Portraits (I) : Henri Vaugeois (1)
Ils "étaient", ils "faisaient" l'Action française" :
De Paris Vécu, 2ème Série, Rive gauche, pages 236/237/238 :
"...Boulevard Edgar Quinet habita, pendant plusieurs années, notre bien cher ami Henri Vaugeois, fondateur de l'Action Française.
De là, il passa au Boulevard du Montparnasse, et, du Boulevard du Montparnasse, à l'avenue de l'Observatoire.
Aussi sa silhouette, son rire, sa voix, son enthousiasme sont-ils liés pour moi à ce coin de Paris, auquel il était profondément attaché.
Il joignait à une âme de feu, à un coeur débordant, un esprit d'une merveilleuse logique, et il entraînait et convainquait les individus comme les foules.
Ses yeux, expressifs et dorés, rappelaient, disait ma femme, ceux des abeilles et, comme les abeilles, il extrayait, de tous les aspects de la vie, un miel délicieux.
La passion de la France l'animait et aussi celle de notre Prince en exil, du duc Philippe, comme il disait.
La pensée qu'une telle force, et venue du fond des âges, était perdue pour la Patrie plongeait Vaugeois dans une indignation telle qu'en l'exprimant il devenait cornélien.
Il avait, quelques années auparavant, fondé la Patrie Française, en compagnie de Dausset et de Syveton; puis Maurras l'avait converti au Roi.
Sa mort, et celle de Léon de Montesquiou, ont été deux pertes irréparables, non seulement pour notre Cause, mais pour le pays.
J'ai vu de mes yeux, dans des réunions que nous donnions, un peu partout, à Paris et en France, avant la guerre, des auditoires, hostiles, ou indifférents, au début, retournés et emballés par "frère loup", comme nous l'appelions.
Il pouvait opérer, dans les milieux ouvriers notamment, des conversions fulgurantes, immédiates.
A Grenoble il parla, pendant deux heures et demie, devant une assistance composée surtout d'électriciens, d'abord gouailleuse et outrageante, peu à peu attentive et domptée. Lemaître n'en revenait pas. A la sortie, plusieurs de nos adversaires révolutionnaires vinrent serrer la main de Vaugeois : "Vous êtes un homme, m'sieur Vaugeois."
Oui, c'était un être viril, d'une rare énergie, mais qui savait avoir, avec cela, des délicatesses de femme.
Vaugeois aimait, comme moi, les aspects des fortifications, des remparts de terre "murant Paris", aujourd'hui disparus ou en train de disparaître, qu'a si bien rendu le peintre J-F Raffaelli, prédécesseur d'Utrillo, et supérieur à lui, je pense, pour l'expression, désolée mais colorée, des paysages de banlieue.
Souvent, pendant la belle saison, ou en automne, j'allais prendre Vaugeois, 141, boulevard du Montparnasse, ou au petit restaurant d'en face, et nous partions à pied, par la rue Lecourbe, à laquelle il trouvait de surprenantes beautés, bien qu'elle me parût en vérité assez banale.
Nous arrivions ainsi à la ligne des boulevards extérieurs, Victor, Lefèvre, Brune, et à nos chères fortifs.
Cette promenade avait un tout autre caractère, selon qu'on la faisait en semaine ou le dimanche..."