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Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville.

Bainville conférencier : un oxymore, et pourtant..

Bainville conférencier : un oxymore, et pourtant..

C'est l'un des drames de l'Action française - et l'une de ses grandeurs... - que d'avoir par deux fois dû lutter jusqu'au bout pour avertir des deux guerres qui s'annonçaient, et pour conjurer les pouvoirs publics d'y préparer le pays...
Malheureusement, ni pour celle de 14, ni pour celle de 39, l'Action française ne fut écoutée par un Pays légal en proie aux nuées du pacifisme le plus aberrant, ou aux incompétences les plus notoires d'un personnel politique d'une médiocrité à faire frémir...
Bainville eut la chance - si l'on peut s'exprimer ainsi... - de ne pas voir la Seconde Guerre mondiale, qu'il avait pourtant annoncée "pour dans vingt ans" dès 1918, au moment du calamiteux Traité de Versailles. Et qu'il voyait venir, aussi bien qu'il avait vu venir la Première...
Lui et l'Action française furent le premier mouvement politique français à "nommer" le danger hitllérien, et son parti "social-nationaliste" (il ne se trompait que dans l'ordre des mots !...). Bainville fut également le premier à avoir précisément désigné "l'énergumène" Hitler (I) à un Pays légal qui refusa jusqu'au bout d'armer la France face au péril qui arrivait....
Avant 1914, et pour tenter de conjurer les périls, Bainville le pondéré, le discret, la Sage, força sa nature, et alla jusqu'à... se faire conférencier ! Au moins à deux reprises, c'est Léon Daudet qui nous l'apprend, dans ses Souvenirs (Tome II, page 331) :

(A Nantes) "Bainville qui a horreur de parler en public, avait, sur nos instances, accepté de se faire entendre. Il avait choisi comme sujet - on était au lendemain d'élections donnant la majorité à Caillaux et au clan des Ya, à quelques semaines de la guerre ! -le danger que font classiquement courir la démocratie et la politique de gauche à l'intégrité du territoire. C'était moins un discours qu'une démonstration rigoureuse, au tableau, du péril qui nous attendait, dans ce style limpide et aigu où jouent les facettes de Tacite, de La Fontaine et de Voltaire. Il y avait là des assitants de toutes les classes et conditions sociales, beaucoup de gens instruits, des professeurs, des armateurs, de petits bourgeois, des ouvriers. Ils écoutaient de toutes leurs oreilles et sans la moindre interruption. Bainville aurait dû publier cette conférence, qui est un chef-d'oeuvre. Mais je vois d'ici son geste de dédain et son "ah ! zut !" Après lui, avec mon bariolage d'espions et de préparatifs boches , j'avais l'air d'un ours ajoutant ses explications à celles d'un professeur du Collège de France.
Nous revînmes à Paris par étapes, ayant l'un et l'autre besoin de repos. A Loches, où revit le souvenir de Louis XI, l'heure du dîner trouva nos deux ménages attablés autour d'un poulet rôti et d'une bouteille de Vouvray. L'addition était dérisoire de bon marché.
- Comment voulez-vous - disait Bainville - que les Allemands, avec leurs tristes raves, leur bière indigeste et leur lourde charcuterie, ne se jettent pas sur un pays où il y a toutes ces bonnes choses et qui se donne comme maître un Caillaux !"
Après Nantes, Bainville prit également la parole à Lyon, avec Bernard de Vesins, sous la présidence du général Mercier : il le raconte brièvement dans la note du 4 novembre 1914 de son Journal "La Guerre démocratique" :
"...Ce n'est pas sans une haute satisfaction que je puis me souvenir d'avoir pris la parole à Lyon, au mois de février de cette année, sous la présidence et aux côtés du général et d'y avoir montré l'orage montant sur la France et annoncé l'imminence de cette guerre..."(Auguste Mercier (1833-1921) était ministre de la Guerre de 1893 à 1895 lorsque fut condamné le capitaine Dreyfus).

(I) : Journal, Tome III, 1927/1935, note du 1er février 1933, "Voilà Hitler chancelier...)