Joe Biden lâche du lest à Vladimir Poutine pour faire plaisir à Merkel, par Antoine de Lacoste.
Ceux qui reprochaient à Trump sa versatilité pourront faire le même compliment à Biden. Après avoir traité Poutine de « tueur » devant la télévision américaine (tout de même du jamais-vu), le nouveau président vient d’envoyer son secrétaire d’État Antony Blinken discuter avec Sergueï Lavrov, l’inamovible ministre des Affaires étrangères russe.
La rencontre a eu lieu à Reykjavik, le 19 mai, en marge du Conseil de l’Arctique, a duré deux heures et semble avoir été fructueuse. Ainsi, un sommet entre Joe Biden et Vladimir Poutine est en préparation et pourrait se tenir, mi-juin, quelque part en Europe. Les deux hommes en ont longuement parlé et semblent d’accord sur le principe même de ce sommet : « Nous sommes prêts à discuter de toutes les questions, sans exception, à condition que la discussion soit honnête, avec les faits sur la table et qu’elle se fonde sur un respect mutuel », a déclaré Lavrov.
Antony Blinken ne l’a pas démenti : « Si les dirigeants de la Russie et des États-Unis peuvent travailler en coopérant, le monde sera plus sûr. » Tout en ajoutant : « Si la Russie se comporte de manière agressive contre nous, nos partenaires ou nos alliés, nous répondrons. » Si les Américains n’assortissaient pas leurs discussions avec les Russes de menaces, ce ne seraient plus les Américains.
En signe d’apparente bonne volonté, les Américains ont fait une concession inattendue et ont, finalement, décidé de « ne pas sanctionner l’entreprise chargée de superviser le gazoduc Nord Stream 2 ». Quand on connaît la farouche opposition de l’Amérique à ce projet qui renforcerait la position dominante du gaz russe en Europe, cette décision peut paraître surprenante. Trump était obsédé par Nord Stream 2 et avait multiplié sanctions et menaces contre les entreprises européennes coupables d’y participer.
Les Européens, Français en tête, s’étaient couchés, sauf les Allemands. Toute la classe politique allemande avait protesté et rappelé sèchement que la politique énergétique européenne se décidait en Europe et non à Washington. Seuls les Verts, bien sûr, avaient approuvé les Américains.
Si Biden a ainsi lâché du lest, ce n’est en réalité pas pour donner un gage à Poutine avant la rencontre de juin, ni parce qu’il a pris acte du coût exorbitant du gaz américain par rapport au gaz russe. Le seul but est de renouer une relation apaisée avec l’Allemagne qui tient à ce projet pour des raisons purement économiques. Le pragmatisme allemand a parfois quelque chose de rassurant par rapport à la diplomatie du sentiment, si à la mode en France et si néfaste à nos intérêts.
C’est dire si la réconciliation avec l’Allemagne est importante pour les États-Unis. Permettre la fin du chantier de Nord Stream 2, sauf retournement, est une concession majeure.
Mais en réalité, d’autres enjeux apparaissent vite derrière ces décisions : la relation de l’Europe avec la Chine, et le nouveau terrain de jeu de l’Arctique où Russes et Américains vont devoir discuter ferme. Nous aurons l’occasion d’y revenir.