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Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville.

Les Traités de Westphalie, "chef d'oeuvre absolu".

Les Traités de Westphalie, "chef d'oeuvre absolu".

Illustration : Grosser Historischer Weltatlas, NeuzeitBayerischer Schulbuch-Verlag, 3e edition, volume III, Munich, 1967.

Cette carte est illisible, et c'est justement en cela que réside son intérêt ! Elle n'a d'autre importance que de bien montrer, dans son ensemble justement illisible, cette "croix des géographes", chef d'oeuvre absolu de la diplomatie française intelligente, qui a morcelé l'Allemagne en plus de 350 Etats, nous donnant, en outre, le droit d'intervenir dans leurs querelles...

Les rois assuraient par là, non seulement notre tranquillité de ce côté, mais aussi la possiblité d'extensions territoiriales vers le Rhin : la Lorraine - sous Louis XV - l'Alsace et la Franche Comté - sous Louis XIV - viendront ainsi s'ajouter aux Trois Evêchés, réunis par Henri II...

Hélas la Révolution - et les deux Empires - feront exactement l'inverse, et, par pure idéologie, laissèrent se créer - quand elles n'y contribuèrent pas, un redoutable Empire allemand à nos portes : la France paiera très cher ces folies idéologiques, en 1870, en 1914 et en 1939; et, aussi, en bloquant elle-même l'achèvement du territoire, en rendant impossible l'acquisition de la frontière du Rhin.....

De Jacques Bainville, Histoire de France, Chapitre XI, Louis XIII et Richelieu : la lutte nationale contre la Maison d'Autriche :

"...La paix de Westphalie fut signée en octobre 1648.

Cette paix, qui devait rester pendant un siècle et demi la charte de l’Europe, couronnait la politique de Richelieu. C’était le triomphe de la méthode qui consistait à achever la France en lui assurant la possession paisible de ses nouvelles acquisitions. Il ne suffisait pas d’ajouter l’Alsace au royaume. Il fallait encore que cette province ne fût pas reprise au premier jour par les Allemands. Il ne suffisait pas d’humilier la maison d’Autriche, de lui imposer une paix avantageuse pour nous. Il fallait encore, pour que cette paix fût respectée, pour que le résultat d’une lutte longue de plus d’un siècle ne fût pas remis en question, que l’Empire fût affaibli d’une façon durable et qu’il ne pût se réunir « en un seul corps ».
Au traité de Westphalie, la politique qui avait toujours été celle de la monarchie française, celle des « libertés germaniques », reçut sa consécration. Notre victoire fut celle du particularisme allemand. La défaite de l’Empereur fut celle de l’unité allemande. Mosaïque de principautés, de républiques, de villes libres, l’Allemagne, au lieu d’un État, en formait plusieurs centaines. C’était l’émiettement, l’impuissance, le libre jeu laissé à notre diplomatie, car ces trois cent quarante-trois États indépendants, de toutes les tailles et de toutes les sortes, étaient maîtres de leurs mouvements et de leurs alliances. Leurs rapports avec l’Empire devenaient extrêmement vagues et s’exprimaient par une Diète, un véritable Parlement, où, avec un peu de savoir-faire, nos agents pouvaient intervenir de façon à tenir le « corps germanique » divisé. Le principe de l’équilibre européen, fondé par le traité de Westphalie, reposait sur une véritable élimination de l’Allemagne, ce qui resta notre doctrine constante, parce que c’était notre plus grand intérêt, jusqu’à la fin du dix-huitième siècle.
Enfin pour conserver ces résultats, pour empêcher qu’il y fût porté atteinte et que l’Allemagne fût conduite par une seule main la France, ainsi que la Suède, avait un droit de garantie au nom duquel elle pouvait s’opposer à tout changement de la Constitution de l’Empire, à toute redistribution des territoires, en d’autres termes aux ambitions de la maison d’Autriche on de tout autre pouvoir qui reprendrait son programme de domination des pays germaniques.
L’Allemagne n’était plus, comme disait plus tard Frédéric II, qu’une « République de princes », une vaste anarchie sous notre protectorat. Ruinée, dépeuplée par la guerre de Trente Ans, réduite à l’impuissance politique, elle cessait pour longtemps d’être un danger. Nous aurions encore à nous occuper d’elle. Nous n’avions plus à craindre ses invasions : la grandeur de la France date de cette sécurité.

Il est rare qu’on puisse fixer des moments où la politique a obtenu ce qu’elle cherchait, où elle l’a réalisé, dans la mesure où les choses humaines comportent les réalisations. Le traité de Westphalie est un de ces moments-là..."