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Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville.

Dettes de guerre : devons-nous "payer" les USA ?..

Dettes de guerre : devons-nous "payer" les USA ?..

...si les Allemands, encouragés de fait par les Anglais et les Américains, ne nous paient pas les sommes énormes qui leur ont été infligées au calamiteux Traité de Versailles ?

Dès les premières semaines de la guerre, il fut évident que les destructions, sur le sol français, étaient effroyables (en ne tenant compte que des aspetcs purement matériels, et pas du bilan humain....).

Dans son "Journal inédit 1914", Bainville écrit (page 76, note du 9 septembre) :

'...Un fait certain, c'est que le Nord et le Nord-Est de la France sont dévastés. Ce matin, La Dépêche de Toulouse annonce que Valenciennes est aux mains des Allemands... on dit que Senlis est en cendres, que nos troupes ont brûlé la forêt de Compiègne où elles avaient cerné une division allemande, et que, par repésailles, les Allemands ont incendié la ville de Compiègne. Tous ces bruits sont, pour le moment, invérifiables, mais il n'est pas douteux que la partie la plus riche et la plus industrieuse de la France a été dévastée, en sorte que la ruine et la faillite menacent l'Etat français, si, à l'issue de la guerre, et après la victoire, nous n'obtenons pas de l'Allemagne une énorme indemnité..."

Et dans son Journal, Tome II (page 107, note du 24 juin 1921) :

"...le peuple allemand a le devoir de travailler pendant deux ou trois générations pour réparer son crime..."

Dans L'Action française du 20 mars 1938, Charles Ruellan résume la situation :

"...Alors que les Allemands ne nous payaient pas un sou des indemnités fixées par le Traité de paix, les Américains venaient nous demander le remboursement de prétendues dettes que nous aurions contractées vis-à-vis d'eux pendant la guerre. Jamais les Américains ne nous avaient donné d'argent, mais, en atttendant de nous apporter une aide effective avec leurs troupes, ils nous avaient abondamment ravitaillés en produits de toutes sortes, facturés au prix fort, et sur lesquels le gouvernement de Washington avait prélevé, sous forme d'impôts sur les bénéfices de guerre, une part qui s emontait à 60 et 80%. L'AF protesta avec energie contre les prétentions américaines auatnt que contre celles des Anglais. C'était en grande partie la faute des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne si les Allemands ne payaient pas, et nos ex-alliés manquaient un peu de pudeur en se montrant plus exigeants pour nous qu'ils ne l'étaient pour leurs ennemis d'hier. Cependant la majorité cartelliste (après la victoire du Cartel des Gauches en 1924, sur la Chambre Bleue horizon, ndlr) avait ratifié les dettes américaines, et mis au compte de la France une charge qui allait peser lourdement sur deux générations..." (cité par Albert Marty, L'Action française racontée par elle-même, pages 305/306).
Menée par l'Action française, une énergique campagne aboutit à ce que, finalement, le Parlement ne consente pas au tribut, et refuse le paiement de cette "dette américaine".

Voici ce qu'écrivait déjà Bainville en 1921 à ce sujet, dans son Journal, Tome II, pages 70/71, Note du 16 février 1921 :

"La question des dettes n'est pas aussi simple qu'elle en a l'air.... Les puissances alliées et associées se sont ouverts des crédits mutuels pendant la guerre sans regarder autre chose que les besoins de chacun et les nécessités de la lutte commune. Il y a eu ainsi un échange constant de crédits. Comme tout est relatif, nous nous trouvions pauvres vis-à-vis de l'Angleterre et de l'Amérique, riches vis-à-vis d'autres pays. Naturellement, nous empruntions aux premiers, nous prêtions aux seconds. Nous prêtions ainsi à des pays dont les finances étaient douteuses ou nulles. En somme, près de la moitié de l'argent qui nous a été avancé par les Anglo-Saxons (12 milliards sur 30) est passé dans des endroits où nous courons le plus grand risque de ne jamais le revoir, par exemple en Russie.
Cependant, nous donnions à nos créanciers à nous des gages que nos débiteurs eussent été bien incapables de nous fournir. Lisez le bilan hebdomadaire de la Banque de France. Il porte, d'une façon invariable, environ 2 milliards d'or déposés en garantie à l'étranger, de même qu'il porte 3 milliards de bons du trésor escomptés pour le compte de gouvernements étrangers. Si nous possédions cet or, d'une part, et si nous rentrions dans ces créances de l'autre, notre situation financière et monétaire serait un peu différente.
Lorsqu'on parle de nos dettes de guerre, il ne faut donc pas omettre ce que la France a donné en échange de ce qu'elle a reçu, sans oublier qu'elle a servi de champ de bataille et de camp à nos Alliés qui ont usé de nos chemins de fer, de nos routes etc...
Nous pouvons attendre en paix le règlement. Si l'on nous réclame ce que nous devons, nous ferons le compte de ce qu'on nous doit à nous-mêmes. Il serait trop simple d'annuler les dettes de la Russie ou de la Yougoslavie, tandis qu'on nous réclamerait les nôtres."

Et ce qu'il écrivait, dans le même Tome II de son journal, pages 235/236, dans sa Note du 11 mai 1926 :

"Je garde, pour une sorte de musée des illusions humaines, un document déjà bien jauni. Il ne date pourtant que de cinq années. C'est le rapport établi par M. Henry Chéron, au nom de la commission sénatoriale des Finaces, à la suite de l'état des payements de 1921.
L'honorable sénateur, sur de soigneux tableaux, chiffrait par francs et centimes les sommes que nous aurions à recevoir de l'Allemagne jusqu'à la fin du siècle, sinon jusqu'à la consommation des siècles. Rien n'était oublié. Tout était prévu, sauf ce qui s'est passé, c'est-à-dire qu'après deux ans l'Etat des payements ne serait plus qu'un souvenir.
Grâce au ciel, notre musée vient de s'accroître. Un sénateur de l'Ohio y fera pendant au sénateur du Calvados. L'Europe nouvelle a publié le texte de l'accord de Washington que M. Mellon, secrétaire du Trésor, a rangé précieusement dans ses archives. On y voit un tableau, non moins précis, non moins élégant que l'épure de M.Chéron, des sommes en capital que la France aura à rembourser d'ici 1988. La dernière annuité serait de 13.694.789 dollars et 64 centièmes de dollar. C'est de la dernière exactitude, une magnifique comptabilité. Pensez aux 64 derniers cents qui tomberont dans les caisses du Trésor américain, le jour où un petit Français né d'hier aura soixante-deux ans, s'il n'a pas été tué d'ici là à un autre Charleroi ou à un autre Verdun.
Nous n'avons pas dit le plus beau. C'est que les Etats-Unis vont reecvoir des obligations qui représenteront les sommes à verser à chacune des échéances. Soixante-deux papiers, frères jumeaux des bons A, B et C que détient encore la Commission des réparations, vont entrer dans les tiroirs de M. Mellon. On doit les fabriquer en ce moment-ci sur un indestructible vélin.
Ce n'est pas tout. Les dites obligations seront payables au gouvernement des Etats-Unis ou à son ordre. Elles pourront être échangées contre des obligations négociables. Cependant jamais les banquiers américains, quoi qu'eussent annoncé nos ministres, n'ont eu la naïveté de prendre les bons Allemands même avec le plus gros escompte. Où les Etats-Unis d'Amérique comptent-ils négocier les bon Français ? Il ne reste plus, pour les négocier, que les Etats-Unis de la Lune.
On prenait jusqu'ici les gens d'affaire de Washington pour des hommes d'affaire sérieux. S'ils le sont, ou bien ils nous appliqueront le système de la Rhur, ou bien ils traduiront le gage territorial en gage économique et nous imposeront un plan Dawes. Cela même ne peut pas durer. Aucun peuple n'aliène son indépendance pour trois générations. La rançon du roi Jean, la rançon de Poitiers, la rançon pour laquelle les femmes de France avaient filé n'a même pas été exigée tout entière par les Anglais. Et la rançon de la Marne ? M. Mellon et M. Coolidge ont du céder à la démagogie électorale. A moins que nous ne nous trompions beaucoup sur leur intelligence, ils ne doivent pas donner cher aux papiers qu'ils ont fini par nous arracher."