Conséquence : la Prusse prépondérante en Allemagne
Pour être encore plus précis sur cette question du "remaniement" des Allemagnes, et pour bien savoir "qui a reçu quoi", on lira avec intérêt l'article que lui consacre Michel Mourre, dans son Dictionnaire Encyclopédique d'Histoire (page 3796) :
"Recès impérial de 1803. Reichsdepuationshauptschluss. Acte par lequel la Diète germanique de Ratisbonne, le 25 février 1803, consomma l'effondrement du Saint Empire germanique.
Par le Traité de Lunéville (1801), la France avait annexé la rive gauche du Rhin, mais l'article 7 de ce Traité avait prévu l'indemnisation des princes allemands dépossédés sur la rive gauche du Rhin. L'empereur François II (François 1er d'Autriche), qui avait signé ce traité, s'excusa d'avoir usurpé un pouvoir qui ne lui appartenait pas en stipulant seul pour l'Empire. Une Diète germanique se réunit à Ratisbonne en août 1802 pour régler les indemnités des princes dépossédés. L'Autriche aurait voulu ajourner indéfiniment ce règlement, car les Etats ecclésiastiques et les villes impériales qui devaient servir d'indemnités étaient entièrement entre les mains de l'empereur, et leur disparition équivalait à une abolition du Saint Empire. Mais la plupart des princes s'adressèrent directement à Bonaparte, en dehors de l'Autriche, pour obtenir des indemnités à leur convenance. Pendant cinq mois, négociations et intrigues se poursuivirent à Paris, et l'Allemagne fut mise à l'encan dans les bureaux de Talleyrand, qui en tira quelque profit personnel. Bonaparte, qui voulait obtenir l'alliance du tsar Alexandre, fit même intervenir la Russie dans cette affaire.
La grande spoliée fut l'Eglise catholique, qui perdit un territoire d'environ 73.000 km2 : toutes les principautés ecclésiastiques furent sécularisées, à l'exception de l'évêché de Mayence, donné à Dalberg.
Le nombre des villes libres fut ramené de 51 à 6 (Augsbourg, Nuremberg, Francfort, et les trois villes hanséatiques, Brême, Hambourg et Lübeck).
La Prusse, en compensation de la perte du duché de Clèves, obtint les évêchés de Paderborn, Hildesheim, Münster, Erfurt, cinq villes impériales et six abbayes, ce qui fit d'elle la puissance la plus importante de l'Allemagne du Nord.
La Bavière, en compensation des duchés de Juliers et de Deux-Ponts, reçut les évêchés de Würzburg, de Bamberg, d'Augsbourg et de Passau, avec quinze villes libres et douze abbayes.
Le Wurtemberg, en compensation de Montbéliard, eut neuf villes libres et huit abbayes.
Le Hanovre reçut l'évêché d'Osnabrück.
Les territoires de Bade, et de la Hesse-Kassel, furent augmentés.
L'Autriche elle-même finit par traiter avec la France : elle reçut les évêchés de Trente et de Brixen, puis Berchtesgaden et une aprtie des évêchés de Passau et d'Eischstätt (pour le grand-duc de Toscane).
Cette réorganisation de l'Allemagne sous la dictée de Bonaparte devait avoir des conséquences importantes : elle entraîna la disparition du Saint Empire (1806) et, en réduisant considérablement le nombre des Etats allemands, elle prépara l'unité politique de l'Allemagne; enfin, elle permit à la Prusse d'exiger, en 1815, une place prédominante en Allemagne du Nord"
La naïveté, l'aveuglement, l'inconscience n'excusent pas tout. Travailler ainsi, tel l'apprenti sorcier, à la création d'une force qui retombera sur nous pour nous écraser, alors que rien ne l'imposait, ce n'est plus de l'inconscience ou de l'incapacité : ce que Chateaubriand appelait, en parlant de Napoléon, "son imperfection en politique" c'est bel et bien, dans les faits, de "l'intelligence avec l'ennemi"...