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Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (103)

 

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 (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

Aujourd'hui : Conversations : avec Maurras, au siège de l'AF...

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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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De "Maurras et notre temps", par Henri Massis, Tome II, pages 32/33/34 :

"...Il m'arriva, certain soir, de noter telle de mes rencontres avec Maurras, avec Daudet, rencontres dont je crois pouvoir dire qu'on n'en ferait plus aujourd'hui de pareilles à Paris...
Pourquoi celle-ci, quand il y en eut cent autres de semblables ?
Ce n'est point, au reste, l'une des plus "notables", mais peut-être montrera-t-elle assez bien le libre mouvement des propos quotidiens qu'échangeaient avec leurs amis ces deux hommes si dissemblables qui, à travers leur amour de l'art, de la littérature et de la France, se rejoignaient dans une chaude, merveilleuse amitié...
Je transcris ces pages sans y rien changer...

"Je retrouve Maurras dans le bureau de Lucien Moreau.
Appuyé contre la bibliothèque, Maurras dépouille son courrier et met à part les enveloppes qui contiennent les réponses à son appel d'argent...
Léon entre, comme on dit du soleil qu'il entre dans une pièce : tout en est soudain transfiguré, animé... C'en est fini des paperasses et des comptes... Comment le nom de Courbet a-t-il été prononcé ? Ma foi ! je n'en sais rien... Mais il a suffi qu'on parlât du peintre des "Femmes damnées" pour déchaîner l'enthousiasme de Daudet.
- Courbet, dit-il, est le maître de la forme, de la forme féminine surtout, où il est l'égal d'un Titien ! Manet, lui, est le maître de la couleur... Voilà nos deux grands peintres ! Nul, comme Courbet, n'a senti, n'a fait sentir le frémissement de la chair de la femme... C'est splendide !...
Maurras, l'épaule rejetée en arrière, l'écoute, la lèvre gourmande, l'oeil brillant, s'exalter des visions voluptueuses de Courbet :
- Il est étrange, reprend Léon, que les peintres, les sculpteurs n'aient pas été plus souvent attirés par ces tressaillements, ces frissonnements de la chair énamourée... Il y a chez Courbet des corps admirables, magnifiques...
- "La Femme au perroquet", fait Maurras qui ajoute : je préfère ce Courbet-là à celui de "L'enterrement au Cimetière d'Ornans" qui me fait irrésistiblement songer à Flaubert.
- Oui, dit Daudet, c'est "L'enterrement au Cimetière d'Yonville" !
Là-dessus, on passe à Rodin.
- Je l'admire, dit Maurras, et je crois que ce faune était très intelligent ! Les propos rapportés par Gsell le prouvent, et là où il parle de ce que je connais, de Dante par exemple, il a des vues remarquables.
Mais sa sculpture, qui a des parties si belles, me laisse sur je ne sais quelle insatisfaction... Elle ne me donne qu'un plaisir incomplet : il n'y a que des morceaux ! Jamais Rodin ne communique cette impression d'étreindre, d'embrasser dans un large mouvement d'espace un ensemble de formes, ce qui est le propre de la sculpture, si supérieure en cela aux représentations du peintre. Dans sa "Porte de l'Enfer", où il y a des fragments admirables, l'oeuvre, elle, est manquée ! Voilà ce qui fait la supériorité de Carpeaux. Je ne passe jamais le Pont Royal sans un regard ravi sur son groupe du Pavillon de Flore ! Comment ce Carpeaux a-t-il pu être le contemporain de votre Courbet ? Carpeaux, c'est un artiste de notre XVIIIème !
- Oui, reprend Léon, il fait songer à Clodion".
Et sans doute telle statuette de Clodion qui représente une pariade humaine lui remet-elle en mémoire une scène "extraordinaire" dont lui, Daudet, avait été, dans l'atelier de Rodin, le témoin :
- Il faisait presque nuit... Sur le plateau, deux modèles, deux femmes nues aux corps emmêlés... Rodin nous les donne à contempler en tournant autour d'elles, les caressant de sa grande barbe de satyre, éclairant les mouvements et les formes... avec une bougie ! C'était prodigieux ! Quelle vision dans cette quasi-obscurité, au milieu des ébauches de glaise recouvertes de linges mouillés !..."
Et Daudet, à ce souvenir de sa jeunesse, de prendre Maurras à part pour lui conter je ne sais quelle histoire sur une élève de Rodin qui était devenue folle et à qui il avait fait un enfant...
- Quoi, vous ne saviez pas ça ?...
Mais Bainville vient d'entrer, en se frottant les mains : son article est fini..."

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