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Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (236)

 

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 (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

Aujourd'hui : Léon Daudet vu par : Bernard Pivot...

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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

La chronique "Livres" de Bernard Pivot : à propos des "Souvenirs littéraires", de Léon Daudet, préface de Kléber Haedens, (Grasset, Les Cahiers rouges), dans "Le Journal du Dimanche", samedi 31 octobre 2009 : "Léon Daudet, Goncourt réac et audacieux."



"Antirépublicain, antidémocrate, antidreyfusard, antisémite, Léon Daudet n’est plus aujourd’hui qu’une antiquité.
Mais pas une antiquaille, mot dédaigneux que lui auraient valu ses déplorables idées s’il ne devait à son style d’être sauvé de l’oubli. La réédition d’un choix de ses souvenirs confirme un sentiment ancien qu’il fut un empoignant mémorialiste et surtout un grand portraitiste.
Proust comparait Léon Daudet à Saint-Simon.
Ses pages sur un Maupassant naïvement mondain, taciturne et moqué de ses confrères, sont somme toute plus avenantes que celles sur Zola, qu’il déteste franchement et qu’il montre odieux aux obsèques de Victor Hugo.
Il profite de l’occasion pour rappeler le mot de celui-ci sur l’auteur des Rougon-Macquart : "Tant qu’il n’aura pas dépeint complètement un pot de chambre plein, il n’aura rien fait." Léon Daudet est à la fois reporter et échotier, peintre et caricaturiste.
À cette époque, les écrivains, amis ou pas, se rencontraient dans des salons, des dîners, au théâtre.
Alphonse Daudet, le père de Léon, recevait beaucoup. Les mots, bons et méchants, fusaient. On en prenait note, on ne les oubliait pas. Léon Daudet aimait à provoquer, à riposter, à "distinguer ce qui sépare chez un homme sa réputation de sa vérité" (Kléber Haedens).
Cela lui a valu quatorze duels. Il en raconte quelques-uns avec sa forte santé coutumière et un humour sanguin.
S’il est caustique envers Leconte de Lisle et d’autres écrivains de moindre importance, il peut aussi, et avec le même talent qu’il emploie à ridiculiser, tresser des couronnes.
Pour Barbey d’Aurevilly et Georges Courteline, par exemple. Les portraits de ses confrères de l’académie Goncourt – Léon Daudet fut de fondation et je suis le lointain héritier de son couvert - sont tous taillés dans une étoffe chaleureuse.
Parfois, il nuance, il lâche un trait, mais ce sont des amis, et l’on voit bien à lire cet homme si vite porté à la satire, que l’académie Goncourt s’est constituée sur une cordiale estime, voire la camaraderie. "Car je compte pour rien, écrit Daudet, les bouderies passagères, tenant à l’attribution du prix, contrairement au désir, ou à l’avis, de celui-ci ou de celui-là. Elles prouvent simplement que le boudeur prend ses fonctions au sérieux et tient à son idée. Personnellement, je suis beau joueur, et si mon candidat est battu, j’en prends mon parti en cinq sec. S’il fallait se faire de la bile avec les scrutins, littéraires ou politiques, on n’en finirait plus !"
Déjà, les critiques pleuvaient sur les dix académiciens et leur prix. Léon Daudet répond point par point aux détracteurs. Et, à la fin, curieusement, il écrit que les Goncourt ont pris le parti de rire de toutes ces querelles et "de n’y jamais répondre".
Léon Daudet considère que les choix des Goncourt sont beaucoup plus hardis que ceux de l’Académie française, tenue par une certaine convention. "Il ne nous arrivera jamais d’élire parmi nous ou de couronner un Jean Aicard. Nous ferons d’autres sottises; pas celles-là. Nos travers sont ceux des hommes de lettres. Les travers des Quarante sont plutôt ceux des gens du monde."
Non, les Goncourt n’ont pas toujours évité "la littérature empaillée". Mais il est incontestable que Léon Daudet s’est révélé audacieux dans ses choix et dans ses votes.
C’est lui qui a été le grand artisan de l’attribution du prix Goncourt, en 1919, à Marcel Proust. Un juif, pourtant ! (Sur la fin de sa vie, il prendra quelque distance avec son antisémitisme.)
Il batailla en vain pour Apollinaire et Céline. Il se fit le laudateur de Paul Morand, de Jean Giraudoux, de Valery Larbaud.
Il tenait Picasso pour le plus grand peintre vivant.
À la première de Pelléas et Mélisande, de Debussy, il était de ceux qui applaudirent avec fracas à la nouveauté de l’œuvre.
Bref, Léon Daudet (1867-1942), le tonitruant défenseur du trône et de l’autel, l’animateur-bretteur maurrassien de l’Action française, la grande gueule réactionnaire, dès qu’il s’agissait d’art et de littérature, optait avec enthousiasme et compétence pour l’audace et la modernité. Comment expliquer ce mystère ?"

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