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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Deux Conférences du Cycle d'Yvan Blot : II/II, Chapitre trois : La France et le gouffre de l’insécurité. La montée du cr

            Dans notre Tableau "Activités France entière", nous publions - entre autres... - les lieux, dates et sujets du Cycle de Conférences d'Yvan Blot 2011/2012 :

    LA FRANCE AU BORD DU GOUFFRE OU LE SUICIDE DE LA FRANCE (Face à la trahison des élites irresponsables, le recours au peuple)  

                                 CONF FRANCE au bord gouffre AVEC DATES.doc
     
            Très amicalement, Yvan Blot nous a envoyé le scripte de deux de ces conférences, en nous autorisant à les reproduire : nous avons publié, hier, la Conférence du 17 octobre : Le gouffre des finances publiques

    -         Le gaspillage des fonds publics ou le référendum financier ?

    -         La spoliation fiscale et l’endettement ou le contrôle par l’initiative populaire ?

            Voici, aujourd'hui, la Conférence du 21 novembre : Criminalité, perte des valeurs ou sauvegarde des traditions

    -         Le laxisme des élites envers le crime ou le bon sens populaire ?

    -         Travail, famille, morale et religion, institutions ringardes ou conditions du renouveau ?

    * Yvan Blot, Président de "Agir pour la démocratie directe" - Courriel : atheneion@free.fr

    Chapitre trois :  La France et le gouffre de l’insécurité. La montée du crime en Occident

      

            Les statistiques montrent que le nombre de crimes et délits vers 1946  était de 1,5 millions. Ce chiffre est resté stable pendant des années et s’est mis à augmenter à partir de 1968. Il n’a alors cessé de croître pour atteindre 4,5 millions de crimes et délits aujourd’hui. La montée du crime est un indicateur important du phénomène de « décivilisation » qui atteint aujourd’hui non seulement la France mais l’Occident. Il varie. Le taux de criminalité, par exemple est plus élevé aux Etats-Unis qu’en France. En Allemagne, il est plus faible.

            Officiellement, on parle d’insécurité plutôt que de criminalité car la pensée technocratique des oligarques est toujours tournée vers les causes matérielles et formelles des phénomènes. On préfère ne pas évoquer la responsabilité des hommes (cause motrice) et ne pas s’interroger sur les finalités de la société (cause finale). De même, on parle de politique de la ville pour traiter les problèmes de délinquance issus essentiellement de l’immigration. On déshumanise les concepts pour  éviter les vérités désagréables comme le lien entre l’insécurité et une immigration anarchique et envahissante.

            Dans l’analyse qui suit, nous allons nous inspirer de la théorie des quatre causes qui remonte à Aristote mais qui a été reprise à sa façon par Martin Heidegger. Quelles sont donc les quatre causes de l’insécurité, ou parler de façon plus authentique, de la criminalité ? Les causes matérielles sont économiques et sociales, dit-on dans la vulgate du « politiquement correct ». Ceci n’est pas faux mais ne touche pas l’essence du phénomène. C’est le déracinement qui est la cause matérielle de la criminalité. Ce déracinement ne doit d’ailleurs pas être vu de façon matérialiste mais à ses aspects culturels et spirituels. Les causes formelles de la criminalité sont l’affaiblissement de la morale sociale et tout particulièrement la déresponsabilisation de l’individu. La cause finale de la criminalité est l’enflure de l’ego et la prédominance du gain à court terme dans les préoccupations des individus, phénomènes caractéristiques d’une société matérialiste post chrétienne. La cause motrice de la criminalité est le laxisme législatif et judiciaire favorisé par l’oligarchie au pouvoir, contre les souhaits de la majorité du peuple.

    Le rôle néfaste de l’immigration et du déracinement

            Les causes matérielles sont le chômage, les revenus insuffisants, l’urbanisme inhumain des banlieues : ces causes de la délinquance jouent un rôle mais à notre avis, c’est mineur. J’ai été député de Calais, ville où le chômage était considérable et l’urbanisme catastrophique : pourtant, le taux de violence urbaine était très faible. L’une des raisons était l’absence d’immigration. L’immigration est un facteur important de la criminalité et de la délinquance : il n’est que de visiter une prison pour s’en rendre compte. Les  prisons sont d’ailleurs un des lieux où l’administration organise volontairement la ségrégation entre les races et les ethnies. Mettre un noir dans un quartier arabe ou un chinois parmi les noirs est en effet extrêmement dangereux pour l’intrus « ethnique ».

            L’urbanisme des grands ensembles associé à l’immigration anarchique ont créé, avec l’aveuglement total des politiques, une situation très dégradées dans les banlieues au point qu’on a pu parler de « zones de non droit ». Dans leur ouvrage sur « les politiques publiques de sécurité », Alain Bauer et Christophe Soulez (1) notent : « Les premières émeutes urbaines de l’été 1979, mais surtout celles de 1981, dans la banlieue lyonnaise, vont accélérer la mise en place de nouveaux dispositifs ». Il s’agira des politiques de prévention qui deviendront les politiques de la ville. La ville sera considérée comme la cause des émeutes, tout ceci permettant d’éviter de parler des hommes (la cause motrice).

            Certes, l’urbanisme moderne cosmopolite réalisé par des penseurs aussi mal inspirés que Le Corbusier pour qui le logement est « une machine à habiter » (sic) est aussi facteur de déracinement.

            Selon Bauer et Soulez (2), « début 1973, Olivier Guichard, ministre de l’équipement (gaulliste), entend ralentir la construction de grands ensembles. Le 5 avril 1973, il publie une circulaire, dite « circulaire sur les tours et barres »,  mise au point par les professionnels, par laquelle il entend « empêcher la réalisation des formes d’urbanisation désignées généralement sous le nom de grands ensembles peu conformes aux aspirations des habitants et sans justification économique sérieuse ». On notera que cet urbanisme, qui est aussi celui des pays communiste (Staline confiera à Le Corbusier la reconstruction de Königsberg devenue Kaliningrad) a beaucoup moins pris d’ampleur là où la démocratie directe existe, comme en Suisse ou en Allemagne. Ainsi, les référendums d’initiative populaire ont fait échoué un projet de tours à Munich et un projet de métro à Zurich : on a ainsi éviter de défigurer ces villes et de gaspiller l’argent des contribuables.

            Plus généralement, le déracinement est un facteur de délinquance. L’enracinement dans la famille, le métier, la patrie est responsabilisant. Les gouvernements oligarchiques qui se sont succédés en Occident n’ont guère vu venir les maux liés au déracinement car leur propre vie quotidienne les mettaient bien à l’abri de la délinquance dite urbaine (laquelle se généralise à présent dans les campagnes comme le montrent les rapports de la Gendarmerie). On laissé se constituer de grands ensembles ethniques non intégrés et fragilisés par la perte de leurs repaires traditionnels. Les populations immigrées à fort taux de délinquance sont à la fois causes et victimes de celle-ci. Certaines ethnies ont mieux résistées pour des raisons culturelles comme les Chinois où la famille et la morale confucianiste ont été un barrage à la dérive délinquante (ce qui n’empêche pas l’existence d’une criminalité spécifique avec les fameuses « triades mafieuses ». Les populations africaines ont plus de difficultés car l’éthique familiale et du travail y était plus faible. Quant à l’enracinement patriotique, il s’est avéré inexistant dans un pays donc les oligarques ont répudié depuis longtemps, sinon en paroles, les valeurs nationales désormais considérées comme suspectes car non marchandes. Le marxisme a ici joué un rôle délétère, cherchant à affaiblir le patriotisme dans les pays capitalistes tout en le cultivant là où les communistes étaient au pouvoir.

            L’immigration a été encouragée puis tolérée pour des raisons économiques, l’homme étant considéré dans la société du « Gestell » essentiellement comme une matière première (3). L’idéologie antiraciste cultivée par l’oligarchie pour se donner bonne conscience a contribué à désarmer les pays qui pouvaient avoir la velléité de lutter contre ce que l’ancien Président Valéry Giscard d’Estaing avait appelé une invasion étrangère. Elle a été en France un facteur de déracinement beaucoup plus fort que dans bien d’autres pays, avec l’exception sans doute de l’Angleterre.

            Mais les populations de souche ont été soumises aussi à la dérive de la criminalité car beaucoup de cadres sociaux, la famille, l’église, l’éducation nationale, voire aussi les syndicats et les partis politiques se sont affaiblis, laissant l’individu dans un dangereux isolement. La législation sociale, distribuant de l’argent sans demander de contreparties en travail, a pu aussi contribué à l’affaiblissement de la moralité sociale. Les médias ont suivi le mouvement et n’ont pas cherché à le contrecarrer. Il est vrai que les oligarchies au pouvoir, qui ont des mentalités de gérants à court terme et non de propriétaires à la tête de lignées familiales fortes sont elles-mêmes souvent d’une moralité douteuse et n’ont pas cherché à jouer en la matière un rôle éducatif.

            Car la criminalité est liée à la déresponsabilisation des individus et à la préférence pour le court terme.

    La déresponsabilisation des individus et des dirigeants

            Il s’agit là de la dimension véritablement politique du problème, qui n’est pas traitée par l’oligarchie au pouvoir.

            Le pourcentage d’individus immoraux a tendance à croître aux deux extrémités de l’échelle sociale. Comme dans un verre de vin nouveau, la lie tombe au fonds et l’écume monte à la surface. Aristote avait déjà noté que la moralité était plus répandue dans les classes moyennes. Les très pauvres, pas uniquement en argent mais aussi en capital éducatif, ont plus de chances de devenir délinquant. Les très riches peuvent perdre le sens des responsabilités et certains prendre des habitudes criminelles.

            On a cité souvent les oligarques russes du temps de Boris Eltsine mais les Russes n’ont pas du tout le monopole de ce phénomène. Madoff ou les dirigeants d’Enron sont des américains. DSK est un français. C’est pourquoi la loi doit mettre les hommes en situation de responsabilité. L’endettement délirant de certains Etats en Europe et aux USA est le produit de décisions humaines, à n’en pas douter. Les responsables furent souvent des banquiers managers qui jouent avec l’argent des autres (ils ne sont pas propriétaires des banques) et surtout des hommes politiques soucieux de faire des cadeaux catégoriels pour se faire réélire. Tant que les hommes politiques ne seront pas obligés de rendre des comptes au peuple par des référendums d’initiative populaire, le danger sera présent.

            On constate dans le monde moderne un rôle croissant de véritables mafias. Le criminologue Xavier Raufer pense que les mafias ne sont pas le monopole de pays sous-développées et qu’elles pénètrent mêmes les cercles oligarchiques des nations occidentales, notamment Wall Street aux Etats-Unis (4).

            En évitant de parler de la France, on peut citer deux exemples significatifs de mafieux introduits au plus haut niveau de la politique en Occident avec Giulio Andreotti en Italie et Tony Rezko aux Etats-Unis.

            Andreotti a été sept fois premier ministre italien démocrate chrétien. Il a été 21 fois ministres et surnommé « l’inoxydable ». Nommé sénateur à vie ( !) en 1991, il est accusé d’être lié à la mafia en 1992  et considéré coupable comme commanditaire du  meurtre le 24 septembre1992, du journaliste Mino Picorelli. La cour d’appel de Pérouse le condamna à 24 ans de prison. Du fait de son immunité parlementaire, la peine ne fut jamais exécutée. Le jugement fut annulé quelques mois plus tard par la cour de cassation. En 2004 cette cour de cassation conclut au délit d’association à une association de malfaiteurs (cosa nostra).  Selon wikipédia, « la conclusion de ce procès historique ne fut cependant pas reportée fidèlement par les medias qui parlèrent d’une façon générale d’absolution !

            Tony Rezko a éré emprisonné pour fraudes, blanchiment d’argent et extorsions de fonds et corruption. Selon CBS news, son procès donne un coup d’oeuil sur la politique en Illinois qui a si mauvaise réputation. Or il a été l’un des trois premiers financiers d’Obama dès 2003 ; En 2003 Obama a acheté une maison dont la moitié du lot a été achetée par madame Rezko. Obama après la condamnation de Rezko a dit qu’il ne le connaissait pas sous ce jour et qu’il était déçu ! Je n’e dis pas plus : d’autres détails sont sur wikipédia.

            Tout ceci pour dire qu’au-delà des discours hypocrites, l’Occident n’a pas de leçons à donner en matière de lutte contre la criminalité.

            Là encore, on constate que la démocratie directe permet de corriger certains excès. C’est pour lutter contre la corruption des parlementaires par la compagnie Southern Pacific qu’elle a été introduite en Californie. En Italie, le parlement avait voté une loi spéciale pour que le premier ministre Berlusconi  échappe à la justice. Les Italiens, en rassemblant 500 000 signatures, ont déclenché un référendum en juillet 2011 qui a annulé cette loi. Dans certains Etats des Etats-Unis, la peine de mort a été rétablie ce que n’aurait pas fait un parlement. Le jugement du peuple n’est pas le même que celui des oligarques.      

    L’enflure de l’ego

            La civilisation post-chrétienne dans laquelle nous vivons se caractérise par l’enflure de l’ego individuel. Les régulateurs sociaux de la religion (l’amour d’autrui) et du dévouement patriotique (le sacrifice de soi) ont perdu beaucoup de leur importance. Or, l’homme n’est pas naturellement bon. Les phrénologues, spécialistes du cerveau humain, montrent que nous avons trois cerveaux en un seul : le paléo cortex ou cerveau primitif ou reptilien guide nos instincts de base : agressivité, sexualité, nutrition, notamment. Le cortex intermédiaire, propre aux mammifères, guide notre vie affective et sentimentale. Il est le siège aussi de notre personnalité. Le néo cortex, dont le grand développement est lié à l’hominisation, correspond à la raison abstraite. La civilisation contemporaine cherche en permanence  des raisons pour justifier ses instincts barbares au détriment du cerveau affectif. On peut distinguer entre la sauvagerie (alliance du cerveau reptilien et du cerveau affectif) et la barbarie (alliance du cerveau reptilien et du cerveau rationnel). Heidegger évoque cette dernière combinaison dans son livre « Essais et conférences ». « L’instinct passait jusqu’ici pour être un trait distinctif de l’animal qui dans sa sphère vitale, décide de ce qui lui est utile ou nuisible, qui le poursuit et ne recherche rien d’autre. La sûreté de l’instinct chez l’animal répond au fait que ce dernier est enfermé dans sa sphère d’intérêts et ne voit pas au-delà. Aux pleins pouvoirs donnés au surhomme répond la libération totale du sous-homme. L’impulsion de l’animal et la ration de l’homme deviennent identiques. »

            La structure du cerveau humain montre que le discours rationnel à lui seul est impuissant contre le crime. On peut être à la fois rationnel et criminel. La répression du crime doit jouer sur les trois cerveaux : la répression peut jouer sur le cerveau primitif, c’est ce que fait Singapour avec sa méthose du « caning » (coups de bâtons) pour les petits délinquants. Elle doit aussi jouer sur le cerveau affectif : c’est là que les habitudes morales se prennent ou ne se prennent pas. Enfin, l’argument rationnel joue : si un gangster sait qu’il se fera prendre et que la condamnation sera très dure, il se peut qu’il abandonne ses activités criminelles devenues « non rentables ». Tout ceci suppose comme le dit Xavier Raufer de rompre avec la « culture de l’excuse » pour laquelle ce n’est jamais la faute du criminel mais de la société s’il commet un crime !

            L’homme est bien plus criminel virtuellement que l’animal car il déborde ses instincts. Pol pot, le dictateur génocidaire du Cambodge, est impensable dans le règne animal. Pol Pot a été aimé par la doctrine marxiste qu’il à appris à la Sorbonne à Paris : beau cadeau culturel de la France !

            La montée du mouvement terroriste de l’islam radical doit aussi se comprendre en regard de l’Occident matérialiste. Ce sont des Musulmans qui ont fait des études universitaires, souvent en Occident, qui dirigent les mouvements terroristes et non des pauvres illettrés. Expliquer l’islamisme par les conditions de vie ne permet pas de rendre compte de son essence. L’islamisme radical se développe sur fonds d’échec des régimes nationalistes ou socialistes importés de l’Occident.

            Celui-ci, par son matérialisme est mal armé pour résister, malgré son immense supériorité matérielle.

            Pour combattre ces dérives, il faut sans doute tenter de réintroduire de la spiritualité dans la société, comme le font, de façon différente, la Suisse ou la Russie. La Suisse n’a jamais connu de vraie révolution. Les constitutions cantonales se réfèrent à Dieu. L’assemblée de citoyens à Appenzell commence par une messe catholique.

            Quant à la Russie, la religion orthodoxe est considérée en Russie comme un élément d’identité nationale mais aussi comme un appareil de prévention de la délinquance. J’ai assisté un jour à un déjeuner co-présidé par le patriarche Alexis II de toutes les Russies et

  • Passe sanitaire : Évincer toute pensée divergente, présenter les opposants comme des nuisibles, par le doc­teur Fré­dé­r

    … « La popu­la­tion est désor­mais scin­dée en 2 groupes.

    Le pre­mier, hété­ro­gène, est com­po­sé des per­sonnes favo­rables au vac­cin. Il réunit celles qui, par convic­tion ou par las­si­tude, sont prêtes à s’y sou­mettre pour sor­tir de la crise. 

    Il abrite ain­si les per­sonnes qu’il a été pos­sible de sen­si­bi­li­ser, qui croient sans hési­ta­tion au mes­sage relayé par les ondes.

    Celles-là res­te­ront récep­tives à tous les mes­sages de dan­ger et agrée­ront la méthode de sor­tie de crise, fût-elle assor­tie de pri­va­tions pérennes de leurs droits.

    On trouve aus­si dans ce groupe les per­sonnes qui se sont cou­pées de toute infor­ma­tion depuis long­temps, pour se pro­té­ger, et qui sont deve­nues indif­fé­rentes à tout dis­cours. Pour elles, l’essentiel est de ne plus entendre par­ler du sujet. Elles ont dis­qua­li­fié tous les avis pour les neu­tra­li­ser. Ain­si le leurre des tests condui­sant à une épi­dé­mie de cas, sans morts ni malades, ne par­vient plus à leur enten­de­ment, comme si leur cer­veau avait été débran­ché. Leur prio­ri­té est de mettre un terme à la mal­trai­tance qui leur est infli­gée en se cou­pant de toute nuisance.

    Le second groupe ras­semble les détrac­teurs du vac­cin, ceux qui ont échap­pé à l’in­fluence du matra­quage média­tique, qui ont sou­vent pris des avis ou cher­ché des infor­ma­tions hors des sources clas­siques, tout en res­tant sen­sibles à la réa­li­té de leur envi­ron­ne­ment (ser­vices hos­pi­ta­liers non satu­rés, nombre de morts com­pa­rable aux années pré­cé­dentes, mesures prises non pro­por­tion­nées, ame­nui­se­ment des droits fon­da­men­taux sans jus­ti­fi­ca­tion etc.).

    Ces per­sonnes ont éga­le­ment inté­gré qu’une vac­ci­na­tion n’exemp­te­rait pas des mesures de dis­tan­cia­tion sociale et, par consé­quent, que la convi­via­li­té ne serait pas réta­blie, que le gou­ver­ne­ment gar­de­rait de façon arbi­traire le contrôle de la popu­la­tion et de ses acti­vi­tés. Elles observent avant tout l’immixtion tou­jours crois­sante de l’État dans leur quo­ti­dien et dans leur vie privée.

    Ces 2 groupes sont désor­mais sépa­rés par une ligne qu’il sera dif­fi­cile de faire bou­ger. La mani­pu­la­tion a mon­tré des limites qui étaient pré­vi­sibles et elle sera sans effets sur ceux qu’elle a ten­té, en vain, de convaincre.

    Ces groupes se sont figés, leurs effec­tifs se sont immo­bi­li­sés, et peu importe les argu­ments avan­cés, les scan­dales éta­blis ou les preuves appor­tées, ceux-ci se noie­ront dans un récit natio­nal inalié­nable impos­sible à dénon­cer sauf à être trai­té de complotiste.

    Les mots se seront sub­sti­tués à la réa­li­té et, uti­li­sés à contre-emploi, ils auront per­du de leur sens et véhi­cu­le­ront des idées en rup­ture avec les faits.

    Le pou­voir en place pour­ra même avouer ses men­songes, le peuple l’acclamera, inca­pable de le croire mal inten­tion­né et per­sua­dé qu’il est au-des­sus des soup­çons. Il n’est donc plus temps de publier des résul­tats d’é­tudes prou­vant l’ef­fi­ca­ci­té de tel pro­duit, le men­songe sur tel autre, de pro­duire des courbes démon­trant le carac­tère infi­ni­té­si­mal du risque sani­taire et dis­pro­por­tion­né des réac­tions de peur. Sur­di­té et aveu­gle­ment règnent en maître chez les per­sonnes qui, condi­tion­nées, sont pri­vées de juge­ment et inca­pables d’admettre que des faits objec­tifs puissent démen­tir la réa­li­té qu’elles ont construite.

    Orga­ni­ser l’affrontement de ces deux groupes de la popu­la­tion est une pos­si­bi­li­té – oppor­tu­ni­té ? – désor­mais envisageable.

    Nos diri­geants devraient rapi­de­ment s’en sai­sir pour encou­ra­ger une orga­ni­sa­tion sociale qui oppo­se­rait bons et mau­vais citoyens, gens sains, dociles, res­pon­sables et vac­ci­nés et gens toxiques, rebelles, incon­sé­quents et non vaccinés.

    Ce sys­tème de bons citoyens est pré­sent en Chine. Il repose sur la déla­tion et l’o­béis­sance à la règle.

    Le bon usage par le gou­ver­ne­ment de la gra­dua­tion dans la contrainte et la sou­mis­sion du peuple conduisent à ce jour à l’acceptation d’une vac­ci­na­tion inutile dont la toxi­ci­té n’est pas éva­luée et pour laquelle les labo­ra­toires, compte tenu de la rapi­di­té d’é­la­bo­ra­tion des pro­duits, ont déjà négo­cié de ne pas être tenus res­pon­sables de poten­tiels effets secon­daires, obte­nant des États qu’ils répondent de telles conséquences.

    Et pour­quoi pas en défi­ni­tive puisque les poli­tiques sont deve­nus méde­cins. Nos gou­ver­nants et nos par­le­men­taires, par leur pou­voir et leur influence, vont inci­ter toute une popu­la­tion à faire un geste dont l’intérêt n’est pas démon­tré et dont les consé­quences ne sont pas mesu­rées, et se pré­sen­ter ain­si en sauveurs.

    Cela évoque les tech­niques sec­taires et les sui­cides col­lec­tifs. Pour échap­per à la fin du monde ou aux extra-ter­restres (ici au virus mor­tel), le sacri­fice est pré­sen­té comme salvateur.

    La réa­li­té ense­ve­lie sous les mes­sages quo­ti­diens dis­cor­dants, culpa­bi­li­sants, a lais­sé la place au délire dans lequel les liens logiques se dissolvent.

    Les sectes se servent de ces moyens : iso­ler les indi­vi­dus en les cou­pant de leurs liens sociaux et fami­liaux, rendre les gens dépen­dants en les pri­vant de leurs moyens de sub­sis­tance, pro­pa­ger un dis­cours uni­voque mar­te­lé dans des grand-messes per­ma­nentes, évin­cer toute pen­sée diver­gente, pré­sen­ter les oppo­sants comme des nui­sibles qui ne com­prennent ni leur propre inté­rêt, ni l’in­té­rêt com­mun supérieur.

    « Nous contre les autres » est géné­ra­le­ment la doc­trine simple com­pré­hen­sible par cha­cun car sim­pliste, et hélas adoptée.

    Le cap est franchi.

    Main­te­nant que les lignes de par­tage qui clivent la popu­la­tion se pré­cisent, ce gou­ver­ne­ment n’a plus la pos­si­bi­li­té de reve­nir à des posi­tions plus rai­son­nables et pro­por­tion­nées. Il a fait tout son pos­sible dans le domaine de la mani­pu­la­tion, il a mobi­li­sé toutes les sphères d’in­fluence tout en res­tant cré­dible auprès d’une par­tie impor­tante de la popu­la­tion. Pour ceux qui, rebelles, refusent d’adhérer, d’autres méthodes plus coer­ci­tives encore s’imposent.

    Les signes de cette dérive tota­li­taire se trouvent dans les tech­niques de lavage de cer­veau employées, iden­tiques à celles des sectes. Elles étaient là dès le départ, mais com­ment croire qu’un gou­ver­ne­ment démo­cra­ti­que­ment élu puisse se retour­ner contre son peuple ?

    Aujourd’­hui, une par­tie de ce peuple est plon­gée dans la pau­vre­té, le désar­roi, les « non-essen­tiels » com­mencent à se sui­ci­der, les troubles psy­chia­triques se mul­ti­plient et… le conseil scien­ti­fique conti­nue d’assurer sa grand-messe à une armée de fidèles hallucinés.

    Demain, n’im­porte quel virus, réel ou fic­tif, pour­ra de nou­veau semer la ter­reur chez des popu­la­tions prêtes à se faire vac­ci­ner pour conser­ver un peu de liber­té. Elles y sont prêtes.

    Et si les tests actuels sont encore uti­li­sés ‑contre toute logique‑, même les popu­la­tions vac­ci­nées seront posi­tives et res­te­ront conta­gieuses. Les mesures de dis­tan­cia­tion res­te­ront la règle.

    Signe sup­plé­men­taire de la super­che­rie, les hommes qui mur­murent à l’o­reille des virus pré­disent déjà les vagues à venir et leurs dates d’apparition.

    Toute science a vrai­ment déser­té nos sociétés.

    Les réseaux sociaux, « com­plo­tistes », ont don­né des dates de confi­ne­ment bien avant leur annonce offi­cielle, mon­trant ain­si que toute pré­oc­cu­pa­tion sani­taire était absente des déci­sions offi­cielles. Les consé­quences humaines sont terribles.

    Tout lieu de convi­via­li­té a dis­pa­ru, les gens sont plus iso­lés que jamais, ils souffrent de mesures iniques impo­sées par une poi­gnée de diri­geants, sans aucune concer­ta­tion, sous cou­vert d’as­su­rer leur salut.

    Ce qui fait l’hu­main, sa capa­ci­té à tis­ser des liens, son besoin d’entrer en contact avec l’autre, est menacé.

    Le tis­su social s’est dis­sout dans les mesures impo­sées par un régime deve­nu fou, hors de contrôle, dérou­lant une feuille de route éta­blie de longue date en dépit de toute consi­dé­ra­tion du réel.

    Les mesures prises altèrent la san­té de la popu­la­tion et tuent. Elles sont anti-sanitaires.

    La dic­ta­ture est en marche.

    Notre mode de vie a effec­ti­ve­ment bien chan­gé ; le Covid n’en est que le pré­texte, le cata­ly­seur. Cette dégra­da­tion de nos condi­tions d’existence et la dis­pro­por­tion des mesures prises pour lut­ter contre un virus donne du cré­dit au dis­cours de ceux qui voient là le moyen d’ins­tau­rer un nou­vel ordre mon­dial qui doit anni­hi­ler notre vie pri­vée et nos droits individuels.

    Les pre­miers constats montrent les signes de la réa­li­sa­tion de cet ordre nouveau. »

    Dr Fré­dé­ric Badel, méde­cin-psy­chiatre, Bordeaux.

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Quelle stratégie sanitaire ? : Grand entretien avec Jacques Sapir.

    ENTRETIEN. Jacques Sapir est économiste et contributeur régulier à la revue Front Populaire. Nous avons sollicité son avis sur les récentes déclarations de politique sanitaire du président de la République. Un entretien dense à même de nourrir la réflexion.

    Front Populaire : Qu’avez-vous pensé de l’allocution d’Emmanuel Macron du 12 juillet ?

    Jacques Sapir : Il y avait plusieurs éléments, imbriqués l’un dans l’autre, dans cette allocution. Bien entendu, ce que l’on a le plus retenu c’est le volet sanitaire. Effectivement, dans ce volet il y a eu l’annonce de l’obligation de vaccination pour les soignants, mais aussi le durcissement des conditions d’application du « pass sanitaire ». Cela équivalait à déclarer la vaccination quasi-obligatoire en France.

    C’est évidemment un point important, alors que l’on voit bien que dans certaines régions de France, mais aussi à l’étranger, la pandémie repart du fait de l’émergence d’un « variant » qui est beaucoup plus contagieux que le précédent. Ainsi, dans les Pyrénées-Orientales, le taux d’incidence pour les 20-29 ans est passé de 16/100 000 pour la dernière semaine de juin à 185 pour la première semaine de juillet puis à 783 pour la deuxième semaine de juillet.

    Sur Paris, on est passé de 51 à 138, puis à 212. On le voit, un mouvement assez général dont l’épicentre se situe chez les jeunes, 20-29 ans et 10-19 ans, mais qui menace de s’étendre aux groupes plus âgés. Le R0, qui indique le mouvement épidémique, et qui était passé sous 1 à la fin avril, et qui avait même atteint 0,66 fin juin, était remonté au-dessus de 1,2 avant l’allocution et devait atteindre au 18 juillet à 1,41 [1]. Il est clair que l’épidémie repart, et fortement.

    Mais, il y avait aussi d’autres choses dans cette allocution. Il y avait une partie, courte, dédiée à la sécurité. Il y avait aussi une partie, nettement plus fournie, portant sur l’économie. Cette partie n’est pas moins importante. Elle contenait, d’une part, une défense du « quoi qu’il en coûte », qui avait été proclamé par Emmanuel Macron en mars 2020, avec implicitement ce message : nous avons fait mieux que les autres. Ensuite, on trouvait un retour aux fondamentaux du macronisme avec le retour des réformes, celle de l’assurance chômage et celle des retraites, même si elle était temporairement repoussée.

    Et puis, nous avons eu droit, aussi, à un véritable couplet souverainiste, sur la nécessité de reconstruire la souveraineté économique de la France et sur la nécessité d’assurer sa ré-industrialisation. Le tout fait un curieux mélange. Alors, Il est clair que ce mélange doit beaucoup à la campagne électorale, qui a été lancée par cette allocution. Et ce mélange contribue à brouiller le message sanitaire. Emmanuel Macron n’a pas joué honnêtement sur ce coup là, au risque donc de provoquer des réactions négatives sur le volet sanitaire, un volet que l’on peut d’ailleurs approuver.

    FP : Vous semblez être en accord avec les mesures sanitaires proposées par le président de la République. Comment peut-on prendre au sérieux quelqu’un d’aussi illégitime qui a tant louvoyé et menti ?

    JS : Oui, c’est vrai, ce pouvoir a beaucoup menti. On se rappelle l’épisode des masques, dont on a commencé à nous dire qu’ils n’étaient pas nécessaires pour la population avant de les rendre obligatoires. On se rappelle aussi l’invitation à sortir le soir, proférée au début de mars 2020, une semaine avant que ne soit annoncé le confinement. On se rappelle encore les changements de position sur les frontières, d’abord présentées comme inutiles – rappelons nous l’inénarrable « les virus n’ont pas de passeport » avant que l’on ne décrète, mais bien trop tard et de manière peu convaincante, leur fermeture.

    Tout comme on se souvient des palinodies sur la vaccination, sur les vaccinodromes, d’abord inutiles puis nécessaires, sur la vaccination devant se faire dans le même lieu pour les deux doses avant que l’on ne se rende compte qu’elle pouvait se faire partout. Et l’on ne parle même pas de la non-préparation du pays à une épidémie de cette ampleur, point sur lequel Macron n’est pas seul responsable ; Sarkozy puis Hollande ont démantelé les stocks stratégiques, en particulier les masques, et durablement affaibli l’hôpital public.

    Il n’en reste pas moins que, dans ses trois premières années de mandat, Emmanuel Macron n’a rien fait, en dépit des avertissements de certains - dont Jérôme Salomon - pour corriger une trajectoire qui nous a conduit à la catastrophe. Alors, oui, ce gouvernement et ce Président ont menti, louvoyé, décrédibilisé la parole publique comme peu l’avaient fait avant eux, c’est une affaire entendue.

    Est-ce autant une raison pour ne pas l’écouter quand il dit quelque chose de juste ? Une vieille anecdote que j’ai vécue lors d’un voyage en URSS en 1988 me revient à l’esprit. J’avais été affecté au laboratoire d’économie mathématique de Nikolaï Petrakov. Ce dernier se refusait de croire que, dans la France de l’époque, il puisse y avoir du chômage en me disant : « mais, vos propos sont les mêmes que ceux que tiennent les organes de presse de notre gouvernement. Comme ce dernier ne cesse de nous mentir, il ne peut en être ainsi… » [2]. Et pourtant, il en était bien ainsi…

    C’est un réflexe très français que celui qui consiste à penser que tout ce qui peut provenir d’un pouvoir haïssable est nécessairement haïssable, qui consiste à penser que l’ennemi politique ne peut sur aucun point avoir raison. Pourtant, même si Adolph Hitler, et Emmanuel Macron n’est en rien comparable ni à Hitler ni à Mussolini, revenu des enfers, me disait par un beau jour de printemps que le soleil brille, serai-je obligé d’affirmer qu’il pleut à verse et que nous sommes au fin fond de l’hiver pour ne jamais lui donner raison ? Au delà, si un pouvoir haïssable vous dit de faire quelque chose pour votre bien, faut-il le refuser parce que ce pouvoir est, à juste raison, haïssable ? N’est-ce pas adopter l’attitude d’un petit enfant, avant ce que l’on nomme justement l’âge de raison, que d’agir de la sorte ?

    De fait, peu me chaud de connaître les tréfonds ténébreux de la pensée du Président. Lénine, en 1914, disait aux ouvriers et paysans de Russie « prolétaire, la bourgeoisie te donne un fusil ? Prends le ! ». Aujourd’hui, paraphrasant Lénine, on pourrait dire « français, Macron te propose un vaccin ? Prends le ! ». Car la vaccination apparaît aujourd’hui comme la seule manière de retrouver une vie collective, y compris d’ailleurs des luttes collectives, dans le contexte d’une épidémie.

    Alors, bien sur, il y a les mesures d’incitation forte, comme le passe sanitaire qui deviendra dans les semaines à venir obligatoire. Mais, face à une épidémie, nous savons bien que seule une vaccination généralisée peut tout à la fois protéger le plus de monde et réduire le plus possible la circulation du virus. Car, il n’est pas neutre que ce dernier circule avec 100 contaminations/jours, 1000, 10 000 voire 100 000. Naturellement, il eut été préférable que Macron agisse avec plus de clarté, et déclare que cette vaccination deviendrait obligatoire comme le sont déjà de nombreuses autres. Il eut été préférable qu’il dise que le pass sanitaire avait pour fonction de contraindre. Il eut été préférable qu’il n’en exempte pas la police, créant sur ce point un juste malaise. Mais quoi, attendiez vous du renard les mœurs du lion, comme l’avait dit Victor Hugo ?

    On se doute bien que la santé des français n’était pas son seul objectif. On imagine qu’il pense à sa réélection et veut éviter un nouveau confinement qui, probablement, sonnerait le glas de ses ambitions. On devine qu’il pense à la Présidence tournante de l’Union européenne qu’il prendra, pour six mois, le 1erjanvier prochain. Si la France est toujours à la traine pour les vaccinations, dépassée qu’elle est aujourd’hui par l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et l’Espagne, devancée par le Royaume-Uni fort de son Brexit, quelle honte pour lui dans les réunions européennes.

    Oui, il y a plein de mauvaises raisons derrière les décisions d’Emmanuel Macron, plein de pensées obscures et de calculs politiciens. Mais ces décisions restent médicalement justes et socialement bonnes. Il faudrait être fou pour ne pas l’admettre.

    FP : Existe-t-il des arguments imparables en faveur de la vaccination ?

    JS : Les seuls arguments « imparables », en supposant que l’interlocuteur accepte de rester dans le cadre d’une logique rationnelle, consistent à dire les choses comme elles sont. Car, face à une personne ayant basculée dans l’irrationalité, il n’y a pas d’arguments susceptibles de convaincre. On est face à une personne qui vous expliquera que 2 + 2 = 5 et qu’il y a un complot international pour prétendre que 2 + 2 = 4.

    Il faut tout d’abord faire un bilan de la situation. La Covid-19 n’est certes pas, et c’est heureux, la peste ou Ebola. Mais, avec 90 000 morts sur 12 mois (en France), elle a plus tué que la grippe, entre 6 et 30 fois plus. De plus, elle produit des séquelles graves sur les personnes jeunes, ce que l’on appelle la « covid-long », qui toucherait environ 100 000 autres personnes.

    Les personnes qui cherchent à minimiser la létalité et la dangerosité de cette maladie sont des irresponsables. C’est une maladie très contagieuse, les chiffres de remontée des contaminations en France depuis début juillet en témoignent, et c’est ce qui explique que l’on parle d’épidémie et de pandémie. Le défi n’est donc pas seulement d’éviter de nouvelles victimes, une multiplication des séquelles invalidantes, mais de réduire aussi, autant qu’il est possible, la circulation du virus.

    Quelles sont nos armes ? Les traitements en cours ne semblent pas efficaces. L’étude qui semblait montrer une certaine efficacité à l’Ivermectine a été retirée sur des soupçons de fraude [3]. On doit donc reconnaître qu’il n’existe pas d’alternatives aux vaccins (et non « le » vaccin comme le disent les antivax de tout poil).

    Ces vaccins, qu’il s’agisse de BioNTech-Pfizer, de Moderna, d’AstraZeneca, de Jansen, de Sputnik-V ou de Sinovac ou Novavax, font appels à des techniques différentes, mais aussi à des processus industriels différents qui ne sont pas assimilables à un « Big Pharma » mythique [4] : Arn-messager (BioNTech-Pfizer, Moderna), adénovirus recombinant (vecteur viral) pour Astra Zeneca, Jansen et Sputnik-V (deux adénovirus pour ce dernier, lui conférant une efficacité proche des vaccins à Arn messager [5]), sous-unités protéique (Novavax), virus inactivé (Sinovac). Ils ont, cependant, des caractéristiques proches (sauf pour Sinovac qui semble moins efficace) :

    - Une protection contre l’apparition de la maladie allant de 87% à 93% (2 doses) pour le variant britannique à 78-84% pour le variant indien. Cette protection cependant tombe fortement pour les personnes n’ayant reçu qu’une dose (46-60% pour le variant britannique, 32-38% pour le variant indien). Cela explique probablement les fortes contaminations de personnes vaccinées mais n’ayant reçu qu’une dose en Israël et au Royaume-Uni.

    - Une protection contre les formes nécessitant une hospitalisation qui est bien meilleure, de 80% à 99% pour le variant britannique (2 doses) et de 91% à 98% pour le variant indien (2 doses). Les vaccins à Arn-messager et Sputnik-V, du fait de son utilisation de 2 adénovirus différents, obtiennent semble-t-il les meilleurs résultats, même si dans certains cas la réussite du vaccin Astra Zeneca, massivement utilisé en Grande-Bretagne s’en rapproche.

    - Une faible fréquence des effets secondaires graves. Les effets signalés en France sont de l’ordre de 1028 pour un million. Les décès suspects, mais non nécessairement attribués à la vaccination, car sur un effectif se comptant en dizaines de millions il est évident que l’on aura de nombreux cas de coïncidences, sont estimés au niveau de l’UE à 75 pour un million. Dans le cas de la France, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament a comptabilisé 959 décès après plus de 53,4 millions d’injections, soit une fréquence de 18 pour un million. Ceci est à comparer avec le taux de décès pour cause de Covid qui est actuellement en France d’environ 1700 pour un million soit 68 fois plus important. Même pour les 20-29 ans, la fréquence des décès dus à la Covid-19 est supérieure.

    - Pour ce qui concerne les vaccins à Arn messagers, rappelons que cette technique est connue depuis près de trente ans et expérimentée depuis près de vingt, testée depuis plus de douze (contre le virus de la fièvre Ebola en particulier). Les effets à long-terme des vaccins, que certains rapprochent des catastrophes induites par certains médicaments, comme le Mediator, ne sauraient être comparables. Il n’y a rien de commun entre deux injections, voire trois pour les plus fragiles, où l’ARN messager se détruit en quelques heures, et l’accumulation dans l’organisme de substances prises tous les jours sur une durée de plusieurs semaines.

    On voit que seule une vaccination massive peut à la fois réduire très fortement les cas graves mais aussi limiter la circulation du virus, protégeant ainsi les personnes dont le système immunitaire est affaibli (que ce soit par l’âge ou par des traitements spécifiques) et réduisant le risque d’apparition de nouveaux variants potentiellement plus dangereux et plus contagieux que le variant anglais. La très forte contagiosité du variant indien rend probablement une immunité collective parfaite inatteignable. Mais, une forte réduction de la circulation du virus rendrait le risque subi par les personnes à système immunitaire faiblissant ou déprimé entièrement gérable et réduirait significativement le risque d’apparition de nouveaux variant.

    FP : Peut-on être favorable à la vaccination et opposé au passe sanitaire ? Et comprenez-vous qu’on puisse voir dans l’extension du passe sanitaire une remise en cause de notre modèle de société ?

    JS : En théorie, on peut entendre cet argument. Ceux qui disent que Macron et le gouvernement auraient dû rendre la vaccination obligatoire n’ont pas tort. Je le pense aussi. Mais, prétendre que le passe sanitaire constituerait un changement radical est faux.

    Il existe déjà, outre les obligations vaccinales pour les enfants, des règles rendant un vaccin spécifique obligatoire pour certaines professions (à l’éducation nationale, dans le milieu hospitalier) ou pour se déplacer dans certaines régions (cas du vaccin contre la fièvre jaune). Le passe sanitaire n’est donc pas une innovation. Sous d’autres noms, c’était déjà une pratique existante en France depuis des décennies.

    Constitue-t-il une forme de ségrégation ? On a entendu bien des choses grotesques sur ce point, allant de l’« apartheid » à une comparaison odieuse avec l’étoile jaune. Un noir pouvait-il éviter l’apartheid par sa décision ? Un juif pouvait-il éviter l’étoile jaune par sa décision ? Ce qui caractérise les ségrégations réelles c’est qu’elles s’appuient sur une caractéristique de la personne que cette personne ne peut changer. Le passe, quant à lui, vous donne le choix entre être vacciné ou faire un test PCR. De plus, pour l’instant, ce choix est totalement gratuit. On ne parle de dé-rembourser les tests PCR (et la

  • Semaine sanglante : « À mort les calotins ! », le massacre des otages de la rue Haxo, par Anne Bernet.

    © Collection particulière

    Photomontage d'Eugène Appert mettant en scène l'exécution des otages lors de la semaine sanglante de la Commune de Paris.

    Après l’exécution de Mgr Darboy et de ses cinq compagnons, la Commune de Paris est emportée par sa folie meurtrière. Ce seront les tueries des 25 et 26 mai avenue d’Italie et rue Haxo, où meurent dans la confusion mais dignement seize autres prêtres et religieux, avec une quarantaine d’otages. (3/3)

    6.jpgDans quelques jours, les troupes versaillaises auront repris Paris. Adolphe Thiers avait eu la possibilité de sauver l’archevêque de Paris et 74 autres otages avec lui en les échangeant contre Auguste Blanqui, mais s’en était bien gardé. Il fera donner à Mgr Darboy des obsèques nationales solennelles. Pour l’heure, l’annonce de l’assassinat de l’archevêque est pain bénit. Maintenant, les Communards n’ont plus de pitié à attendre ; ils sont tous voués à la mort, les vrais coupables comme les innocents, les idéalistes comme les assassins. 

    Les communards s’entretuent

    Cette certitude exacerbe la colère des dirigeants extrémistes et celle d’une base militante peu nombreuse mais qui fait régner la terreur dans des quartiers entiers. En certains endroits, des fédérés qui, par humanité, refusent d’obéir à des ordres d’une cruauté insensée, sont abattus sur place par leurs camarades. C’est le cas de la Barrière d’Enfer où un officier communard, comprenant l’impossibilité pour les Filles de la Charité d’évacuer en moins d’une heure la pouponnière et l’orphelinat qu’elles dirigent là, qui accueillent nouveaux-nés et enfants infirmes, ne se résolvant pas à sacrifier les 700 petits de l’établissement, renonce à le faire sauter, et, du même coup, sape les défenses de ce faubourg, crime qui lui vaut d’être aussitôt fusillé pour haute trahison. Ce genre d’exemples, et ils se multiplient en cette semaine sanglante de la fin mai, donne à réfléchir et même ceux qui désapprouvent les violences de leurs camarades n’osent plus le dire… Ainsi s’expliqueront les tueries du 25 mai avenue d’Italie et du 27 rue Haxo.

     

    Au cours du siège, l’école Saint-Albert-le-Grand d’Arcueil, tenue par des dominicains et des dominicaines, a servi d’ambulance. Elle l’est restée maintenant que Paris insurgé est sous le feu des troupes versaillaises qui bombardent la capitale et y font de nombreux blessés. On devrait savoir gré aux religieux de leur aide. Ce n’est pas le cas. Le quartier est sous la coupe d’un certain Serizier, membre fondateur de l’Internationale, anticlérical, et brute alcoolique que même ses adjoints craignent. Le bonhomme a mis le XIIIe arrondissement en coupe réglée. Il veut la peau des dominicains d’Arcueil et ne s’en cache pas, répétant à qui veut l’entendre : « Tous ces curés-là ne sont bons qu’à être brûlés ! »

    Un subterfuge, de sinistre mémoire

    Les accusations délirantes de la presse communarde concernant les prétendus « crimes » du clergé permettent à travers tout Paris perquisitions et visites domiciliaires dans les sanctuaires et les presbytères. À défaut de cadavres, dont les extrémistes ont compris qu’ils ne trouveraient pas trace, reste, et c’est bien plus sûr, l’accusation de trahison, et celle, récurrente car elle sert depuis la révolution de 1830, de l’existence de caches d’armes destinées aux ennemis du peuple dans les maisons religieuses. On dit aussi qu’il existerait des passages secrets et des souterrains qui, creusés sous la capitale, permettraient d’en sortir et communiquer avec les Versaillais. Pur délire mais il se trouve des gens pour y croire. 

     

    L’existence de tels passages justifie la fouille de Saint-Albert-d’Arcueil, l’établissement se trouvant relativement proche des lignes gouvernementales. Bien entendu, Serizier et ses sbires ne découvrent ni armes ni passages secrets mais, avec l’aide de quelques faux témoins, ils affirment que les dominicains font des signaux de fumée aux Versaillais depuis leur jardin. Il n’en faut pas davantage pour justifier l’incarcération de toutes les personnes présentes dans la maison. Le 19 mai, cinq religieuses, cinq femmes employées comme domestiques, l’enfant de l’une d’entre elles sont arrêtés et conduits à la Conciergerie. On emmène également 22 hommes adultes, religieux et laïcs, et neuf grands élèves, tous conduits à Bicêtre. Ils en sont extraits le 25 mai, alors que les dernières barricades du quartier menacent de tomber au pouvoir des gouvernementaux. 

    Après s’être largement signé, le religieux se retourne vers ses compagnons et leur dit en souriant : « Pour le Bon Dieu, mes amis ! »

    Tandis qu’on les entraîne vers la place d’Italie, siège du pouvoir communard de l’arrondissement, en leur affirmant qu’ils vont être libérés, l’un des dominicains, le père Rousselin, saisi d’un mauvais pressentiment, réussit à se détacher du convoi de prisonniers, et, avec la complicité de commerçants et riverains qui lui donnent des vêtements pour cacher sa robe et un grand chapeau pour dissimuler son visage, se perd dans la foule. Les autres, confiants, sont arrivés place d’Italie. On les fait entrer dans la mairie. Dehors, des excités hurlent : « À mort les calotins ! » Un semblant de commission qui fait mine de siéger leur affirme qu’ils sont libres. Il convient seulement, par précaution, de les faire sortir un à un. Un subterfuge du même genre, de sinistre mémoire, a déjà servi, les 2 et 3 septembre 1792, lors des grands massacres des prisons parisiennes, à envoyer à la mort des gens qui, convaincus de ne rien risquer, ne se rebiffaient pas contre leur sort… C’est, en fait, à une réédition de ces événements que l’on assiste en cette fin mai à Paris.

    Tirés comme des lapins

    Poussé vers la sortie, le prieur, le père Raphaël Captier, en arrivant sur le seuil et voyant au dehors des hommes qui épaulent leurs fusils, comprend ce qui les attend. Après s’être largement signé, le religieux se retourne vers ses compagnons et leur dit en souriant : « Pour le Bon Dieu, mes amis ! » À peine est-il dehors qu’on lui tire dessus. Les pères Henri Cotrault, Pie-Marie Chatagnaret, Thomas Bourard et Constant Delhorme sont à leur tour précipités dans la rue et sont, selon les mots des témoins, « coursés et tirés comme des lapins ». Le personnel laïc de l’école connaît le même sort : Antoine Gauquelin, professeur de mathématiques, Hermand Voland, surveillant, Sébastien Dintroz, infirmier, Joseph Petit, qui, à 22 ans, sera le plus jeune des martyrs, économe-adjoint, les domestiques Aimé Gros, Joseph Cheminal, Antoine Marcé sont abattus les uns après les autres.

     

    Dans quelques jours, le quartier libéré, les corps des religieux seront ramenés à Saint-Albert pour y être enterrés dans la chapelle. Le père Rousselin portera, quant à lui, la « flétrissure » de son évasion le restant de ses jours, objet des moqueries impitoyables des élèves, incapables d’admettre qu’il se soit soustrait au martyre… Pour sordide qu’elle soit, la fin des dominicains d’Arcueil et de leur personnel n’est rien en comparaison du calvaire qui attend d’autres otages détenus à La Roquette. 

    Un nom à se faire couper le cou

    En milieu de journée, le 26 mai, ordre est donné aux gardiens de la prison de livrer aux fédérés qui se présentent aux guichets soixante prisonniers. Le directeur de La Roquette parlemente et parvient à ramener la liste fatale à cinquante noms. Dans le désordre du moment, nul ne comprend comment le choix s’opère, sinon peut-être en fonction de haines personnelles ou de partis pris. 39 otages sont des militaires, dix des ecclésiastiques. Il y a parmi ceux-là trois jésuites de la maison de la rue de Sèvres, les pères Anatole de Bengy, Jean Caubert et Pierre Olivaint. À l’instar des pères Clerc et Ducoudray, leurs confrères de Sainte-Geneviève, fusillés l’avant-veille avec Mgr Darboy, ils incarnent pour la gauche anticléricale et maçonnique un catholicisme de combat, contrerévolutionnaire, avec lequel il faut en finir une fois pour toutes. Lors de leur incarcération, on les a inscrits comme « serviteurs d’un nommé Dieu, en état de vagabondage », ce qui pourrait être une plaisanterie de mauvais goût si l’on n’avait ajouté ce chef d’accusation plus grave : « complices des Versaillais ». Le nom à particule du père de Bengy a excité l’ire des fédérés : « Ça, c’est un nom à se faire couper le cou ! » Le jésuite réplique : « On ne tue pas les gens pour leur nom… » En quoi il se trompe. Comme il décline son âge, 47 ans, un autre siffle : « Ben mon vieux, t’as bien assez vécu comme cela ! »

    Pierre Olivaint ne porte pas un patronyme aristocratique mais il existe contre lui d’autres charges. Encore étudiant, il a été, au côté de Frédéric Ozanam, l’un des fondateurs de la Conférence Saint-Vincent-de-Paul et ce rôle d’évangélisateur des quartiers populaires fait enrager les « sans Dieu », tout comme ses succès de prédicateur, l’un des plus talentueux de la Compagnie de Jésus. Cela mérite la mort. Quant au père Caubert, être un fils de saint Ignace suffit à le condamner. 

    L’homme à abattre : le père Henri Planchat

    Le père Henri Planchat, premier prêtre de la jeune congrégation des religieux de saint Vincent de Paul, lui aussi proche d’Ozanam, s’est, depuis son ordination, en 1850, voué à rechristianiser les milieux populaires, d’abord dans les faubourgs de Grenelle et Javel, puis au milieu des immigrés italiens, rappelant à temps et à contretemps à des gens qui, parfois ne le savent même pas, « qu’il existe un Dieu ». Démuni, tout donné à Dieu, il est devenu une figure populaire et aimée. On ne compte plus les conversions qu’il a obtenues, les couples illégitimes qu’il a mariés, les enfants et adultes qu’il a baptisés. Cet apostolat de « la canaille » a contrarié le clergé diocésain qui a multiplié les attaques venimeuses à son encontre, au point que son supérieur, Léon Le Prévost, a dû, un temps, l’éloigner de Paris afin de le soustraire aux calomnies. Nommé directeur d’un orphelinat à Arras, Henri Planchat a regagné la capitale pour prendre en main le patronage Sainte-Anne-de-Charonne, qui s’occupe des jeunes apprentis, dans un esprit proche des œuvres salésiennes de Jean Bosco à Turin. Toujours préoccupé par le sort des ouvriers transalpins, il a fondé une association qui deviendra la Mission italienne. 

    Planchat est un homme à abattre. On l’a déjà tenté pendant le siège de Paris, en cherchant à l’intimider pour l’amener à cesser son aide aux pauvres, aux malades, aux blessés.

    Si son dévouement inépuisable le fait aimer, il lui vaut aussi la haine de ceux aux yeux desquels un vrai prêtre constitue le plus redoutable obstacle à la déchristianisation orchestrée des masses prolétaires. Planchat est un homme à abattre. On l’a déjà tenté pendant le siège de Paris, en cherchant à l’intimider pour l’amener à cesser son aide aux pauvres, aux malades, aux blessés. À la fin de leur entretien, l’officier chargé de l’effrayer est tombé à genoux et s’est confessé, puis il est revenu demander le mariage religieux… C’est bien la preuve que le personnage est dangereux ! Début avril 1871, son nom était en tête de liste pour les arrestations d’otages mais l’on n’a pas trouvé de volontaires pour se charger de la besogne. En désespoir de cause, la Commune a proposé cinq francs à un chômeur père de famille s’il arrêtait le cureton. Indigné, l’ouvrier a rétorqué : « Cinq francs pour arrêter l’homme qui, hier, alors qu’il ne me connaissait pas, est venu m’en donner vingt pour payer mon loyer ! Non, ce n’est pas mon affaire. »

    Il refuse d’abandonner les pauvres

    On ira chercher ailleurs des militants pour faire le travail. Prévenu de sa prochaine incarcération par des amis qu’il compte à la mairie, le père Planchat a refusé d’abandonner ses pauvres et ses gamins. Il a seulement éloigné son assistant, le jeune père de Broglie, parce qu’il porte, lui aussi, « un nom à se faire couper le cou ».

    « Avez-vous rencontré dans Paris un petit prêtre à la soutane râpée, aux souliers troués, très pauvre parce qu’il donne tout ? Si vous l’avez rencontré, citoyen, c’est mon fils ! »

    Le 6 avril, en dépit des protestations des femmes du quartier qui demandent la liberté de « celui qui nourrit leurs enfants », Henri Planchat est incarcéré à Mazas. Il possède des réseaux, agissants, qui vont se démener pour le faire libérer. En vain… Ni les démarches de sa mère, qui fait le tour des responsables communards, répétant : « Avez-vous rencontré dans Paris un petit prêtre à la soutane râpée, aux souliers troués, très pauvre parce qu’il donne tout ? Si vous l’avez rencontré, citoyen, c’est mon fils ! » Ni les pétitions, qui, pourtant, feront libérer quelques prêtres, ni les sollicitations d’un apprenti du patronage, le petit Hurbec, qui se prive pour chaque jour apporter à manger à son bienfaiteur, dédaigne les coups, menaces, insultes, rétorquant crânement qu’il est « normal qu’il nourrisse quelques jours l’homme qui le nourrit depuis des années », ne permettront l’élargissement de ce redoutable « ennemi de l’humanité »… Lors du transfert de Mazas à La Roquette, le père Planchat a eu la joie de se retrouver dans la même voiture que son ami de jeunesse, le père Olivaint. Les deux religieux se sont mutuellement confessés et exhortés à la mort. 

    Le courage du séminariste Paul Seigneret

    En cellule à La Roquette, Henri Planchat s’est lié d’amitié avec le prisonnier de la cellule voisine, l’abbé Paul Seigneret, l’un des séminaristes de Saint-Sulpice. Âgé de 25 ans, né à Angers, le jeune homme a dû renoncer à la vie monastique et quitter Solesmes en raison d’ennuis de santé. Non sans difficultés, il est parvenu à entrer au séminaire Saint-Sulpice où il poursuit ses études depuis quatre ans. Il n’a pu regagner l’établissement à la rentrée, en raison du siège de Paris. Il s’est alors engagé comme ambulancier dans l’armée de la Loire. L’armistice, fin janvier 1871, la fin du siège ont laissé croire à une reprise de la vie normale. Paul et quelques dizaines de ses camarades, désireux de reprendre leurs études, ont regagné le séminaire. C’était quelques jours avant l’insurrection parisienne. 

    Ces lettres, destinées à s

  • Phillip Blond : « Jamais la mondialisation n'avait connu un tel rejet dans les urnes »

     

    Par Alexandre Devecchio 

    Après le Brexit, le penseur britannique, Philipp Blond, a accordé un long entretien à FigaroVox [1.07]. Selon le « Michéa anglo-saxon », cette victoire est l'expression du divorce entre les bobos et les classes populaires à l'œuvre dans l'ensemble du monde occidental. Les lecteurs de Lafautearousseau rapprocheront cet entretien de celui donné précédemment au même Figarovox par le grand philosophe britannique Roger Scruton*. On y trouvera une analyse instructive des réalités politiques internes en Grande-Bretagne et des réflexions de fond sur le libéralisme, l'UE, le délitement des sociétés européennes qui, souvent, rejoignent les nôtres.  LFAR   

    Encore méconnu en France, Phillip Blond est l'un des intellectuels britanniques contemporains les plus influents. Il a été conseiller de David Cameron en 2010, lors de sa première campagne législative victorieuse, avant de prendre ses distances avec l'ex-Premier ministre. Théoricien du Red Torysm ou « conservatisme pour les pauvres », il renvoie dos à dos libéralisme économique et culturel, et prône au contraire l'alliance du meilleur de la tradition de droite et de gauche. Bien qu'il se soit positionné en faveur du « Remain », il juge que la campagne pour le maintien dans l'UE, fondée uniquement sur l'intimidation, a été « désastreuse ». Selon lui, le vote en faveur du Brexit est l'expression logique d'une révolte des peuples à l'égard de la globalisation : « tous ceux qui culturellement comme financièrement se trouvent en phase avec le nouvel ordre du monde, sont désormais minoritaires dans la société. », explique-t-il.

    XVMf3256ffa-3f96-11e6-a7e0-f7d1706dab9d.jpgÊtes-vous surpris par la victoire du Brexit ? Que révèle-t-elle selon vous ?

    Cette victoire n'a pour moi rien d'inattendu ; elle est le résultat de tendances de fond qui affectent différentes couches du peuple britannique. En leur permettant de se fédérer, le référendum a été pour ces groupes l'occasion d'un contrecoup décisif.

    Je pense en effet que nous sommes en train de passer d'une société où les deux tiers de la population environ s'estimaient satisfaites de leur sort, à un monde dans lequel ceci n'est plus vrai que pour un tiers de la population.

    Dit autrement, le vote en faveur du Brexit exprime le plus grand rejet de la mondialisation qu'ait connu dans les urnes le monde occidental. Les bénéficiaires de la mondialisation, tous ceux qui culturellement comme financièrement se trouvent en phase avec le nouvel ordre du monde, sont désormais minoritaires dans la société.

    Cette révolte contre la mondialisation ne regroupe pas seulement les catégories sociales les plus défavorisées. On y distingue aussi une population plutôt aisée, composée pour l'essentiel de personnes âgées vivant en province et qui se sentent culturellement menacés par l'immigration. Cette même population a le sentiment que le système de valeurs qui a historiquement caractérisé l'Angleterre - sans doute l'un des plus influents et des précieux dans le monde - est aujourd'hui remis en cause par l'arrivée d'une population qui lui est indifférente voire dans certains cas, carrément hostile, et que la Grande-Bretagne a abdiqué sa souveraineté face à une puissance étrangère en adhérant à l'Union Européenne.

    Dans toutes les enquêtes réalisées sur les déterminants en faveur du vote pour le « Leave », c'est toutefois l'immigration qui figure en tête des préoccupations. Qu'ils soient plutôt aisés ou qu'ils soient au contraire issus d'un milieu modeste, ces électeurs craignent l'islamisation progressive de la Grande-Bretagne par l'immigration. Comme cette opinion ne peut être exprimée publiquement, l'hostilité aux migrants a pris la forme d'une inquiétude plus globale. Pour les plus pauvres, l'impact de l'immigration était double, l'« ennemi » prenant tout à la fois la forme de l'islam mais aussi l'arrivée massive d'une population issue d'Europe de l'Est, plutôt qualifiée et dure à la tâche, qui constituait de de ce fait une menace pour leur emploi et leur accès au marché du travail. Si vous ajoutez à cela le fait que l'Union Européenne est identifiée avec la mondialisation, et donc avec l'insécurité économique et culturelle qui caractérise cette dernière, alors la victoire du Brexit n'est plus une surprise.

    Ce que le camp du « Leave » a cherché à mettre en avant avec son slogan « reprendre le contrôle », c'est l'idée que la résistance à tous ces formes de déstabilisation devait avoir lieu à l'échelle de la nation, l'idée que la nation pouvait reprendre le contrôle face aux forces de l'entropie internationale et protéger ses citoyens de la tempête. A contrario, la campagne pour le maintien dans l'UE, conduite par des Blairistes ou des Conservateurs dont le manuel électoral ne connaissait qu'un seul registre - taper dur et taper très fort - , a été désastreuse. Soutenue de manière imprudente par le gouvernement, cette approche avait déjà failli lui coûter une défaite au référendum sur l'indépendance de l'Ecosse ; elle lui a fait perdre ensuite la mairie de Londres et maintenant le référendum sur l'UE. Le camp du « Remain » aurait au contraire dû choisir d'adopter une vision patriotique, expliquer que la Grande-Bretagne pouvait encore rester une puissance mondiale significative à travers l'UE, souligner que dans quelques années nous serions la première puissance en Europe. En choisissant une autre approche, ils ont eu la défaite qu'ils méritaient.

    Le débat sur le référendum a semblé se limiter à un dialogue au sein de la droite britannique. Finalement, le vote de la population ouvrière en faveur du Brexit a été décisif. Comment l'expliquez-vous ?

    Loin de se confiner aux seuls électeurs de droite, la victoire du Brexit s'explique au contraire par la mobilisation décisive d'une partie de l'électorat travailliste en faveur du Leave. Pour ces derniers aussi, l'UE s'identifiait avec la mondialisation et le néolibéralisme. L'attitude de Merkel envers la Grèce et l'austérité punitive imposée par l'Allemagne ont conduit une partie de la gauche britannique à voir dans la zone euro et plus généralement dans l'Union Européenne un projet antisocial. Cela, couplé avec la menace que faisait peser sur les salaires des travailleurs autochtones la constitution d'une armée de réserve de travailleurs immigrés à bas coûts, a contribué au rejet de l'UE par une partie de la gauche. Enfin, il ne faut pas oublier que la classe ouvrière britannique est fondamentalement patriotique ; le sentiment que l'UE dissout la grandeur du Royaume-Uni plutôt qu'elle ne la magnifie a donc conduit une grande partie des classes populaires à déserter le camp du Remain.

    La tragédie du Brexit, toutefois, c'est que la plupart des dirigeants et promoteurs du camp du « Leave » sont des partisans extrêmes du libre-échange. Ces derniers haïssent une Europe qui s'identifie pour eux à la régulation et la social-démocratie et ils ont convaincu une partie de la gauche de voter la sortie du Royaume-Uni de l'UE. Nous faisons face à ce paradoxe : des classes populaires en quête de protection face à la mondialisation ont suivi des libertariens qui pensent que la Grande-Bretagne devrait abolir de manière unilatérale ses tarifs douaniers !

    Pourquoi le labour de Jeremy Corbyn a-t-il été aussi timide. La gauche britannique est-elle, comme la gauche française, prise en étau ente bobos favorables au multiculturalisme et à l'ouverture des frontières et classes populaires en quête de protection ?

    Si Corbyn a été si timide dans la campagne, c'est qu'il est en réalité un partisan du Brexit - je le soupçonne d'avoir choisi le bulletin en faveur du Leave dans le secret de l'isoloir. Il ne faut pas oublier que Corbyn vient de l'extrême-gauche du parti travailliste : au delà des raisons « de gauche » de choisir le Brexit, il a pu aussi être ému par le caractère non démocratique de l'UE. Démocratique, l'UE ne l'est pas en effet - mais pour lui cela s'explique seulement par le fait que les démocraties qui la composent ne souhaitent pas laisser place à l'émergence de partis politiques transnationaux en ajoutant un échelon politique supplémentaire au delà de l'Etat ou de la nation.

    Ce divorce entre les bobos et les classes populaires se retrouve lui aussi en Grande-Bretagne - de fait, il est à l'œuvre dans l'ensemble du monde occidental. La raison tient en grande partie aux séductions comme aux échecs du libéralisme. Pour les classes moyennes, le libéralisme a plusieurs attraits : économiquement, il leur permet (ou du moins il leur permettait) d'exploiter avantageusement leur position via l'école, les réseaux ou les possibilités de carrière dans l'entreprise ; socialement, il se traduit par une licence totale en matière de choix de vie ou de comportements. Pour les classes populaires au contraire, le libéralisme est un désastre économique et culturel : économique, parce qu'il détruit leur pouvoir de négociation collective et les expose à une concurrence interne sur le marché du travail : dans une telle situation, leurs salaires ne peuvent que baisser ; sociale, parce que le libéralisme a détruit toutes les formes d'allégeance et de stabilité familiale, en laissant pour seul héritage des foyers brisés et des pères absents. En somme, le libéralisme a détruit toute notion de solidarité et c'est cela qui a le plus certainement condamné les plus pauvres à leur sort.

    En France le géographe Christophe Guilluy a développé le concept de « fractures françaises » et de « France périphérique ». Existe-t-il également des « Fracture britanniques » et une « Angleterre périphérique » ?

    Cette idée d'une fracture géographique entre le centre et la périphérie dans les cultures modernes est très certainement vraie en France, mais aussi en Grande-Bretagne et dans d'autres pays. Est-elle pour autant nouvelle ? La plupart des fractures dont on nous parle aujourd'hui trouvent leur grille de lecture dans une analyse sociologique, ce que je considère pour ma part insatisfaisant intellectuellement.

    Je crois que nous devrions nous poser des questions plus fondamentales, qui de mon point de vue seraient les suivantes : pourquoi nous séparons-nous, pourquoi cherchons-nous la solidarité seulement au sein de groupes composés de personnes qui nous sont proches ou qui nous ressemblent ? C'est parce que nous avons perdu nos universaux, nous avons oublié la leçon tant de Platon que d'Aristote pour lesquels il existe des universaux qui s'appliquent aux choses. Dans la mesure où nous avons laissé la croyance dans le monde objectif verser dans le pur subjectivisme, comment espérer un jour nous unir ? C'est pourquoi la véritable tâche politique est de retrouver ce qui nous relie, au delà de l'inepte discours contemporain sur les droits de l'homme. Le discours sur les droits est en effet toujours dérivé, il requiert un discours plus fondamental ; c'est pour cela que vous ne pouvez arbitrer entre des droits différents et pourquoi le droit ne peut vous dire ce qui est juste. Aussi, tant que nous n'aurons pas recouvert notre héritage - c'est à dire tant que nous ne serons pas revenus aux universaux - nous ne pourrons jamais aider personne, jamais réduire aucune division ni soigner aucun mal.

    Que signifie la démission de Boris Johnson, qui était pourtant donné favori pour succéder à Cameron. Quelles sont les lignes de clivages au sein des conservateurs ?

    La démission de Boris Johnson signifie un certain nombre de choses plutôt triviales - au premier rang desquelles une incapacité fondamentale à donner une quelconque consistance à ses slogans. Je le soupçonne par ailleurs d'avoir promis un certain nombre de choses contradictoires aux députés qui le soutenaient - en offrant notamment le même poste à plusieurs personnes. Enfin sa chronique dans le Telegraph montrait qu'il avait déjà pris la décision de revenir en arrière sur le Brexit et de rompre ses engagements auprès de ceux qui avaient voté « Leave  ». C'est un homme qui n'inspire plus confiance, un opportuniste sans réelle conviction - il n'y a rien d'autre à lire dans sa démission.

    Les clivages du parti conservateur s'expliquent quant à eux d'abord par l'histoire, même si de nouvelles divisions apparaissent aujourd'hui. Une minorité significative de député se revendique du Thatchérisme : ils croient au libre marché et sans doute à rien d'autre - tandis qu'une majorité des députés tient à ce que la droite défende la justice sociale ; tous toutefois pèchent sur les mesures à prendre.

    Le défi le plus important qui attend aujourd'hui les conservateurs, c'est de répondre à ce besoin de justice sociale sans passer par le marché ni par l'Etat. Ils savent qu'ils doivent s'adresser à une population en déshérence - tous se revendiquent d'un conservatisme inclusif (« One nation conservatism ») - mais personne ne dispose dans ce domaine d'un programme politique crédible. Si le marché tel qu'il a fonctionné jusqu'à présent se montre incapable de répondre aux besoins des plus pauvres et bientôt de ceux de la classe moyenne, quelle sera demain la doctrine économique du Parti Conservateur ?

    Cela traduit-il l'explosion du clivage droite/gauche des deux côté de La Manche ?

    L'affrontement droite / gauche appartient au passé : si vous regardez les mouvements qui ont émergé récemment, leur discours emprunte des éléments issus des doctrines des deux côtés de l'échiquier politique. Prenez le Front National, par exemple : son programme nationaliste le porte évidemment à l'extrême-droite, mais ses propositions sur l'Etat-providence et les services publics semblent toutefois exhumées d'un discours socialiste des années 1970. Il en est de même en Angleterre avec UKIP, qui pourrait tout à fait devenir le parti de la classe ouvrière britannique et se substituer au parti Travailliste en offrant un mélange droite/gauche similaire.

    Est-ce la victoire du « Conservatisme pour les pauvres » que vous avez théorisé ?

    Dans un certain sens, c'est à une victoire « inversée » du Red Toryism à laquelle nous avons assisté. Ce que je cherchais à promouvoir en effet, c'était l'alliance du meilleur de la tradition de droite et de celle de la gauche dans un nouveau discours positif. Ce qui est à l'œuvre ici, c'est la naissance d'un composé hybride d'une toute autre nature, au sein duquel ce serait au contraire les gènes récessifs des deux traditions qui se seraient associés dans leur mutation.

    Là où je proposais par exemple un affranchissement économique massif des plus pauvres, au moyen d'une redistribution de l'accès à la propriété, les voilà qui mettent en avant la promotion de l'Etat providence, une politique qui a échoué de manière désastreuse par le passé. Que produit l'Etat providence en effet, sinon la perte de l'autonomie des individus et l'érosion de leur sens de la propriété, ainsi que la légitimation délétère d'une culture de l'assistance. De la droite, je garde l'idÃ

  • Le Kosovo ou la réussite d’une manipulation, par Antoine de Lacoste

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    Le bombardement de la Serbie, décidé par les Américains en 1999 pour obliger ce pays à abandonner sa province du Kosovo, a donné lieu à une manipulation des faits d’une ampleur rare.

    Les principaux médias occidentaux, au garde à vous comme il se doit, ont relayé en cœur cette fable selon laquelle la Serbie n’avait plus de légitimité à conserver le Kosovo dans ses frontières. En effet, au fil du temps, d’une immigration incontrôlée et d’une démographie plus dynamique, les immigrés albanophones et musulmans sont devenus majoritaires au détriment des Serbes.

     

    1A.jpgLes Américains, docilement suivis par la France, l’Angleterre et l’Allemagne entre autres, ont alors décidé de transformer ce fait démographique en droit de sécession.

    L’histoire du Kosovo se confond pourtant avec celle de la Serbie.

                                                                  

    UN PAYS TÔT CHRISTIANISÉ

     

    Comme presque partout ailleurs, les Balkans firent l’objet de multiples invasions dans les premiers siècles de l’ère chrétienne. Illyriens, Romains, Avars, Slaves se succédèrent. Puis, la grande lutte entre Byzantins et Bulgares à partir du IXe siècle domina toute la région.

    Les chroniques byzantines mentionnent l’existence des Serbes dès le VIIe siècle. Convertis au christianisme, grâce notamment à Saints Cyrille et Méthode, ils vécurent à l’ombre de Constantinople qui les encouragea à peupler les Balkans après le départ des barbares Avars.

    Le premier prince serbe de renom, Jovan Vladimir, fut assassiné par les Bulgares en 1016. Il est aujourd’hui révéré comme saint par l’Eglise orthodoxe. Ses reliques font l’objet de nombreux pèlerinages dans la cathédrale orthodoxe de Tirana et la croix qu’il avait avec lui le jour de son assassinat est exposée une fois par an dans un village du Monténégro.

    L’affaiblissement progressif de l’Empire byzantin et le début de la conscience nationale serbe engendra de nombreuses tentatives de secouer le joug grec et de s’affirmer comme une nation indépendante.

    Stefan Nemanja fut le fondateur de la dynastie royale qui devait mener la Serbie à l’indépendance. Rome fut un soutien précieux et le pape Honorius III, en octroyant au fils de Stefan (qui s’appelait également Stefan) le titre de roi de Rascie, permit à la future Serbie de s’émanciper définitivement de Byzance. La Rascie englobait l’actuel Monténégro ainsi qu’une partie de la Croatie et de l’Herzégovine.

     

    UNE GLORIEUSE MONARCHIE

                   

    Plusieurs rois prénommés Stefan se succédèrent et agrandirent progressivement le royaume. Un tournant décisif se produisit en 1330 lorsque les Byzantins, alliés cette fois aux Bulgares, attaquèrent la Serbie qui s’était mêlée de la succession dynastique à Constantinople. Les Serbes gagnèrent la bataille de Velbajdqui marqua le début de la domination serbe sur les Balkans.

    Le règne de Stefan Douchan (1331-1355), qui se fit même couronner empereur, permit ensuite au royaume de conquérir l’Albanie et la Macédoine ainsi que le nord de la Grèce actuelle.

    Mais la faiblesse des souverains suivants entraîna l’affaiblissement du nouvel empire qui se fissura, certains chefs locaux profitant de cette conjoncture pour s’en détacher.

    L’invasion turque mit, hélas, tout le monde d’accord. Elle se fit progressivement et fut particulièrement sanglante. Les Turcs remportèrent en 1371 la bataille de la Maritsa (en Grèce) qui leur permit de conquérir la Macédoine et la Bulgarie. L’Empire serbe disparut alors définitivement. Puis un prince serbe, Lazar Hrebeljanovic, parvint à s’allier avec d’autres princes pour contrer l’immense armée ottomane.

     

    LUTTE CONTRE LE CROISSANT

     

    L’affrontement décisif eut lieu en 1389. Ce fut la célèbre bataille de Kosovo Polje, le champ des merles. Lazar était parvenu à rallier des Hongrois, des Albanais, des Bosniaques, des Croates. Après des heures de batailles indécises, les Turcs l’emportèrent malgré la mort du sultan Mourad Ier, tué dans sa tente par un Serbe. Lazar et les princes serbes furent faits prisonniers et décapités sur le champ de bataille. Il n’y eut alors plus d’aristocratie serbe.

    Les Ottomans avaient cependant subi d’énormes pertes et ils durent attendre 1459 et la prise de Smederevo, au cœur de la Serbie actuelle, pour assoir solidement leur pouvoir.

    Cette occupation dura jusqu’en 1804 et fut très dure. Les Turcs tentèrent constamment de convertir les Serbes à l’islam. Peu le firent, contrairement aux Albanais (après la mort du grand Skanderberg en 1468) et aux Bosniaques, et beaucoup émigrèrent en Autriche-Hongrie. Le Kosovo, foyer important de résistance aux Ottomans perdit ainsi une grande partie de sa population. Certains villages se convertirent à l’islam pour ne plus payer l’impôt des chrétiens, le kharadj.

    A partir de 1804, plusieurs révoltes serbes éclatèrent contre l’occupant. Ce fut une longue guerre de libération sous la houlette des princes de la famille des Karageorges et des Obrénovic. De nombreux Serbes de Hongrie se joignirent à ce vaste mouvement dont Belgrade fut le foyer.

     

    LIBÉRÉS DU JOUG OTTOMAN

     

    Tandis que d’incessants combats se poursuivaient, églises et monastères furent reconstruits dans la ferveur. Finalement, en 1815, l’insurrection menée par Milos Obrenovic aboutit à l’autonomie de la Serbie dont il fut élu Prince. Le grand reflux de l’Empire ottoman se poursuivit tout au long du XIXe siècle et, comme une confirmation, le Congrès de Berlin accorda l’indépendance à la Serbie en 1878. Quatre ans plus tard, Milan Obremovic devint roi de Serbie sous le nom de Milan Ier de Serbie.

    Mais le Kosovo resta encore sous domination turque. Il constituait en quelque sorte la frontière entre le sud de la nouvelle Serbie et le nord de l’Empire ottoman. C’est alors que des milliers d’Albanais, ne voulant pas vivre dans le nouveau royaume serbe, émigrèrent vers le Kosovo. Ce fut le début d’un processus fatal.

    Après la première guerre mondiale, le Kosovo put retrouver ses origines serbes et intégrer le royaume des Serbes, Croates et Slovènes, nouvellement créé et regroupant la Serbie et les anciennes régions de l’Empire austro-hongrois : Croatie, Slovénie, Bosnie-Herzégovine. Le Monténégro, plus au sud, fit également partie du regroupement.

    Le roi serbe, Alexandre Ier transforma l’entité existante en Royaume de Yougoslavie en 1928. L’invasion allemande de 1941 mettra fin au royaume qui fut démantelé. Le Kosovo fut alors inclus dans l’Albanie passée sous contrôle italien.

     

    PASSÉ ENTRE TOUTES LES MAINS

     

    La victoire du communiste Tito (Josip Broz de son vrai nom) contre les Allemands, lui permit de reconstituer une Yougoslavie récupérant tous les territoires de la monarchie, y compris le Kosovo qui bénéficia toutefois d’un statut d’autonomie. Tito le Croate, désireux d’affaiblir les Serbes, détacha même par la suite le Kosovo de la Serbie. Le Kosovo devint ainsi une province à part entière.

    La mort de Tito va modifier le sort du Kosovo. Son successeur, le Serbe Slobodan Milosevic supprima l’autonomie du Kosovo en 1989, ordonna la dissolution de son parlement et de son gouvernement et interdit la langue albanaise. Les Albanophones réagirent et proclamèrent l’indépendance du Kosovo dont le président quasi-clandestin fut Ibrahim Rugova.

    L’embrasement des Balkans et la pluralité de guerres qu’il engendra n’empêcha pas la reconnaissance internationale de l’appartenance du Kosovo à la nouvelle République fédérale de Yougoslavie créée par Milosevic en 1992. En 1995, les accords de Dayton furent signés à Paris par les présidents serbe (Milosevic), croate (Franjo Tudman) et bosniaque (Aliza Izetbegovic). L’Américain Richard Holbrooke parraina ce traité qui mettait fin à la guerre en Bosnie-Herzégovine. Bien que signés à Paris, ces accords s’appellent Dayton, nom de la base américaine où ils furent négociés entre les différentes parties.

    La première partie du plan américain était ainsi accompli en démantelant la Yougoslavie par les indépendances successives de la Slovénie, de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine. La question du Kosovo ne fut pas abordée. Cela viendrait plus tard, tout comme l’indépendance du Monténégro en 2006.

    L’objectif était clair : affaiblir la Serbie, trop proche de la Russie, et rapprocher les nouveaux pays de l’Union européenne et de l’OTAN, les deux fonctionnant de pair comme chacun sait.

     

    LE FAUX MASSACRE DE RACAK

     

    La seconde partie du plan concerna cette fois le Kosovo.

    L’Armée de libération du Kosovo, la sinistre UCK, entra en scène. Rejetant l’ancien président clandestin Rugova, jugé trop modéré, elle lança l’insurrection contre la Serbie. Attentats, assassinats de policiers et soldats serbes, combats sporadiques, tout y passa. Les armes et les financements ne manquèrent pas grâce aux services secrets occidentaux. Les exactions contre les civils serbes se multiplièrent. On peut lire à ce sujet l’excellent livre du colonel Hogard, L’Europe est morte à Pristina.

    Mais cette insurrection n’ayant guère de chances de vaincre l’armée serbe, les occidentaux décidèrent de passer à la vitesse supérieure. Ils organisèrent ce qu’ils savent très bien faire : un faux massacre.

    Il eut lieu le 15 janvier 1999 à Racak. Une quarantaine de cadavres furent découverts dans ce village et aussitôt la presse occidentale dénonça un massacre de villageois commis par l’armée serbe. Les Serbes protestèrent, affirmant qu’il s’agissait de combattants de l’UCK tués au cours d’un affrontement contre l’armée. A part quelques voix indépendantes, personne ne releva qu’il n’y avait ni femmes, ni enfants, ni vieillards parmi les victimes, mais seulement des hommes jeunes. En outre, les blessures constatées faisaient davantage penser à des combats qu’à un massacre délibéré.

     

    DÉSINFORMATION CONCERTÉE

     

    Une équipe médicale de l’Union européenne, dirigée par la Finlandaise Helena Ranta, se rendit sur place et confirma le massacre. Beaucoup plus tard, elle révèlera qu’elle avait été soumise à de fortes pressions par les Américains, en particulier le diplomate William Walker : « Walker voulait que je déclare que les Serbes étaient derrière afin que la guerre puisse commencer Â» dira-t-elle en 2008 dans un livre finlandais qui lui était consacré. Trop tard.

    Une grande opération de désinformation se déversa alors. Les journaux et la classe politique occidentale rivalisèrent d’imagination pour accabler les Serbes et faire passer les terroristes de l’UCK pour de valeureux libérateurs.

    On parla de « génocide », de meurtres « de 100 000 à 500 000 personnes », de matches de football « avec des têtes coupées », de fœtus arrachés puis grillés, d’incinération de cadavres dans des fourneaux « du genre de ceux utilisés à Auschwitz », rien n’y manqua. La palme revint aux Allemands, révélant la préparation d’une vaste opération d’épuration ethnique appelée « Potkova », c’est-à-dire « fer à cheval » en Serbe. C’est le ministre des Affaires étrangères allemand, le vert Joschka Fisher qui annonça gravement la nouvelle.

    Tout était faux. Des enquêtes ultérieures le démontrèrent, comme celle de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel (10 janvier 2000) ou celle du Wall Street Journal (31 décembre 1999). Certaines voix avaient d’ailleurs alerté dès le début que fer à cheval ne se disait pas « Potkova » mais « Potkovica ». Le document était un faux grossier mais peu importe, il fallait mettre les Serbes à genoux.

    Le Monde Diplomatique, dans son numéro d’avril 2019, a fait une excellente synthèse de cette affaire sous ce titre plaisant : Â« Le plus gros bobard de la fin du XXe siècle Â».

     

    LES BOMBES DU MENSONGE

     

    Sans mandat de l’ONU, l’OTAN déclencha alors une de ses nombreuses guerres illégales. Une armada aérienne procéda à des bombardements massifs sur la Serbie. Ils durèrent 78 jours et tuèrent des milliers de civils. Des pilotes français participèrent hélas à ces crimes.

    Au bout de 78 jours, les Serbes demandèrent grâce. Une « autorité internationale civile Â» fut décidée par l’ONU pour administrer le Kosovo désormais « libéré Â» de la Serbie. L’opération américaine avait parfaitement réussi et Poutine n’était pas encore au pouvoir en Russie, alors empêtrée dans les dernières années catastrophiques de Boris Eltsine.

    Le très belliciste Bernard Kouchner fut nommé haut-représentant de l’ONU. Cet adepte du « droit d’ingérence humanitaire Â», notion floue qui peut tout justifier, exerça son mandat pendant dix-huit mois avec un rare sectarisme anti-serbe.

    C’est alors que les rumeurs concernant des assassinats de prisonniers serbes suivis de trafics d’organes organisés par l’UCK commencèrent à prendre corps. Interrogé par un journaliste serbe sur cette question, Kouchner éclata d’un rire mauvais, l’image est encore visible sur internet.

    Le Kosovo va vivre ainsi sous le contrôle de l’ONU jusqu’en 2007. Cette année-là, les extrémistes de l’UCK, partisans de l’indépendance, remportèrent les élections législatives. Le décès lâ€

  • Pierre-Joseph Proudhon, le père de l’anarchisme, par Karl Pey­rade *.

    Il est sou­vent pro­fes­sé, qu’avant le XXe siècle, la France n’a four­ni au monde que très peu de méta­phy­si­ciens à l’exception de Des­cartes et de Pas­cal. Bien qu’un peu gros­sière en ce qu’elle fait fi de l’humanisme fran­çais et des phy­sio­crates, cette asser­tion conserve une part de véri­té. 

    La pen­sée fran­çaise s’est indé­nia­ble­ment moins pas­sion­née pour la méta­phy­sique que sa voi­sine alle­mande. En revanche, la théo­rie poli­tique a fait l’objet d’une atten­tion gal­li­cane toute par­ti­cu­lière qu’on pense à La Boé­tie, Bodin, Rous­seau, Mon­tes­quieu ou encore Toc­que­ville. Rien d’étonnant à ce qu’à la suite de ces auteurs majeurs de la phi­lo­so­phie poli­tique, on trouve Pierre-Joseph Prou­dhon, le père de l’anarchisme. Cette théo­rie poli­tique a irri­gué le XIXe siècle autant d’un point de vue concep­tuel que sur le plan de la pra­tique poli­tique comme en témoignent les nom­breux cercles anar­chistes ayant eu recours la vio­lence directe. Elle est res­tée vivace au siècle sui­vant et conti­nue d’influencer cer­tains pen­seurs actuels comme David Grae­ber et cer­tains groupes poli­tiques anti­fas­cistes et alter­mon­dia­listes. Il faut d’ailleurs sou­li­gner le reten­tis­se­ment occi­den­tal et eur­asia­tique qu’a eu cette théo­rie fran­çaise puisqu’elle a don­né nais­sance à l’anarchisme russe, amé­ri­cain, ita­lien et espa­gnol. C’est dire la place qu’occupe Prou­dhon dans l’histoire des idées politiques.

    Quelques élé­ments biographiques

    Fils d’un ton­ne­lier et d’une cui­si­nière, Pierre-Joseph Prou­dhon naît en jan­vier 1809 à Besan­çon au sein d’une famille modeste. Bour­sier, il obtient de nom­breux prix d’excellence mais est contraint de quit­ter l’école à dix-sept ans pour aider ses parents dans le besoin. Il devient alors ouvrier typo­graphe dans une impri­me­rie qui finit par faire faillite. Chô­meur, il sera embau­ché quelques années plus tard par des amis, les frères Gau­thier, récents fon­da­teurs d’une impri­me­rie. Ces der­niers le poussent à reprendre des études. C’est ain­si que Prou­dhon, après avoir obte­nu une bourse de l’Académie de Besan­çon, se lance dans un mémoire inti­tu­lé Recherches sur les caté­go­ries gram­ma­ti­cales pour lequel il reçoit une men­tion hono­rable. Il obtient son bac à vingt-neuf ans et se met à suivre des cours au Col­lège de France et à l’école des Arts et Métiers. L’Académie lui accorde une nou­velle bourse qui sera sup­pri­mée en rai­son de la polé­mique consé­cu­tive à la paru­tion de son ouvrage Qu’est-ce que la pro­prié­té ? en 1841. Une nou­velle fois grâce aux frères Gau­thier, Pierre-Joseph Prou­dhon devient le fon­dé de pou­voir de leur socié­té de transport.

    En 1847, le père de l’anarchisme fonde le jour­nal Le repré­sen­tant du peuple et devient dépu­té une année plus tard. Très viru­lent dans ses articles envers Napo­léon III, il finit même par être incar­cé­ré pen­dant trois ans dans la pri­son de Sainte-Péla­gie. Pro­fi­tant des quelques heures de sor­tie auto­ri­sées par semaine, Prou­dhon se marie et devient père de famille. Il résu­me­ra la pra­tique poli­tique de la sorte : Â« Faire de la poli­tique, c’est laver ses mains dans la crotte Â». L’anarchiste fran­çais met un terme à la poli­tique poli­ti­cienne pour se consa­crer uni­que­ment à la théo­rie. De ces études sor­ti­ront de nom­breux ouvrages qui mar­que­ront les futures géné­ra­tions d’ouvriers. Avant sa mort à Paris en 1865, il ten­te­ra sans suc­cès d’influencer la Pre­mière Inter­na­tio­nale contre Marx. Connu pour son ton pam­phlé­taire à l’égard des capi­ta­listes, des poli­tiques, des chré­tiens, des femmes, des juifs et des afri­cains, Pierre-Joseph Prou­dhon aura été au cours de sa vie rela­ti­ve­ment iso­lé en rai­son de son côté franc-tireur. Même au sein de sa loge maçon­nique, il gar­de­ra ses dis­tances mal­gré une adhé­sion totale à la méta­phy­sique du Grand Archi­tecte. Contrai­re­ment à de nom­breux anar­chistes, Prou­dhon n’était pas athée.

    La théo­rie de la pro­prié­té de Proudhon

    « La pro­prié­té, c’est le vol. Â» Il n’est pas rare d’entendre cette phrase débi­tée avec la fier­té quelque peu feinte d’avoir résu­mé et com­pris la doc­trine prou­dho­nienne alors qu’en géné­ral le contre-sens est de mise. Cet apho­risme, un peu cari­ca­tu­ral, fait vite oublier les nuances de Prou­dhon au sujet de la pro­prié­té. En effet, il condamne dans la pro­prié­té ce que le capi­ta­liste vole au pro­lé­taire mais ne rejette pas le prin­cipe même de pro­prié­té puisqu’il fait l’éloge de la pro­prié­té col­lec­tive à tra­vers des coopé­ra­tives et des asso­cia­tions ouvrières.

    Pierre-Joseph Prou­dhon pose même une ques­tion émi­nem­ment inté­res­sante dans sous ouvrage trai­tant de la ques­tion Qu’est-ce que la pro­prié­té ? [1] paru en 1840. Loin de toute atti­tude posi­ti­viste, il se demande quel est le fon­de­ment du droit de pro­prié­té. Le théo­ri­cien anar­chiste rejette un peu vite le droit natu­rel comme assise de la pro­prié­té au motif qu’il n’existe pas dans la nature et chez les peu­plades pri­mi­tives [2]. Le tra­vail comme fon­de­ment de la pro­prié­té ne trouve pas non plus grâce à ses yeux car le tra­vail ne per­met pas néces­sai­re­ment la pro­prié­té mais uni­que­ment d’acquérir ses fruits. La contre­par­tie du tra­vail consti­tue le salaire indi­vi­duel sans que la force col­lec­tive géné­rée par l’addition des tra­vailleurs ne soit jamais rému­né­rée. Or, c’est bien cette force mul­ti­pliée qui per­met d’achever l’œuvre com­man­dée par le capi­ta­liste. Pour résu­mer, la force col­lec­tive est supé­rieure à la somme des forces indi­vi­duelles et pour­tant elle n’est pas rémunérée.

    L’inégalité des capa­ci­tés per­met de satis­faire les besoins dif­fé­rents de la socié­té. Il n’est donc pas juste d’octroyer plus à ceux qui ont le plus de pré­dis­po­si­tions géné­tiques car ces der­nières émanent de la socié­té à laquelle ils sont donc rede­vables. L’homme en tant qu’animal social a besoin des autres pour vivre. Cette inter­dé­pen­dance jus­ti­fie l’égalité maté­rielle des hommes entre eux de sorte qu’il n’existe aucune rai­son que le bour­geois s’enrichisse sur le dos de la masse. Le salaire suf­fit seule­ment à faire vivre le sala­rié mais on oublie vite qu’il enri­chit le capi­ta­liste qui ne le rétri­bue pas en tant que par­ti­ci­pant au tra­vail collectif.

    Pierre-Joseph Prou­dhon rejette donc la pro­prié­té indi­vi­duelle pour lui pré­fé­rer la pos­ses­sion pour tout le monde. L’objet de la pos­ses­sion peut bien enten­du évo­luer à la hausse ou à la baisse en fonc­tion de la démo­gra­phie. Le droit d’occupation ne peut donc être que tem­po­raire. Mais contrai­re­ment à Marx [3], l’anarchiste fran­çais ne plaide pas pour l’abolition de toute pro­prié­té puisqu’il pro­meut l’idée d’organisations col­lec­tives d’essence mutualiste.

    La doc­trine poli­tique de Prou­dhon : le fédéralisme

    Prou­dhon a conso­li­dé défi­ni­ti­ve­ment sa doc­trine poli­tique dans son livre Du prin­cipe fédé­ra­tif et de la néces­si­té de recons­ti­tuer le par­ti de la révo­lu­tion [4] paru en 1863. Il part du pos­tu­lat que deux élé­ments sont néces­saires à une orga­ni­sa­tion poli­tique : l’autorité qui est d’essence natu­relle et la liber­té qui est une pro­duc­tion de l’esprit néces­sai­re­ment supé­rieure à ladite auto­ri­té. Par­mi les régimes d’autorité, il dis­tingue ceux où l’autorité est exer­cée par un seul sur tous (monar­chie, tyran­nie) et ceux où l’autorité est exer­cée par tous sur tous (com­mu­nisme). Les régimes de liber­té se répar­tissent aus­si selon un dua­lisme : soit le gou­ver­ne­ment de tous est le fait de cha­cun (démo­cra­tie), soit le gou­ver­ne­ment de cha­cun est le fait de cha­cun (anar­chie). Aucun de ces sys­tèmes ne trouve grâce aux yeux de Pierre-Joseph Prou­dhon. C’est pour­quoi, il serait plus judi­cieux de le nom­mer le fédé­ra­liste plu­tôt que l’anarchiste car il n’a jamais énon­cé que l’ordre social résulte des échanges entre indi­vi­dus. Mais le terme anar­chie a fini par recou­vrir plus de situa­tions que la défi­ni­tion éma­nant de son étymologie.

    Au sujet de la démo­cra­tie qui prend de l’importance à son époque, Prou­dhon reprend l’argument aris­to­té­li­cien selon lequel la démo­cra­tie est sou­vent cap­tée par une mino­ri­té ce qui l’a fait bas­cu­ler dans l’oligarchie. Ce pro­pos ne semble pas s’être démen­ti avec l’expérience poli­tique du XXe siècle et le début du sui­vant. À pro­pos de la monar­chie, il regrette qu’elle finisse tou­jours en tyran­nie ou en abso­lu­tisme à mesure qu’elle s’étend. Cette consi­dé­ra­tion n’est mal­heu­reu­se­ment pas démon­trée par l’auteur. Pour lui, la monar­chie a fini par s’adapter au régime démo­cra­tique à cause du déve­lop­pe­ment de l’économie poli­tique. En effet, la démo­cra­tie semble plus com­pa­tible avec le capi­ta­lisme car l’individu pro­duit mieux s’il est libre et s’il se consacre exclu­si­ve­ment à son acti­vi­té. Prou­dhon résume le dilemme de la sorte :

    « Presque tou­jours les formes du gou­ver­ne­ment libre ont été trai­tées d’aristocratie par les masses, qui lui ont pré­fé­ré l’absolutisme monar­chique. De là, l’espèce de cercle vicieux dans lequel tournent et tour­ne­ront long­temps encore les hommes de pro­grès. Natu­rel­le­ment, c’est en vue de l’amélioration du sort des masses que les répu­bli­cains réclament des liber­tés et des garan­ties ; c’est donc sur le peuple qu’ils doivent cher­cher à s’appuyer. Or, c’est tou­jours le peuple qui, par méfiance ou indif­fé­rence des formes démo­cra­tiques, fait obs­tacle à la liber­té […] Que la démo­cra­tie mul­ti­plie tant qu’elle vou­dra, avec les fonc­tion­naires, les garan­ties légales et les moyens de contrôle, qu’elle entoure ses agents de for­ma­li­tés, appelle sans cesse les citoyens à l’élection, à la dis­cus­sion, au vote : bon gré mal gré ses fonc­tion­naires sont des hommes d’autorité, le mot est reçu ; et si par­mi ce per­son­nel de fonc­tion­naires publics il s’en trouve un ou quelques-uns char­gés de la direc­tion géné­rale des affaires, ce chef, indi­vi­duel ou col­lec­tif, du gou­ver­ne­ment, est ce que Rous­seau a lui-même appe­lé prince ; pour un rien ce sera un roi. On peut faire des obser­va­tions ana­logues sur le com­mu­nisme et sur l’anarchie. Il n’y eut jamais d’exemple d’une com­mu­nau­té par­faite et il est peu pro­bable, quelque haut degré de civi­li­sa­tion, de mora­li­té et de sagesse qu’atteigne le genre humain, que tout ves­tige de gou­ver­ne­ment et d’autorité y dis­pa­raisse. Mais, tan­dis que la com­mu­nau­té reste le rêve de la plu­part des socia­listes, l’anarchie est l’idéal de l’école éco­no­mique, qui tend hau­te­ment à sup­pri­mer tout éta­blis­se­ment gou­ver­ne­men­tal et à consti­tuer la socié­té sur les seules bases de la pro­prié­té et du tra­vail libre. Â» [5]

    Pour le théo­ri­cien besan­çon­nais, c’est la lutte des classes qui déter­mine le régime poli­tique. L’alliance de telle classe avec une autre va donc défi­nir la teneur du régime poli­tique. Ain­si la bour­geoi­sie a réus­si faire adve­nir en régime monar­chique ses idées libé­rales tout en gar­dant la cen­tra­li­sa­tion admi­nis­tra­tive per­met­tant le contrôle des masses et en ins­ti­tuant un suf­frage cen­si­taire pour s’en pré­ser­ver. Cette ana­lyse est d’une brû­lante actua­li­té au vu des nom­breux pro­pos mépri­sants des élites poli­ti­co-média­tiques au sujet du peuple [6]. En défi­ni­tive, Prou­dhon n’est pas tendre avec la démocratie :

    « Tou­jours le dra­peau de la liber­té a ser­vi à abri­ter le des­po­tisme ; tou­jours les classes pri­vi­lé­giées se sont entou­rées, dans l’intérêt même de leurs pri­vi­lèges, d’institutions libé­rales et éga­li­taires ; tou­jours les par­tis ont men­ti à leur pro­gramme, et tou­jours l’indifférence suc­cé­dant à la foi, la cor­rup­tion à l’esprit civique, les États ont péri par le déve­lop­pe­ment des notions sur les­quelles ils s’étaient fon­dés […] Ne vous fiez pas à la parole de ces agi­ta­teurs qui crient, Liber­té, Éga­li­té, Natio­na­li­té : ils ne savent rien ; ce sont des morts qui ont la pré­ten­tion de res­sus­ci­ter des morts. Le public un ins­tant les écoute, comme il fait les bouf­fons et les char­la­tans ; puis il passe, la rai­son vide et la conscience déso­lée. Â» [7]

    Mais que pro­pose-t-il après avoir conspué tous les régimes poli­tiques exis­tants ? Le théo­ri­cien besan­çon­nais pro­pose la voie du fédé­ra­lisme. Dans un esprit très contrac­tua­liste et très juri­dique, le citoyen est invi­té à adhé­rer à la fédé­ra­tion puisqu’il a autant à lui don­ner qu’à rece­voir de sa part. Cette adhé­sion est à dif­fé­ren­cier du contrat social de Rous­seau qui pré­sup­pose un état de nature idéal et anté­rieur à la socié­té. À mesure que les com­mu­nau­tés humaines se déve­loppent, les indi­vi­dus ne peuvent plus vivre en tant qu’individus purs et inno­cents sépa­rés les uns des autres ; ils doivent donc par un contrat social abs­trait, c’est-à-dire via une adhé­sion abs­traite, voire incons­ciente, se regrou­per pour faire socié­té. Il n’existe rien de tout cela chez l’anarchiste fran­çais peu sus­pect d’amour envers les théo­ries idéalistes.

    Pour lui, Â« Ce qui fait l’essence et le carac­tère du contrat fédé­ra­tif, et sur quoi j’appelle l’attention du lec­teur, c’est que dans ce sys­tème les contrac­tants, chefs de famille, com­munes, can­tons, pro­vinces ou États, non-seule­ment s’obligent synal­lag­ma­ti­que­ment et com­mu­ta­ti­ve­ment les uns envers les autres, ils se réservent indi­vi­duel­le­ment, en for­mant le pacte, plus de droits, de liber­té, d’autorité, de pro­prié­té, qu’ils n’en aban­donnent [8]. Â» Cette approche qua­si civi­liste [9] de la fédÃ