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Adieu 2020? L’année où le virus tua la démocratie… ( II ), par Christian Vanneste.

H.L. Mencken pensait avec cynisme que le but de la politique est de maintenir un peuple dans l’inquiétude, afin d’asseoir la légitimité du pouvoir sur le besoin de sécurité. Le moyen machiavélique d’entretenir l’angoisse si salutaire pour le gouvernement est de menacer sans cesse le peuple d’ennemis monstrueux et imaginaires. 

christian vanneste.jpgDans son roman, 1984, Orwell avait imaginé une dictature implacable qui s’appuyait entre autres sur l’existence d’une guerre avec des puissances rivales et sur la haine suscitée par un traître, un ennemi public. Il n’était pas difficile de reconnaître l’URSS dans ce pays imaginaire, ni Trotsky dans la menace intérieure. Il faut nuancer ces intuitions assez justes sur le rapport entre la politique et la peur.

Si la peur et la sécurité sont parmi les fondements psychologiques de la légitimité d’un pouvoir, c’est-à-dire de l’adhésion passionnelle d’un peuple à ceux qui le dirigent, ce principe est d’autant plus vrai que l’on s’éloigne de la démocratie. Cette dernière a pour idéal un régime où règne un droit voulu par des hommes raisonnables. Son instauration conduit un pays à vouloir la paix, et selon Kant, la “Paix perpétuelle” coïnciderait avec la démocratie universelle. Certes on pourrait croire que cet idéal est réalisé en Suisse, mais qu’il ne s’est guère exporté. On pourrait même soupçonner sa permanence depuis la guerre civile de 1847 d’être liée aux intérêts que des Etats moins démocratiques et moins pacifiques trouvent dans la neutralité suisse. Il reste donc à dresser la gamme des Etats, depuis les démocraties tellement attachées à la paix qu’elles minimisent des menaces grandissantes, jusqu’aux totalitarismes dont la guerre contre l’ennemi est l’argument déterminant. Münich a été la confrontation extrême de ces modèles avec les conséquences que l’on sait. Depuis, les démocraties, ou les régimes qui prétendent l’être, ont un rapport à la peur et à la guerre plus trouble.

D’une part, elles ont tendance à faire la guerre à reculons, de mauvais gré, et toujours en réaction défensive à une attaque. D’autre part, elles trouvent dans l’existence de cette menace, un appui à la cohésion nationale et une inhibition spontanée aux dissensions que le débat démocratique introduit dans la société. Les Etats-Unis ont été timorés contre le communisme lors de la guerre civile chinoise et ils n’ont pas combattu en Corée pour écraser définitivement la Corée du Nord. Mac Arthur, le stratège du redressement militaire allié lors de ce conflit, et limogé par la suite, avait condamné la politique américaine : ” C’est une erreur fatale d’entrer en guerre sans la volonté de gagner.” Par la suite, le communisme est devenu un ennemi dangereux, certes, mais bien pratique pour consolider la nation. L’effondrement du bloc soviétique a rendu les Américains orphelins de cet adversaire idéal. Il a eu deux successeurs qui ont fait apparaître au grand jour ce que la politique américaine pouvait recéler de machiavélisme : le premier est l’islamisme à l’essor duquel, par leurs alliances et leur intervention en Afghanistan pour soutenir les rebelles, les Etats-Unis n’étaient pas étrangers. Le second est la Russie, héritière amputée de l’URSS, et délivrée de l’idéologie incompatible avec celle du monde “libre”. La guerre menée par Washington contre le terrorisme après le 11/9/2001, n’a pas affronté l’islamisme. L’Arabie saoudite, le pays idéologiquement le plus éloigné, est resté le grand allié, les Frères musulmans ont été soutenus sous Obama. En revanche, les dictatures militaires et nationalistes d’une part, l’Iran chiite, d’autre part, sont devenus les cibles privilégiées malgré leur absence de lien avec le terrorisme islamiste.

Le problème qui se pose aux démocraties occidentales qui ont compris qu’aucune politique ne peut se passer d’ennemis, comme le suggérait le sulfureux Carl Schmitt, comporte trois éléments : d’abord, en raison de la composition de plus en plus diverse de leur population et du refus de toute discrimination érigé en dogme, l’ennemi ne doit pas ni sembler proche d’une communauté intérieure, ni apparaître comme contraire aux postulats du politiquement correct ; ensuite, l’individualisme a fait de la vie des vivants, une fois nés, une valeur sacrée, et “Zéro mort” est devenu le principe des guerres à coups de drones et avec le moins possible de combattants sur le terrain, professionnels au demeurant ; enfin, en raison de l’idéal démocratique d’une paix universelle, il est préférable que l’ennemi soit celui du genre humain plutôt que d’une nation ou d’une civilisation en particulier. Hitler était de ce point de vue un personnage paradigmatique souvent imité par la propagande démocratique mais jamais égalé, le monstre absolu. Dans des pays qui mènent des guerres, comme les Etats-Unis ou la France, on voit bien qu’il y a un équilibre recherché entre l’existence de l’ennemi pour renforcer la cohésion nationale et le risque qu’une surévaluation de la menace ne ruine le fonctionnement de la démocratie.

En raison de leur poids mondial, les Etats-Unis ne manqueront jamais d’ennemis plus ou moins réels. Ce n’était pas innocent de la part de Trump d’évoquer le virus “chinois”. Pour la France, c’est plus compliqué. La lutte contre l’islamisme met mal à l’aise un gouvernement qui se veut “multiculturel”. Des soldats français meurent au Sahel dans une guerre sans fin, comme d’autres sont morts en Afghanistan dans une guerre qui n’est pas finie, et pendant ce temps, Maliens et Afghans continuent à se réfugier en France, non sans poser des problèmes. De plus ceux qui sont les plus opposés à leur présence sont considérés comme l’ennemi de l’intérieur qu’il faut empêcher à tout prix d’accéder au pouvoir. On voit par là que le mot de “guerre” n’a pas été employé par hasard par Macron pour désigner l’épidémie du Covid 19. ( à suivre )

Source : https://www.christianvanneste.fr/

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