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À la découverte du fonds lafautearousseau (5) : Léon Daudet, "détaché de l'anti-sémitisme"...

lafautearousseau, c'est plus de 28.000 Notes ou articles (et autant de "commentaires" !), 22 Albums, 48 Grands Textes, 33 PDF, 16 Pages, 366 Éphémérides...

Il est naturel que nos nouveaux lecteurs, et même certains plus anciens, se perdent un peu dans cette masse de documents, comme dans une grande bibliothèque, et passent ainsi à côté de choses qui pourraient les intéresser...

Aussi avons-nous résolu de "sortir", assez régulièrement, tel ou tel de ces documents, afin d'inciter chacun à se plonger, sans modération, dans ce riche Fonds, sans cesse augmenté depuis la création de lafautearousseau, le 28 février 2007...

Aujourd'hui : Léon Daudet, "détaché de l'anti-sémitisme"...

(deux photos, tirées de notre Album Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet, 320 photos)

(retrouvez l'ensemble de ces "incitations" dans notre Catégorie :

Á la découverte du "Fonds lafautearousseau")

Première photo :

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Daudet "détaché de l'antisémitisme"

1. De Paris Vécu, 1ème Série, Rive droite, pages 27/28 (écrit en 1929 et 1930) :

"...En ce qui concerne l'antisémitisme, il y a belle lurette que je m'en suis détaché de toutes manières - j'ai eu comme ami un juif authentique, Marcel Schwob - et que le développement de mon être intérieur m'a plutôt porté à essayer de comprendre Israël, et la raison de ses coutumes et de leur persistance, qu'à le maudire.
Je ris quand j'apprends que des personnes me croient encore dans le même état moral vis-à-vis des fils de Sion qu'il y a trente ou vingt-cinq ans.
J'ai toujours admiré, et même chéri, les vers de ce très mauvais bougre d'Henri Heine.
Je crois avoir été l'un des tout premiers à célébrer le Chad Gadya d'Israël Zangwill..."

Surtout, Léon Daudet - comme Charles Maurras - pose le "problème" en terme "politique", et non en temre "racial" ou en terme "de peau", comme l'ont fait un Voltaire ou un Napoléon, comme le fera un Hitler, comme le font aujourd'hui, dans nos Cités et banlieues, ceux qui crient en plein jour "Mort aux juifs !", et dont on sait qu'ils votent à 93% pour le candidat du Parti socialiste :
"Dans toute cette affaire de décomposition et de l'enjuivement de l'État français, c'est la démocratie qui est coupable et non le juif. Cela Drumont n'a jamais voulu le comprendre..." écrit Daudet, juste après la citation précédente.
Daudet a la même conception que le Maurras qui écrit :
"L'antisémitisme est un mal si l'on entend par là cet antisémitisme de "peau" qui aboutit au pogrom et qui refuse de considérer dans le Juif une créature humaine pétrie de bien et de mal, dans laquelle le bien peut dominer. On ne me fera pas démordre d'une amitié naturelle pour les Juifs bien nés."

2. De Paris Vécu, 2ème Série, Rive gauche, page 22 :

"...Marcel Schwob avait une vaste culture, la sensibilité à fleur de peau et l'esprit de charité.
Il n'était pas de physique agréable, bien que l'éclair de son regard bleu fût unique.
Mais il était attachant, et c'est par son souvenir, autant que par certaines réflexions qui me sont venues plus tard, que je me suis détaché de l'antisémitisme et que le problème de la race errante s'est imposé à moi objectivement, sous une forme simplement scientifique.
Je n'ai pas connu d'idéaliste plus complet que Marcel Schwob, promis, dès cette époque, à des affres surhumaines et qu'il devait supporter héroïquement.
Georges Hugo s'était pris lui aussi d'amitié pour Schwob. Il l'invita d'abord à Hauteville House, dont il était, à Guernesey, copropriétaire avec sa soeur, puis à La Marcherie, où se trouvait, cette année-là, Camille Claudel, soeur de Paul Claudel, et sculpteur de génie..."

3. De "Au temps de Judas", pages 218/219 :

"...Les juifs eux-mêmes ont reconnu qu'il y avait une question juive, puisque leurs sionistes se sont flattés de la résoudre, par la reconstitution territoriale d'une Judée.
Nul homme sensé ne songe à persécuter Israël ("Au temps de Judas" est paru en 1920, ndlr), après une guerre où ses fils ont mêlé leur sang à celui de nos enfants. Mais nul israélite sensé ne niera que l'égorgement de "L'Union Générale" fut une faute grave (1), comme fut une autre faute grave la campagne anticléricale et antimilitariste de l'Affaire Dreyfus.
Pour empêcher le retour de pareilles fautes, des précautions peuvent et doivent être prises, d'un commun accord, entre les représentants les plus qualifiés du peuple juif et les dirigeants de l'État français.
La nationalisation de cet État français, en assurant la sécurité extérieure, détruira ainsi les germes de haine qui nuisent à la paix intérieure..."

(1) : "L’Union générale" était une banque catholique française, fondée en 1878 par Paul Eugène Bontoux.
Après avoir connu un grand essor et réalisé de grandes choses, elle fit faillite de manière retentissante en 1882.
Cette banque rencontra un grand succès dans les milieux catholiques et légitimistes, et obtint même l'appui du comte de Chambord. Le secrétaire du pape, le cardinal Jacobini, s'engagea également au capital de la banque.
L'effondrement de celle-ci fut liée à des spéculations hostiles - aux visées politico-économiques - venant de divers milieux, dont certains milieux bancaires juifs.
A partir de là, il fut facile à certains antisémites de généraliser leur critique et leur ressentiment envers quelques banquiers à l'ensemble de la communauté juive...

4. De "Au temps de Judas", page 17 :

"...Persécuter Israël serait impolitique et odieux. Lui tracer des limites de bienséance et d'action politique, dont il recueillerait bien vite le bénéfice moral, serait une bonne et même une très bonne chose.
Beaucoup d'israélites intelligents le reconnaissent volontiers et demandent à ne pas être confondus avec ceux qu'ils appellent, génériquement et méprisamment, les "levys", c'est-à-dire les éternels mécontents, les éternels agitateurs.
Beaucoup d'israélites, intelligents et prévoyants, commencent à sentir, eux aussi, le besoin de l'ordre, d'un ordre qui les mettrait, cordialement, mais fermement, à leur plan..."
Un François Mitterand - président de la République française... - ne parlait pas autrement lorsqu'il refusait de reconnaître la responsabilité de l'État français dans "la rafle du Vel d'Hiv", estimant qu'il s'agissait là "d'une demande excessive de cette communauté"...

 

Deuxième photo

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Daudet et l'antisémitisme : genèse d'un rejet...

Léon Daudet est né et a grandi dans un milieu où l'antisémitisme était prégnant, comme il l'était, à l'époque, dans tous les milieux de la société - de la droite à la gauche, aussi virulent, et parfois plus, "à gauche" qu' "à droite"...
A propos de Georges de Porto-Riche, qui lui avait ainsi dédicacé l'une de ses pièces : "A Léon Daudet, quand même..." il écrivait (dans "Devant la douleur", page 141) :
"Pourquoi quand même ? Parce que je n'aime pas Israël et que je le dis ? Mais si ses tarabiscotages d' "Amoureuse" et du "Vieil Homme" m'amusaient, je le dirais aussi, et sans me gêner..."
Or, après ce qu'il appelle "un travail sur moi-même", Léon Daudet, abandonna définitivement son antisémitisme originel, entre le début et la fin des années vingt.
Il est évidemment strictement impossible, à quiconque, d'expliquer par quels détours cette évolution s'est faite dans son esprit; comment, à la suite de quelle(s) rencontre(s), de quel(s) fait(s), de quelle(s) réflexion(s) ce "travail sur moi-même" a débouché sur le rejet pur et simple par Daudet de son antisémitisme premier...
Par contre, il n'est évidemment pas interdit, et il n'est sûrement pas inintéressant non plus, de méditer sur le "comment" et le "pourquoi", ni de tâcher d'essayer de discerner, de reconstituer, sinon toutes, au moins quelques unes des étapes "mentales" de ce retournement significatif, signe d'une liberté intellectuelle et d'une honnêteté personnelle certaines...

On est sûr, sans aucun risque de se tromper, de signaler quatre "moments" dans la vie de Léon Daudet qui ont forcément compté dans cette maturation de son "être intérieur"....

1. Très probablement, l'estime et l'admiration pour Marcel Proust ont été l'une des premières, voire des plus fortes, impressions qu'ait reçu Daudet.
On sait que, dès qu'il était question de Beauté, d'Art, qu'il s'agisse de littérature, de peinture, de sculpture etc..., Léon Daudet ne "faisait plus de politique", mais jugeait selon le seul talent des gens.
Ce en quoi il avait, évidemment, parfaitement raison : notre triste époque de conformisme mielleux, de vérité officielle et de "politiquement correct" ferait bien de prendre exemple sur lui...
Pour en revenir à Marcel Proust, on peut dire que Léon Daudet l'a découvert et a "lancé" sa carrière, non seulement par ses articles élogieux dans l'Action française, mais aussi, plus concrètement encore, en agissant très activement pour faire obtenir le Prix Goncourt au deuxième tome de la "Recherche", "A l'ombre des Jeunes filles en fleurs" (en compétition avec un autre excellent ouvrage, "Les croix de bois", de Dorgelès).
Proust, reconnaissant envers Léon Daudet, lui dédia "Le côté de Guermantes" :
"A Léon Daudet, à l'auteur du Voyage de Shakespeare, du Partage de l'Enfant, de l'Astre noir, de Fantômes et vivants, du Monde des Images, de tant de chefs-d'oeuvre, à l'incomparable ami, en témoignage de reconnaissance et d'admiration, Marcel Proust".

2. La "Grande guerre" joua aussi, certainement, son rôle, et important, dans l'évolution mentale de Daudet.
On le sait, cette calamité décima l'Action française, qui y perdit bon nombre de ses meilleurs et plus jeunes éléments; ceux qui étaient - du fait même de la simple jeunesse physique - les plus ardents, les plus actifs, les plus "révolutionnaires" au bon sens, au sens "normal" du terme.
Mais la guerre ne faisait pas de politique : c'est toute la jeunesse de France qu'elle a décimée, toutes opinions politiques, religieuses, philosophiques ou autres confondues.
Et ce sont toutes les communautés nationales qui ont payé leur lourd tribut lors de cette épouvantable et dramatique hécatombe.
Y compris la communauté juive. Comment Daudet n'aurait-il pas été touché par le message envoyé à Maurras par la caporal Pierre David, juste avant que celui-ci ne meure en héros, pour la France, comme ses autres frères d'armes, toutes opinions confondues et abolies ? :

Du Caporal Pierre David, 336ème Régiment d'Infanterie, décédé en 1918, à Charles Maurras :

"A l'heure où vous lirez ces lignes...., j'aurai définitivement acquis, en mêlant mon sang à celui des plus vieilles familles de France, la nationalité que je revendique... Grâce aux fortes méditations que votre pensée m'aura inspirée, la Patrie et la Famille seront devenues pour moi de puissantes réalités.... et une âpre joie se mêlera à mes dernières souffrances physiques et morales, en pensant que je les voue à la défense de la Patrie et à l'enrichissement du patrimoine moral de ma Famille.
C'est de cela que je voulais vous exprimer ma suprême reconnaissance."
Pierre David appartenait au même bataillon de chasseurs alpins que Marius Plateau, le chef des Camelots du Roi. En juin 1918, David écrivait à ce dernier :
"...Je dois à l’A.F. les récompenses militaires qui m’ont été accordées; échappé d’un milieu où le sentiment français est trop peu développé, elle seule a été mon soutien et mon guide. Je t’adresse donc le texte de mes deux citations en te priant d’en faire hommage de ma part à ceux qui ont mis de la lumière dans ma pensée et de la force dans mon cœur..."
Peu avant la fin de la guerre, dans L'Action française du 28 octobre 1918, Maurras consacra la quasi-totalité de sa chronique quotidienne à ce "héros juif d’Action française, Pierre David, écrivant : "...Cette page restera classique à l’Action française..." (elle sera lue et relue pour son admirable) "noblesse" et concluant son article ainsi : "La nationalité se crée par l’hérédité, par la naissance : le mot le dit. Elle peut s’acquérir par de bons services rendus..."

3. Plus tard, toujours lors de la Guerre, quand l'Action française soutint Clémenceau, Daudet découvrit la grande figure de Georges Mandel.
Comme Bainville, il apprécia son action, la soutint, respecta et aima sa forte personnalité.
On sait que Clémenceau, tout à la guerre, avait, de fait, délégué "l'intérieur" à Mandel, qui, du coup, sans aucun titre officiel, fut le vrai maître du pays, pour notre plus grand bien, et permettant la victoire finale...

4. Enfin, Daudet fit la connaissance de Marcel Schwob (voir le document précédent)...

On peut également ajouter que, dans les locaux de L'Action française, Léon Daudet et Jacques Bainville partageaient le même bureau et la même table de travail. Dans son allocution de remerciement lors de son élection à l'Académie française
(voir la photo "Vertu de l'amitié", dans notre "Album Jacques Bainville") Bainville a plaisamment évoqué cette "table en bois blanc", qui réapparaissait à chaque déménagement du mouvement, et sur laquelle, de nouveau, les deux amis se remettaient, derechef, au travail : durant un tel vis-à-vis de vingt-huit ans, avec un Bainville qui n'a jamais écrit la moindre ligne, le moindre mot "antisémite", on imagine bien que, si tous les sujets, de tous ordres possibles, furent évidemment évoqués, Bainville et Daudet parlèrent certainement, et plus d'une fois, d'antisémitisme...
L'influence paisible et sereine de Bainville, aux antipodes du caractère bouillant et volcanique de Daudet, a très certainement dû jouer un rôle dans ce que Daudet appelle "l'évolution de mon être intérieur"...

Lorsque l'on sait tout cela, et les liens très puissants que Daudet a tissé, et entretenu, avec les fortes personnalités de Proust, de Mandel, de Schwob, on a très probablement l'explication - au moins pour l'essentiel - du retournement complet de Léon Daudet sur ce sujet si sensible...

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