de l’italien par Astrée Questiaux, Desclée de Brouwer, 2016.

    L’art de l’insolence, Rivarol, Chamfort, Vauvenargues, Robert Laffont, « Bouquins », 2016.

    Bernard Quiriny

  • BD • Shadow banking

     

    par CS

    Après le « Pouvoir de l’Ombre » puis « Engrenage », le troisième tome de la série Shadow Banking intitulé « La Bombe grecque » plonge toujours le lecteur dans les arcanes de la finance internationale. 

    Mathieu Dorval poursuit sa quête de la vérité sur les assassins de son mentor, Victor de  la Salle, vice-président et n°2 de la Banque centrale européenne (BCE). Les tueurs retrouvent sa trace en Grèce et veulent à tout prix le faire taire. Avec sa compagne, Maureen Lazslo, informaticienne surdouée et ancienne employée de la banque BRS, Mathieu Doral parvient à découvrir l’adresse IP et l’identité du commanditaire de l’assassinat de Victor de la Salle. Il s’agit d’Elias Glykos, affairiste ayant incité de nombreuses banques à faire l’acquisition de produits véreux pour masquer artificiellement la dette grecque, peu avant son adhésion à l’UE. Mais Elias Glykos, ne se laisse par faire et entend bien faire taire à jamais le couple Dorval-Lazslo…

    A la fois précis et grand public, cette série s’appuie sur des faits réels pour donner à l’histoire un socle scénaristique fort et légitime. Le lecteur touche ici toute la puissance et tout le cynisme de quelques grands financiers qui peuvent, par un simple coup de fil, remettre en cause le fragile équilibre économique mondial. Ce troisième tome est très solide. D’autant plus que nous subissons toujours, au quotidien, les soubresauts de la crise de 2008 et de la crise grecque… Une BD complètement d’actualité… 

    Shadow Banking – Tome 3 – La Bombe Grecque – E. Corbeyran, S. Lacaze et E. Chabbert – Editions Glénat – 48 pages – 13,90 euros.

    * Engrenage

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  • Livres • Il n'y a plus de mystère Louis XVII

     

    Une intéressante recension de Philippe Maxence*, notamment destinée aux passionnés du sujet. Mais peut-être pas seulement... Pour nous qui voyons la monarchie non comme une fantasmagorie mais comme un recours politique pour la France, l'affaire est classée.   LFAR

     

    220px-Philippe_Delorme.jpgDepuis de longues années, Philippe Delorme s'intéresse à la destinée tragique de Louis XVII, le dauphin emporté dans la tourmente révolutionnaire. Il publie ici une véritable somme sur le sujet, rassemblant en un seul volume ses travaux antérieurs tout en les mettant à jour afin de donner une réponse précise à rune des plus célèbres énigmes de l'histoire de France : Louis XVII est-il mort au Temple ou a-t-il survécu sous le nom de Naundorff ? Pour l'auteur, le jeune roi est bien mort de la tuberculose, le 8 juin 1795, après avoir vécu un véritable enfer en prison.

    Pour clore le débat, Delorme rapporte les conclusions des analyses ADN effectuées sur le coeur de l'enfant du Temple, non sans en avoir retracé l'étonnant parcours. L'historien montre notamment que ce coeur ne peut être confondu avec celui de son frère aîné, décédé en 1789, qui avait été embaumé.

    Dans Sang royal, Jean-Louis Bachelet (Ring, 316 p., 18 €) conclut dans le même sens : ce coeur est bien celui de l'enfant martyr.

    LOUIS XVII,  LA BIOGRAPHIE, de Philippe Delorme, Via Romana, 448 p., 24 €.

    * Figaro magazine [30.01.2016]

  • Duel d'anthologie Zemmour - Cohn-Bendit : c'est avec Zemmour qu'on n'est pas couché !

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    Le retour d'Eric Zemmour dans l'émission de Laurent Ruquier a donné lieu a un extraodinaire dialogue entre lui-même et Cohn-Bendit. Un grand moment à regarder, à revivre, à ne pas manquer ! On y retrouve la vivacité de certains débats des grandes années d'On n'est pas couché. Mais surtout la perspicacité, désormais largement reconnue et appréciée, des analyses de Zemmour.

    Théophane Le Méné a donné de cette émission, pour Figaro Vox, un récit fidèle, vivant, aux remarques et commentaires d'un ton toujours juste. Vous pourrez le lire ici.

    Eric Zemmour est, depuis la sortie du Suicide français, sur tous les plateaux de télévision, sur toutes les radios, il est de tous les débats, sur toutes les chaînes, sur tous les sites et blogs de la toile, il fait la une des quotidiens, la couverture des hebdomaires, la matière de quantité d'articles. En vérité, il est devenu incontournable. Il est partout invité parce qu'il assure l'audience des émissions auxquelles il participe. Et de ce succès, largement mérité et, sans-doute, pour lui, libérateur, il fait, partout, sans concession, l'usage que l'on sait. Il est en train de devenir une réfrence intellectuelle et d'acquérir une autorité politique indéniables. Et sa politique consiste, en tous points, dans la défense de l'héritage français. On ne peut que lui en savoir gré. Lafautearousseau   u

     

    Tout avait pourtant si bien commencé. Laurent Ruquier arbitrait joyeusement, Léa Salamé et Aymeric Caron s'aimaient, Cécile Duflot performait et Bernard Kouchner s'enthousiasmait sur lui-même en même temps qu'il jouait sa scène de colère habituelle. Ainsi repartait l'émission «On n'est pas couchés» pour une nouvelle saison, dans la joie et la bonne humeur. Elle annonçait une année paisible, loin des tracas quotidiens. Et puis il a fallu qu'Eric Zemmour s'invite samedi dernier et nous ressasse ses vieilles rengaines: le monde, ce vieux rafiot à la dérive, la société postmoderne et ses déclinaisons multiculturelles, multisexuelles. En somme qu'il nous raconte à nouveau que la France se meurt et qu'avant c'était mieux. Une complainte qu'il avait même osé poser sur le papier dans un ouvrage au titre saisissant: «Le suicide français».

    Cette intervention cathodique en aurait laissé plus d'un coi si l'on n'avait pu compter sur la présence salvatrice d'invités de marque, précisément soucieux de se démarquer d'un journaliste coupable de s'obstiner à nommer les choses, surtout quand elles sont déplaisantes. Car c'est bien de ce crime dont on juge Eric Zemmour coupable: ne pas voir dans l'embrasement des banlieues une manifestation festive de la diversité, ne pas voir dans la mort symbolique du père la fin d'une oppression séculaire, ne pas voir dans l'avènement du féminisme et des revendications des minorités la désinfection d'une France moisie.  

    Il fallait du dur pour porter l'estocade. Bien loin de la noblesse du duel à fleuret moucheté, ce fut l'ensemble des invités, sans exception, qui eurent droit à leur petit morceau de Zemmour. Daniel Cohn-Bendit joua de son capital sympathie et gueulard pour acculer dans les cordes celui qui représente son exact contraire: on n'en retint rien. La comédienne québécoise Anne Dorval essaya d'arracher quelques larmes en évoquant l'amour, la condition des femmes et tutti quanti: une engeance qui règne un peu partout comme une mélodie trop écoutée dont on n'arrive plus à se défaire. Même Michel Denisot, dont on connait la propension à ne pas mettre les mains dans le cambouis par une platitude légendaire, hasarda quelques piques en même temps qu'il racontait ses histoires à Avoriaz ou dans la poissonnerie de Gérard Depardieu qui borde la rue des Saint-Père. Puis vint le tour d'Aymeric Caron. Le plus célèbre des végétariens allait enfin pouvoir montrer qu'il avait des crocs et plastronnait, fier comme Artaban de montrer à son prédécesseur qu'il pouvait donner la réplique, malgré une inculture assumée et une hargne qui la mettait en exergue. Alors il attaqua sur les chiffres, les sources, s'attachant bien sûr à ce qu'Eric Zemmour ne puisse répondre. On a beau multiplier quelque chose par zéro, le résultat est toujours nul. Il eut mieux fait de lire le livre. Léa Salamé ne fut pas en reste. Sûrement, celle qui arbitra un temps le débat hebdomadaire entre Domenach et Zemmour, voulait-elle montrer qu'elle entrait dans la cour des grands. En parfaite réductrice, elle en vint à réduire Zemmour à sa judéité non acceptée ; en cause, sa vision de l'histoire de Vichy. Une étudiante en première année de psychologie aurait sûrement fait mieux. Un étudiant d'histoire en première année l'aurait volontiers corrigée.

    La fin de l'émission arriva. Les arbitres de l'élégance retourneraient bientôt à leurs quartiers du boulevard Saint-Germain, rassurés d'avoir pu, ce soir, redonné un coup de rose à la sombre réalité qu'avait osé peindre Eric Zemmour.

    Le sourire bright, le teint bronzé et la verve éloquente, on peut railler ce que dit Eric Zemmour sur les plateaux et s'imaginer que si le peuple pense mal, il faut changer le peuple. Mais l'histoire grecque est là pour nous rappeler ce qu'il en coûte de ne pas écouter certains présages. Eric Zemmour, sans aucun doute, est la Cassandre de notre siècle. Et la guerre de France ne doit pas avoir lieu.

     

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     Par Théophane Le Méné

     

  • Cinéma • Faute d’amour, d'un film l'autre

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    Faute d’amour, un film russe d’Andreï Zviaguintsev 

    Après  Mon garçon, de Christian Carion avec Guillaume Canet, un autre long-métrage sur les enfants du divorce !

    Deux histoires qui débutent de façon identique mais traitées très différemment.

    Ai-je le droit de me citer, mais comment ne pas reprendre ce que je disais de ce premier film :   « chacun, du mari et de la femme, a « retrouvé quelqu’un », chacun « refait sa vie »… Et l’enfant dans tout ça ?

    A une époque où, au moindre accident, on met en place une « cellule psychologique », quelle cellule psychologique pour l’enfant dont la cellule familiale ne dure pas plus qu’un CDD ? » 

    Dans les deux scénarios on constate « l’absence » de la police. C’est d’une part l’investissement individuel, personnel, du père de Mon garçon, d’autre part le déploiement collectif du Groupe de Recherche des Enfants Disparus (GRED), qui portent ces drames. Mais si, dans une réalisation pudique, Guillaume Canet prend très violemment conscience de sa paternité, le réalisateur russe, quant à lui, dénonce le Faute d’amour en mettant en scènes très scabreuses, dans toute leurs nudités, la recherche de jouissance et l’égoïsme des parents d’Aliocha. A leur chacun pour soi, avec une vulgarité soulignée par un vocabulaire ordurier, s’oppose la solidarité active et gratuite des membres du GRED, dont je me demande s’il est un héritage, heureux, du collectivisme soviétique !   

    Bref, une œuvre finalement très noire, très pessimiste, le contraire d’un conte de fées, oppressante, mais néanmoins excellente.  

  • Des symboles étatiques pour une Union sans Etat : les contradictions de l'UE

      

    Par   

    TRIBUNE - Emmanuel Macron a reconnu officiellement lors du Conseil européen des 19 et 20 octobre les symboles « étatiques » de l'Union Européenne, notamment le drapeau et l'hymne européen. Laurent Ottavi montre ici [Figarovox 20.10] que le Président de la République participe à la dilution du politique dans une Europe postpolitique. Nous ne connaissons pas 

     

    rOttavi%20encontres%20franco%20russes%20074.jpgEmmanuel Macron l'a montré lors des premiers mois de sa présidence : il aime les symboles. Il sait qu'ils n'ont rien d'anecdotique. 

    Le débat récent sur le drapeau européen, qu'Emmanuel Macron a reconnu officiellement lors du Conseil européen des 19 et 20 octobre, est donc tout sauf un sujet marginal.

    L'introuvable Etat européen

    Le drapeau fait partie des cinq symboles de l'Union européenne, avec l'hymne, également officiellement reconnu, l'euro, la devise « unis dans la diversité » et la journée de l'Europe le 9 mai.

    Ces symboles sont dits « étatiques » alors que l'UE n'a ni Etat ni nation. Elle n'est pas une Europe des nations mais elle n'est pas non plus une nation européenne. Il existe bien une monnaie européenne, mais tous les pays ne l'ont pas adoptée et, privé du fédéralisme lui permettant de combler par la solidarité les divergences qu'une monnaie unique génère, elle est incomplète.

    Surtout, il n'y a pas de « souveraineté européenne » de laquelle un Etat européen puisse émaner. Depuis la création de l'UE, ce sont au contraire les divergences entre les nations, aussi bien économiques que politiques, qui se sont accentuées.

    L'euro est très révélateur des contradictions de l'Union européenne. Les billets sont signés par le gouverneur de la banque centrale européenne, banque sans Etat, et marqués d'un copyright comme pour une entreprise. Ils sont coupés de toute histoire nationale mais aussi de l'histoire européenne, précisément parce que celle-ci est faite des histoires des nations.

    Après que bien des symboles sont écartés au motif qu'ils « succombent du fait du biais national » (Van Middelaar), il fût décidé qu'au recto des billets devaient apparaître des personnalités anonymes et au verso des éléments architecturaux. Ceux-ci ont finalement été représentés à la fois au recto et au verso. Ils n'ont rien à voir avec des monuments existants.

    L'étude des billets suffit à comprendre pourquoi l'euro est condamné à s'effondrer. S'il n'a pas de « visage », comme l'écrit Hervé Juvin, c'est parce qu'il est une « monnaie sortie de l'histoire ». Il ne correspond pas aux réalités.

    Subordination du national au supranational

    Le processus dit d'« intégration européenne » n'a, certes, pas les mêmes conséquences pour tous les pays.

    L'Allemagne a utilisé l'Union européenne, comme l'a montré Marie France Garaud dans ses écrits, pour se reconstituer pacifiquement un Etat. C'est pourquoi le chancelier Kohl avait demandé dans une lettre adressée à François Mitterrand l'accélération du calendrier de mise en place d'une Union économique et monétaire et un nouveau traité, qui deviendrait le traité de Maastricht, « pour des raisons de politique intérieure ».

    Depuis, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe selon laquelle il ne peut y avoir de démocratie européenne en l'absence de peuple européen veille à la primauté de la loi fondamentale allemande, alors qu'en France les traités ont été constitutionnalisés.

    En France, ajouter au drapeau français le drapeau européen revient à subordonner le national au supranational.

    Le drapeau européen fait partie du portrait officiel du président de la République depuis Nicolas Sarkozy, sous la présidence duquel a été ratifié le traité de Lisbonne. Il se trouve au Palais Bourbon, où siègent les représentants du peuple, depuis 2008.

    Accoler deux drapeaux lors d'une rencontre entre chefs d'Etat ne participe pas du tout de la même logique, chacun représentant son propre pays et portant ses intérêts propres. Le drapeau européen marque l'ascendant d'un objet non politique et sans légitimité, puisqu'assis sur aucune souveraineté européenne et rejeté par les Français en 2005, sur la nation, cadre de la démocratie.

    Par ses choix symboliques, Emmanuel Macron s'inscrit pleinement dans la continuité des dernières décennies plutôt qu'il ne contribue à édifier une « nouvelle Europe » illusoire, qui comporterait enfin la solidarité nécessaire à sa viabilité.

    Le faux débat sur « l'emblème confessionnel »

    Les parlementaires insoumis ont cependant amené le débat sur un autre terrain, celui de la dimension religieuse ou non du drapeau, qui - en l'occurrence - paraît bien anecdotique.

    Le drapeau européen date de 1955. Il était d'abord celui du Conseil de l'Europe. Le fonctionnaire à l'origine du drapeau se serait inspiré d'une médaille représentant la Vierge Marie.

    Cependant, contrairement à ce qui a pu être dit, les douze étoiles ne sont pas une référence directe aux apôtres. Le nombre d'étoiles était initialement de quinze ; il fût décidé de le ramener à douze car - entre autres raisons - dans la symbolique c'est le nombre de la perfection et de la plénitude. En revanche, comme l'a souligné Alexis Corbière, le drapeau a bien été adopté le jour où l'on fête l'Immaculée Conception.

    Outre que l'inspiration dudit fonctionnaire ne signifie pas une volonté délibérée de marquer religieusement le drapeau européen, il semble que toute préoccupation religieuse ait été étrangère à l'attribution du symbole du Conseil de l'Europe à la communauté économique européenne dans les années 1980.

    Parler d'« emblème confessionnel » est inadapté, et cet argument en dit sans doute plus sur ceux qui l'ont émis que sur l'objet sur lequel il porte. Ce que les députés Insoumis semblent surtout regretter, c'est que l'Europe - et non pas l'Union européenne - ait des racines romaines, grecques et judéo-chrétiennes.

    L'antécédent de 2005

    Les Insoumis ont avancé un autre argument bien plus intéressant. Le peuple français a rejeté en 2005 le traité qui comprenait les symboles européens. Le traité de Lisbonne qui s'y est substitué, bien qu'il reprenne l'essentiel du texte précédent, ne les conserve pas. 16 des 28 Etats les ont reconnus dans la déclaration 52 annexée au traité de Lisbonne : la France, l'Irlande et les Pays-Bas n'en font pas partie. Cela n'a pas empêché un emploi fréquent de ces symboles en France, lors de la fête nationale du 14 juillet par exemple, sur les portraits officiels des présidents comme il a été dit ou au fronton des bâtiments publics.

    Les Français, bien sûr, n'ont pas voté « non » au TCE parce qu'ils étaient contre le drapeau ou l'hymne européens mais ils sont indissociables du contenu du traité qui a motivé les refus des peuples. Ils ont de fait été amenés en 2005 à symboliser la logique supranationale à l'œuvre qui défait les nations. Les parlementaires, comme l'a déclaré Jean-Luc Mélenchon, devraient en conséquence pouvoir s'exprimer sur la reconnaissance officielle du drapeau et de l'hymne européen. Mais cela reste bien insuffisant.

    L'organisation d'un référendum sur les questions européennes où tous les enjeux seraient clairement posés fait cruellement défaut. Il est encore très improbable dans la mesure où 2005 et ses suites sont encore dans toutes les têtes dirigeantes.

    Au nom de l'impératif européen, la voix du peuple français est condamnée au silence.   

    Laurent Ottavi est auteur à Atlantico et Liberté Politique.

  • Paris, ce jeudi 23 février: Conférence de Dominique Paoli sur la princesse Adelaïde d’Orléans

     

    Jeudi 23 février 2017 à 18 heures, Dominique Paoli donnera une conférence sur Madame Adélaïde  (1777-1847), sœur et égérie de Louis-Philippe Ier. Cette conférence exceptionnelle sera donnée dans la salle des mariages de la mairie du 7ème arrondissement de Paris. Cette conférence est organisée par la Société Littéraire et Artistique du 7e arrondissement de Paris

    L’historienne racontera l’incroyable histoire de la sœur cadette du Roi Louis-Philippe qui exercera un grand ascendant auprès de son frère tout au long de son règne. Fille du Duc d’Orléans (Philippe Égalité ) et de Louise-Adélaïde de Bourbon-Penthièvre, la princesse Adélaïde d’Orléans apparaît aujourd’hui comme l’un des grands esprits politiques de son temps. Née en 1777 dans les ors du Palais-Royal, élevée dans les idées nouvelles par Mme de Genlis, elle voit à douze ans sa destinée bouleversée par la Révolution. Jetée sur les routes de l’exil pendant un quart de siècle, elle doit affronter l’opprobre des émigrés, qui ne lui pardonnent pas d’être la fille du régicide, et fuir constamment, de couvent en couvent, devant l’avancée des armées françaises. Confrontée à une mère « éternelle pleureuse », qui voulait régenter sa vie, elle sut s’en dégager et trouver l’âme sœur en son frère Louis-Philippe. Réunis en 1808, le duc d’Orléans et sa sœur ne se quitteront plus et formeront avec la Reine Marie-Amélie, un trio inséparable. Le rôle de la princesse dans l’acceptation du trône en 1830 par Louis-Philippe sera primordial.  

     

  • Macron, la repentance, ça suffit !, par Christian Vanneste

    Une politique ne devrait se juger que sur ses moyens et ses résultats, non sur la personnalité de ceux qui la mènent. La dimension centrale et écrasante du président de la République dans le cadre du quinquennat montre que la personnalité de l’occupant de l’Elysée devient prééminente. Or, si les deux prédécesseurs pouvaient inquiéter, l’un par excès, l’autre par défaut, M. Macron doit désormais susciter plus que de l’inquiétude, une véritable angoisse pour l’avenir de notre pays, en même temps qu’un remords chez ceux qui ont participé à la faute collective de son élection.

    3309368304.jpgRevenant d’Israël où il avait commémoré la libération du camp d’Auschwitz, il s’est livré dans l’avion à une affligeante comparaison entre la Shoah et la guerre d’Algérie.

    Ainsi, il souhaite donner à la guerre d’Algérie « le même statut que celui qu’avait la Shoah pour Chirac en 1995 ». Le mot de « statut » trahit évidemment les limites du personnage. Des événements tragiques chargés de passions et de souffrances humaines sont donc réduits au mot de statut, un terme juridique, administratif, bref un moyen, un outil, un calibrage. Dans quel but ? La réponse est à double détente : ce serait pour mettre fin à un conflit mémoriel, et donc pour réconcilier les Français entre eux et avec leur passé. Mais au-delà de cette justification apparente et artificielle, apparaît le second objectif, de tactique politicienne : mettre en garde non plus, comme en 1995, contre le Front National accusé d’antisémitisme en raison des dérapages verbaux de son chef, mais cette fois contre le Rassemblement National et son opposition à la politique d’immigration.

    Cette manipulation de l’histoire est intellectuellement fausse et malhonnête. Elle est politiquement perverse. Elle est fausse par ce qu’il n’y a rien de commun entre la « participation de la France à la Shoah » et la guerre d’Algérie, rien de commun entre un génocide monstrueux et cyniquement assumé par un Etat totalitaire, dont les exemples sont rares et n’égalent jamais le caractère systématique du nazisme, et les combats liés à la colonisation ou à la décolonisation, qui n’ont jamais eu pour but de détruire une population, et ont même souvent été accompagnés de progrès médicaux, sanitaires, économiques, rien de commun entre les six millions de Juifs assassinés et les deux millions d’habitants en 1830 devenus dix millions en 1960, lorsque la France a quitté ce qui était devenu l’Algérie. C’est intellectuellement malhonnête parce que les deux situations n’ont pas la même structure : en 1940-1944, la minorité juive présente en France depuis longtemps a été dissociée de la nation et abandonnée par un gouvernement non démocratique et soumis à l’étranger au point d’en devenir le complice dans une entreprise génocidaire inégalée dans l’histoire. Peu de Français y ont collaboré. Certains s’y sont opposés. La « guerre d’Algérie », au contraire, a été menée au nom de la République par un gouvernement démocratique légitime, issu d’élections. Des millions de jeunes Français y ont participé. Le but était d’abord de lutter contre une rébellion particulièrement cruelle, de préserver la présence de plus d’un million de « Pieds-Noirs » sur leur terre, et de pacifier la population en lui apportant une aide médicale, scolaire, économique, celle à laquelle contribuaient les SAS, notamment. Comme tous les pays dotés d’une façade maritime en Europe, la France a mené une entreprise coloniale qui, pour elle, n’a pas été une bonne affaire, comme l’a montré Jacques Marseille, et elle a été plus maladroite encore dans la décolonisation, dont les victimes ont d’abord été les Français d’Algérie, Pieds-Noirs, Juifs et Harkis massacrés ou contraints à l’exil. Il faudrait donc que les victimes s’excusent auprès de leurs bourreaux. Dans les deux cas, les Juifs sont parmi les victimes, mais ici, en tant qu’anciens « colons » , ce qui est d’ailleurs faux, il faudrait qu’ils soient parmi les coupables ?

    La « communauté juive » demandait la réparation que le discours de Chirac lui a fournie. Il s’agissait de répondre à l’attente d’une partie des Français. Il était historiquement discutable d’engager la responsabilité de la France plutôt que celle de l’Etat français soumis à l’Allemagne, mais on pouvait y voir de la générosité, sans prendre conscience du danger mortel de la repentance injustifiée quand elle détruit une fierté nationale sans laquelle un peuple meurt. En revanche, il devient totalement pervers de prendre à son compte le discours d’un autre Etat qui a édifié un pouvoir non-démocratique sur le roman noir de la guerre d’indépendance. La colonisation n’est pas un crime contre l’humanité. Elle a, par bien des côtés, été un bienfait pour l’humanité. Que des gens d’origine algérienne nourrissent en France une vision hémiplégique de l’histoire ne facilite pas leur intégration, comme le souligne Malika Sorel. Il ne doit pas y avoir de débat mémoriel qu’il faudrait apaiser en soumettant l’Histoire de France à l’idéologie d’un autre pays pour satisfaire aux exigences infondées d’immigrés originaires de celui-ci. En 1940-1944, ce n’est pas la France qui a collaboré mais avant tout, la France d’en-haut, toujours prête à lâcher le pays pour sauvegarder ses places. N’est-ce pas encore cette même France qui est prête à sacrifier l’honneur du pays à un avantage électoral obtenu notamment auprès de ceux qui aiment le moins la France, pourtant le pays dans lequel ils ont choisi de vivre ? On ne fait pas des Français en cultivant chez les immigrés la fierté de leur autre pays et leur hostilité envers celui qui les accueille, mais en les appelant à participer à la fierté du peuple qui les reçoit.