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Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville.

L'affaire Stavisky et le 6 février....

L'affaire Stavisky et le 6 février....

De "La Troisième République", Chapitre XIV et dernier, La voie déclive, pages 312/313 :

"...Le Cartel revenait au pouvoir mais tous ses chefs n'avaient pas oublié la leçon de 1926 et la panique de l'argent. Edouard Herriot était donc résolu à garder une attitude circonspecte. Il ne tarda pas à être débordé par ses propres troupes et par les jeunes radicaux d'action impatients d'arriver au pouvoir.
Ce qui les pressait c'était sans doute le besoin de tenir cachés ces scandales et ces affaires de corruption qui jadis renaissaient de période en période et maintenant, par les facilités du crédit et de la richesse fictive, par les besoins d'argent et de luxe, par la décomposition des moeurs, redoublaient de fréquence. Comment surgit le plus retentissant de ces scandales, quels efforts furent faits pour l'étouffer, quel trouble puis quelle indignation saisirent le public, c'est ce qui restera probablement attaché au nom de Stavisky, plus infamant que celui de Panama parce que l'escroquerie pure et simple dégradait tout ce qui s'y trouvait associé. Un ministre suspect de protéger les hommes politiques vénaux avait été renversé par les clameurs de la rue. Celui qui lui succéda et qui entreprit la même tâche conçut le projet téméraire de résister par la force aux exigences de la probité. C'est ainsi qu'on s'achemina vers une nuit sanglante.
Jamais, jusque là, la République n'avait commis de faute vraiment capitale. Jamais elle ne s'était obstinée à conserver un gouvernement détesté. Jamais, surtout, elle ne s'était trouvée entre les mains de dirigeants aussi peu habiles. Charles X avait péri pour avoir gardé trop longtemps Polignac. Louis-Philippe pour avoir renvoyé trop tard Guizot. Le 6 février 1934, par la faute d'une sorte de junte qui refusait de quitter le pouvoir, la République courut un péril qu'elle n'avait jamais connu. Elle provoquait elle-même l'insurerction en faisant tirer sur la foule, et l'appel historique surgissait du pavé rougi : "Aux armes, on égorge nos frères !" Pendant quelques heures il sembla que, de toutes façons, le sort du régime dût se jouer. Le lendemain, les opposants exaspérés et résolus à reprendre la lutte eussent peut-être été mitraillés bien que tout fût trouble et plus d'un régiment incertain. Mais les jeunes radicaux qui méditaient de soumettre Paris n'eussent vaincus que pour accomplir un coup d'Etat et instaurer leur dictaure contre la légalité..."