Jacques Bainville ou le bon sens
"...Le mot de bon sens paraîtra peut-être un peu mince pour désigner la faculté dominante de Bainville. Je crois cependant qu'il en eût été content, et pour voir que c'est une grande louange, il sufffit de considérer combien sont rares, parmi les hommes plus ou moins brillantés d'esprit qui nous entourent, ceux à qui l'on peut attribuer cette qualité.
Le bon sens, c'est le nom modeste que prend la sagesse pour régir les choses de la vie, qu'il s'agisse de nos humbles affaires ou du sort des empires. Bainville était tout autre chose qu'un journaliste entre beaucoup d'autres : il était le conseiller de l'Etat. Cette charge lui appartenait plus réellement que s'il en eût été investi par décret. Parmi les erreurs et les fautes, il maintenait les droits de la raison offensée. Il rappelait inutilement, sans doute, mais non vainement, ce qu'il aurait fallu faire. Il fixait sur des opinions solides ces Français bien intentionnés, mais d'une incertitude vraiment pitoyable, qui abondent aujourd'hui. Nous allons connaître trop bien ce que valaient pour l'esprit public ces petits articles quotidiens, debout, dans le désordre et la confusion, comme des colonnes ioniques parmi des décombres..."
(Abel Bonnard, de l'Académie française).