UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville.

Thiers, vrai fondateur de la République (I/III)

Thiers, vrai fondateur de la République (I/III)

C'est donc en 1935 que paraît La Troisième République.
Dès les premières lignes du premier chapitre ("Dans l'oeuf du Quatre septembre"), Jacques Bainville montre bien comment, en répondant à l'aspiration profonde du peuple à la paix, Thiers a, de fait, réussi à "faire passer" la République, malgré la présence d'une Assemblée monarchiste....
Comme d'habitude, chez Bainville, il faudrait tout lire, tout citer. Voici quelques extraits significatifs des presque vingt-cinq pages de ce premier chapitre (Les Grandes Etudes Historiques, Arthème Fayard, pages 13 à 37) :

"...Par ces épisodes du 4 septembre, on voit que Thiers, Jules Favre, Gambetta lui-même, n'avaient pas hâte d'instaurer la république. Il est vrai que Thiers, à ce moment, est peut-être encore orléaniste. Quoi qu'il en soit, il s'est rencontré avec les chefs de la gauche pour ralentir le mouvement. Pourquoi ? Parce qu'il doute comme eux que la France soit prête à accepter le régime républicain.....
Les républicains de la veille à qui le 4 septembre donnait le pouvoir savaient bien que personne ne se lèverait pour défendre l'Empire déchu. Ils savaient aussi que la République était mal famée et que la province n'aimait pas les révolutions de Paris. Les plus prudents des hommes de gauche se défiaient des exaltés, et sentaient que le danger était là. Ils eurent tout de suite le souci de rassurer le pays....
La journée du 4 septembre, première de la Troisième République, offre ainsi une vue générale de l'histoier du régime. On y trouve dans l'oeuf les problèmes qu'il a eu à résoudre, les idées et les intérêts qu'il a dû ménager. Sans les républicains d'action qui avaient forcé les portes du Palais-Bourbon, crié et menacé tumultueusement sur la place de l'Hôtel de Ville, le Corps législatif de l'Empire restait mandataire de la France. Pour naître comme pour durer, la répubilqiue a eu besoin du concours des révolutionnaires. Mais ce concours la compromettait en effrayant les parties paisibles de la population. Elle avait donc un égal besoin de se modérer. Dès le 4 septembre, elle fit, d'instinct, ce jeu d'équilibre qui deviendra par la suite une loi....
...Dans sa filiation la plus authentique, dans sa tradition la plus pure, le aprti républcain venait de la Convention. Il réconciliait en lui girondins et jacobins. Il avait detesté les Traités de 1815. Selon l'esprit de la révolution française, il était par conséquent nationaliste et belliqueux, ce qui ne l'empêchait pas de honnir le militarisme et de réclamer l'abolition des armées permanentes. Dans la Troisième République, ces éléments se rencontreront encore.
Selon cette tendance, alors très accusée chez lui, le parti républicain était le parti de la guerre. N'avaut-il pas, sous Napoléon III, applaudi aux campagnes de Crimée et d'Italie ? Sa réputation de "bellicisme" contribuait pour une large part à éloigner de lui les populations paisibles, en particulier les populations rurales. A son berceau, la Troisième République a failli périr parce qu'elle était trop guerrière.
Quant à l'Empire, des sentiments mélangés retournaient contre lui la plupart de ceux qui, en mai, lui avaient encore donné leur suffrage. Il s'était attiré la durable rancune d'un pays conservateur, attaché à sa tranquillité, respectueux, par horreur du changement, de l'autorité établie, et violemment troublé dans son repos. L'invasion, avec toutes ses suites, ce n'était pas, selon un mot célèbre, "pour cela" qu'on avait voté "oui". Passe pour les autres guerres dont le théâtre avait été lointain. Celle-là, catastrophe subite, ne devait être pardonnée ni à Napoléon III ni à sa dynastie. La douleur et l'humiliation de la défaite étaient ressenties amèrement. On reprochait à l'Empire d'avoir provoqué la guerre et de l'avoir perdue, d'avoir attiré l'orage et d'avoir capitulé. Cependant, selon son penchant naturel, le parti républician, dont Gambetta était l'âme au gouvernement provisoire, devint aussitôt celui de la patrie en danger, de la levée en masse, et de la "lutte à outrance", de la "guerre nationale", et même de "la guerre jusqu'à épuisement".
La troisième expérience de République que la France faisait depuis la Révolution était par là, menacée d'impopularité.
Thiers le sentait, et murmurait à l'adresse de Gambetta le mot de "fou furieux" qu'il devait, un peu plus tard, lancer de la tribune. La continuation de la résistance avec des armées improvisées choquait le sens commun. Ce n'était aps tout. Ces républicains qui recommençaient 1792 étaient divisés. Les membres du gouvernement de la Défense nationale restés à Paris ne s'entendaient pas avec la délégation de Tours qu'ils trouvaient timorée et trop disposée à écouter les vieillards. Au début d'octobre ils lui adjoignirent Gambetta pour lui communiquer de l'énergie. Eux-mêmes, dans Parsi assiégé, étaient auX prises avec de plus avancés qu'eux. Le 31 octobre avait été une journée digne de la Révolution. Cette fois, pendant quelques heures, le gouvernement provisoire fut prisonnier de l'émeute, la même qui l'avait créé le 4 septembre, et peu s'en fallut que la Commune ne l'emportât.
Avec le recul du temps, ces évènements ont pris un caractère héroïque. Sur l'heure, on vit surtout l'incohérence, l'agitation, l'absurdité de combattre un envahisseur discipliné alosrqu'en France régnaient le désordre et la confusion. La République n'avait pas laissé de bons souvenirs. Tentée deux fois, elle avait toujours été convulsive et deux fois elle était tombée aux mains d'un dictateur, impuissante à former un véritable gouvernement. Celui qui existait depuis le 4 septembre ne la réhabilitait pas.
Il n'est donc pas surprenant que le pays, apppelé à voter le 8 février 1871, ait élu une assemblée qui éatit conservatrice. Elle ne l'était d'ailleurs pas plus que celle de 1849, nommé sous l'impression des sanglantes journées de juin, et qu'avait dissoute le coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte.
Gouvernement provisioire, levée en masse et lutte à outrance, tout ce qui s'était fait depuis cinq mois l'avait été sans l'avis des électeurs. La question qui leur était posée maintenant était celle de la paix ou de la guerre. Et le parti républician était le parti de la guerre. Gambetta protestait contre l'armistice en des termes tels que Georges Sand parlait "d'enivrement d'orgueil" comme Thiers de folie furieuse. Le 8 février, le coprs électoral choisit la paix. Et pour l'avoir, à qui s'adressait-il ? Aux partisans des régimes qui l'avaient toujours maintenue, c'est-à-dire les deux monarchies, celle de la Restauration et celle de Juillet. La majorité de l'Assemblée se composait ainsi de légitimistes et d'orléanistes entre lesquels le suffrage universel ne distinguait pas toujours. Par là, cette Chambre ressemblait encore à celle de 1849.....