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Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (109)

 

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 (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

Aujourd'hui : Retour (avec Bainville, I) : sur Delcassé...

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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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De "La Troisième République", Chapitre X, Waldeck, Combes, Delcassé; et Chapitre XI, Le frein avant la catastrophe.....

Avec ces passages où Bainville décrit la personne et l'action de Théophile Delcassé, on est au coeur de la problématique du "Kiel et Tanger" de Charles Maurras, paru en 1905.
Du reste, à l'Action française, Bainville, Daudet, Maurras... tenaient le renvoi de Delcassé (qui démissionna le 6 juin 1905, le gouvernement français préférant céder devant les menaces du Kaiser...) pour une erreur majeure, et l'une des causes principales de la guerre. Dans "Kiel et Tanger", justement, Maurras écrit :

"....La cause de la guerre c'est, il ne faut pas s'y méprendre, le renvoi de M. Delcassé. Ce jour-là, l'Allemagne a cru qu'elle pouvait tout se permettre à notre égard; et cette conviction a dominé les dix années de politique pangermaniste, a déterminé la transformation de la mentalité de Guillaume II, l'explosion chauvine des élections au Reichstag etc...etc...
La guerre et tous ses ravages sont issus des premiers jours d'avril 1905..."

Voici (deux dans ce document et deux dans le suivant) les quatre passages dans lesquels Bainville traite en propre de Théophile Delcassé (pour les deux premiers), et le resitue dans le contexte global de la problématique du "Kiel et Tanger" pour les deux derniers) :

1. Chapitre X, Waldeck, Combes, Delcassé :

pages 251/252/253 :


"...Très conformiste en ce qui regardait Dreyfus et le pape, ne se mêlant pas plus de ce que faisaient ses collègues qu'ils n'étaient curieux de ce qu'il faisait, Théophile Delcassé, isolé dans son bureau du Quai d'Orsay, travaillait pour la France éternelle.
Son idée était simple et c'est pourquoi elle était forte.
Dans la conviction que l'Allemagne préparait la guerre, il voulait des alliés, beaucoup d'alliés, tous les alliés possibles.
Alors, à l'issue de cette guerre immanquable, l'Alsace-Lorraine redeviendrait française.
Aussi secret qu'obstiné, Delcassé était un radical de la génération qui n'avait pas renoncé aux provinces perdues.
C'est pourquoi l'on a dit des ministères Waldeck et Combes que leur politique était celle de Dreyfus à l'intérieur et celle de Déroulède à l'extérieur.
Un jour qu'on demandait à Delcassé comment il avait concilié ces contraires, il répondit devant nous :
"Je restais pour qu'on ne fît pas aux Affaires étrangères ce qu'André faisait à la guerre et Pelletan à la marine."
On compte en France trente mille familles militaires qui continuaient de donner des officiers à l'armée. Une longue tradition du service de l'État maintenait dans les administrations un personnel d'élite.
Par là les ravages de la démocratie n'étaient pas seulement contenus. Tout ce qui tendait à faire oeuvre nationale trouvait des dévouements, des caractères et des intelligences.
Il y eut une école de grands ambassadeurs, Paul et Jules Cambon, Camille Barrère, Paul Revoil, d'autres encore, pour entrer dans les idées de Delcassé et pour apporter leur concours à cet homme opiniâtre.
C'est ainsi que les années d'un abaissement ignominieux à l'intérieur furent celles où la France acquit des alliances et un empire.
L'Italie détachée de la Triplice, cent cinquante ans de rivalité coloniale effacés avec l'Angleterre, la pensée d'Edouard VII aussitôt saisie et l'entente naissant du danger allemand, enfin le protectorat du Maroc achevant le dessein de l'Afrique française, tels furent les résultats imprévus de l'indépendance que Waldeck-Rousseau et Combes avaient laissé à Delcassé..."

pages 254/255/256 :


"...Les alliances auxquelles pourvoyait Delcassé avaient pareillement l'effet de donner de hautes satisfactions au patriotisme.
Elles étaient destinées à devenir pour la République un sujet de fierté avant d'être un instrument de salut.
Ce ne fut pas sans un drame où, avec Delcassé lui-même, elles faillirent sombrer.
L'année 1905 était critique. La Russie, entrée en guerre avec le Japon, subissait des défaites qui n'atteignaient pas seulement le prestige du colosse mais qui en révélaient la faiblesse.
À la suite de ces désastres, la révolution menaçait le régime impérial. La valeur politique et militaire de l'alliance en était gravement amoindrie.
Avant que la Russie eût retrouvée ses forces, l'Allemagne était tentée d'en finir et de rompre le cercle que formait l'entente de la France avec l'Angleterre et l'Italie. D'autre part, en disposant du Maroc dans leur accord, le gouvernement français et le gouvernement britannique avaient fourni un grief à la politique allemande.
Le 31 mars 1905, Guillaume II, à l'instigation de son chancelier, débarquait à Tanger et revendiquait les droits de l'Allemagne. La guerre menaçait à un moment où l'ennemi avait des raisons de croire la France démoralisée et le fruit mûr.
Tenace, intrépide, confiant dans la parole d'Edouard VII, Delcassé restait ferme tandis que ses collègues prenaient l'alarme et s'apprêtaient à le sacrifier.
Des émissaires allemands se répandaient à Paris et venaient dire que le maintien de Delcassé mettait la paix en péril. À la Chambre, au Sénat, le ministre qui passait maintenant pour un fauteur de guerre était accueilli avec hostilité. Délaissé, trahi par Rouvier lui-même, plusieurs fois sur le point de se démettre, il se raidissait.
Le 6 juin, après une démarche comminatoire de l'ambassadeur allemand, Rouvier, dans un conseil pathétique, accusa avec emportement l'auteur de cette alliance avec l'Angleterre qui, disait-il, était pour l'Allemagne une provocation et un défi.
Il lui adressa en outre le singulier reproche d'avoir "débauché l'Italie".
Le plan que Delcassé avait suivi dans la solitude était condamné, les alliances reniées. Aucun des ministres ne prit la parole. Le président Loubet resta silencieux. Personne ne défendit le solitaire champion de la patrie, sans passé, sans traditions, venu de l'Ariège lointaine, arrivé à la députation et au pouvoir par d'obscures besognes dans les journaux radicaux.
Chez lui vivait le sens national et il avait fait de la grande politique dans des temps petits.
Il fut renvoyé avec des injures. Un ministre français était remercié sur l'ordre d'une puissance étrangère.
C'est ce qu'un jeune journaliste qui s'appelait André Tardieu qualifia "d'humiliation sans précédent". Le mot porta. On eut honte. Par le sentiment qu'il commençait de créer, le sacrifice de Delcassé n'était pas vain. Et si l'on devait descendre d'autres degrés, du moins ne s'abaissa-t-on plus jamais jusque-là.
Quatre jours plus tard, une réplique était donnée à cette scène. Rouvier avait pris l'intérim des Affaires étrangères. Il recevait de nouveau la visite de l'ambassadeur allemand qui le sommait de soumettre les droits de la France sur le Maroc à une conférence générale.
Ainsi le désaveu de Delcassé et le refus de recourir à l'alliance de l'Angleterre ne servaient qu'à rendre l'Allemagne plus exigeante. Au témoignage de M. Paléologue, alors directeur au Quai d'Orsay, Rouvier, de cette révélation, resta "foudroyé"..."

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