"le redoutable Jean-Jacques..."
De "Vers le Roi", pages 89/90 :
"...Cela nous remit un peu et beaucoup de notre visite aux Charmettes, un des endroits les plus lugubres que j'ai rencontrés, tant par les souvenirs vicieux qu'il évoque, que par le fantôme errant du redoutable Jean-Jacques, lequel joignait, à ses maléfices révolutionnaires d'hérédosyphilitique, l'incontestable magie du style.
Quand je dis "souvenirs vicieux", entendez bien que je ne suis pas prude et que plusieurs de mes romans, que je ne renie point, en témoignent.
Mais c'est le mélange d'hypocrisie dans la crudité et d'attendrissement dans le sensuel, et même le sexuel, qui me donne, si je lis Rousseau, la nausée.
Il appartient à la catégorie des débauchés sermonneurs, des pervertis idylliques et joueurs de clavecin, des larmoyants qui font souffrir.
A côté de lui, Voltaire est sain.
C'est assez vous dire que pendant ce déjeuner des Echelles (1), les oreilles de Rousseau, du Rousseau d'outre-tombe, durent tinter.
Personnellement, tout en reconnaissant sa terrible influence maléficieuse, je ne l'ai jamais aimé et c'était un point sur lequel je discutais souvent avec mon père, féru des Confessions.
Je comptais même, quand j'ai quitté la médecine, écrire un article de psychologie clinique sur la maladie de Rousseau, opposée à celle de Pascal.
Cet article eût été prématuré, car l'on ne connaissait pas, il y a trente ans, l'hérédité tréponémique, comme on la connaît aujourd'hui.
La tare de Jean-Jacques est devenue très visible et très banale..."
(1) : ce passage est la suite immédiate du document "Fidélités royalistes (IV) : Savoyardes..."