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Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville.

"L'Allemagne paiera !" L’Allemagne n’a pas payé...

"L'Allemagne paiera !" L’Allemagne n’a pas payé...

Pour avoir plus de détails pratiques sur cette question des "réparations", on lira avec intérêt l'article que lui consacre Michel Mourre, dans son Dictionnaire encyclopédique d’Histoire, pages 3819 /3820 :

* Réparations.
"Après la Première Guerre, le Traité de Versailles (28 juin 1919) rendant l’Allemagne responsable du déclenchement de la guerre et des dégâts subis par les régions envahies, lui imposa le paiement de "réparations". Les Alliés eurent beaucoup de mal à s’entendre sur la somme totale et la répartition de ces réparations. Aussi le Traité de Versailles se contenta de stipuler que le montant de la dette allemande serait fixé par une commission avant mai 1921, le gouvernement allemand devant en tout cas, avant cette date, effectuer des fournitures ou des paiements jusqu’à concurrence de 20 milliards de marks-or. En outre l’Allemagne dut livrer une importante partie de sa flotte de commerce, des machines, du matériel ferroviaire, du bétail, du charbon etc. Dès 1919, la voix d’un des plus grands économistes de l’époque, J.M. Keynes, dans ses "Conséquences économiques de la paix", s’éleva pour dénoncer le péril de cette politique des réparations, appliquée à un pays désorganisé qui avait perdu une grande partie de ses marchés. Mais la France, qui avait subi les plus graves dommages matériels de la guerre, devait se montrer intransigeante sur cette question. Un ministre français, Klotz, proclama hautement : "L’Allemagne paiera !". Ce slogan fut répété maintes fois par les dirigeants du pays, et, pour les Français moyens, les réparations allemandes devinrent une sorte de panacée qui devait résoudre toutes leurs difficultés financières.
Les laborieuses discussions de la commission des Réparations commencèrent au printemps 1920. La conférence de Spa (5/16 juillet 1920) fixa le pourcentage des versements : la France devait recevoir 52% ; la Grande-Bretagne 22% ; l’Italie 10% etc. La conférence de Paris (25/29 janvier 1921) fixa le montant total des réparations à environ 226 milliards de marks-or, qui devaient être payés en quarante-deux annuités, (jusqu’en 1963). A la conférence de Londres (printemps 1921), l’Allemagne se déclara incapable de faire face à une telle charge, et, après un ultimatum, les troupes franco-belgo-anglaises occupèrent Düsseldorf, Duisbourg et Ruhrort. Cependant, dès cette époque, des divergences très nettes se manifestaient entre la France, qui voulait, par les réparations, empêcher l’Allemagne de redevenir trop vite un concurrent économique redoutable, et l’Angleterre, qui souhaitait au contraire le rétablissement économique de l’Allemagne afin que celle-ci pût constituer un marché intéressant. La commission des réparations ramena le montant de la dette allemande à 123 milliards de marks-or, payables en annuités de 2 milliards de marks, auxquelles s’ajoutait une somme correspondant à 26% des exportations allemandes annuelles. Le chancelier Wirth accepta ces clauses, et la politique du paiement régulier des réparations (Erfüllungspolitik) eut pour principal représentant en Allemagne Walter Rathenau.
A la suite des accords de Wiesbaden (octobre 1921), l’Allemagne procéda au premier règlement, mais la chute bientôt vertigineuse du mark était déjà commencée. On a souvent accusé les gouvernements allemands de cette époque d’avoir eux-mêmes encouragé l’inflation afin de rendre leur pays insolvable et de le soustraire ainsi aux réparations. En tous cas, dès la fin de 1921, l’Allemagne dut demander un moratoire. A la conférence de Cannes (janvier 1922), l’Angleterre se montra favorable à un arrangement, auquel Briand était sur le point de se rallier lorsqu’une intervention du président de la République, Millerand, l’obligea à démissionner (12 janvier 1922). Le nouveau président du Conseil, Poincaré, allait se montrer intransigeant sur la question des réparations. Abandonné par l’Angleterre, il ordonna seul l’occupation de la Ruhr par les troupes françaises (11 janvier 1923). Les Allemands répondirent par la "résistance passive", et les difficultés dans lesquelles l’intervention française mettait le gouvernement de Berlin furent exploitées par Hitler, qui tenta son putsch de Munich (novembre 1923). Le plan Dawes, adopté par la conférence de Londres (juillet/août 1924), limita les paiements allemands à des annuités qui devaient passer, en cinq ans, de 1 milliard à 2 milliards et demi de marks-or, ce système étant contrôlé, à Berlin, par un agent général des réparations, qui fut l’américain Parker Gilbert.
Pendant cinq ans, l’Allemagne devait régulièrement effectuer ses paiements, mais en partie à l’aide de prêts étrangers, ce qui contribua à rendre particulièrement aigüe la crise de 1929. Le plan Young (juin 1929) réduisit les réparations et prévoyait un échelonnement des paiements jusqu’en 1988. Le nouveau naufrage des finances allemandes, à la suite de la crise de 1929, arrêta en 1931 tous les paiements des réparations. Après le moratoire Hoover, celles-ci furent complètement supprimées par la conférence de Lausanne (juin/juillet 1932).
A u total l’Allemagne paya un peu plus de 36 milliards de marks-or entre 1919 et 1931. Or, durant la même période, elle reçut de l’étranger une aide financière de 33 milliards de marks-or. Ainsi la charge des réparations fut-elle négligeable, et elle ne peut en tout cas être considérée comme la cause des difficultés financières de la république de Weimar. En revanche, l’effet moral et politique de ces réparations devait être désastreux : les réparations, qui, à mesure que la guerre s’éloignait, apparaissaient comme un tribut humiliant et injustifié, furent exploitées inlassablement par la propagande nationaliste et hitlérienne contre le régime de Weimar. Elles chargèrent la jeune république allemande d’un terrible handicap, non pas financier mais moral. Elles contribuèrent à l’échec de la politique de réconciliation franco-allemande dont Briand s’était fait le champion. Enfin, elles isolèrent la France de ses alliés anglais et américains et ne laissèrent finalement au peuple français qu’un sentiment de frustration et de découragement. Par les Traités de Saint-Germain, de Trianon et de Neuilly (1919/1920) des réparations avaient également été imposées aux anciens alliés de l’Allemagne, l’Autriche la Hongrie, la Bulgarie…. »

C’est donc bien Bainville et l’Action française qui avaient raison, et avec eux les généraux et hommes politiques sensés, à quelque bord qu’ils appartinssent : plutôt que de s’illusionner avec d’aléatoires et surréalistes calculs de soi-disant "réparations financières" étalés sur une période déraisonnable, allant jusqu'à près de quatre-vingts ans, la vraie solution, la vraie "réparation" était le démembrement de "l’Allemagne", et le retour "aux Allemagnes" ; de plus, en établissant ainsi l’indépendance des régions rhénanes, la France retrouvait des perspectives d’avenir et d’expansion sur la rive gauche du Rhin, et, en tout cas, la sécurité ; ce qui était, au fond, la meilleure des "réparations", plutôt que de jongler d’une façon finalement assez grotesque avec de mirobolantes et fantasmagoriques sommes, échelonnées sur une durée non moins mirobolante et fantasmagorique…
Mais le Pays légal, qui ne sut pas éviter la Guerre avant 1914, ne voulut rien entendre, et perdit la victoire, si chèrement acquise, si chèrement payée, après 1918…

Illustration : Louis-Lucien Klotz, auteur de la célèbre, et dérisoire, formule "L'Allemagne paiera !"