L'aventure France en feuilleton : Aujourd'hui (194), Aux marges du Palais... (I) : Rive gauche du Rhin.
De Chateaubriand :
"...Mais si l'Angleterre n'a aucun moyen direct de nous être utile, ne saurait-elle du moins agir sur le cabinet de Vienne, engager l'Autriche, en compensation des sacrifices que nous ferions pour elle, à nous laisser reprendre les anciens départements situés sur la rive gauche du Rhin ?
Non : L'Autriche et l'Angleterre s'opposeront toujours à une pareille concession; la Russie seule peut nous la faire...
Et nous, qu'avons-nous gagné dans tous ces partages ?
Nous avons été dépouillés de nos colonies; notre vieux sol même n'a pas été respecté. Landau détaché de la France, Huningue rasé, laissent une brèche de plus de cinquante lieues dans nos frontières...
Nous, nous voulons avoir la ligne du Rhin, depuis Strasbourg jusqu'à Cologne..." (Mémoires d'Outre-Tombe, Tome II, pages 270 à 274).
"Nous voulons..." disait Chateaubriand aux lendemains de cette terrible défaite infligée à la France par la folle déclaration de guerre révolutionnaire à l'Autriche, en 1792.
Mais ce "vouloir" était-il réaliste, conforme aux réalités, aux possibilités ? La "réunion" de "la rive gauche du Rhin" était-elle faisable" ?
On vient de voir que, depuis Louis XIV, se manifestait un peu partout, dans les régions rhénanes, "ce mouvement vers l'Est, cette action d'influence et d'assimilation qui est la raison d'être et comme la loi de toute l'histoire de France."...
De plus - Bainville l'affirme dans le Tome I de son Journal (Note du 18 août 1906 (pages 40/41) :
"...C'est un fait acquis - Charles X fut renversé au moment où il allait donner à la France la rive gauche du Rhin..."
Mais, même après cet épisode, qui se situe en 1830, tout fut possible en 1918, presque quatre-vingt-dix ans plus tard, après la victoire sur les Allemands, en 1918 : une occasion unique, soit de rattacher directement les régions rhénanes (ce qui pouvait paraître difficile) soit, plus habilement, de ménager l'avenir, en séparant ces régions de la Prusse, en les rendant véritablement autonomes, ce qui ménageait bien des possibilités pour "plus tard" : l'indépendance, la réunion à la France...
Cette réelle opportunité fut gâché et perdue par une République, inconsciente des intérêts profonds et permanents de la Nation française...
1.500.000 jeunes français étaient morts, et la France ne faisait "que" récupérer l'Alsace-Lorraine, même pas ses limites de 1815 (Landau et la rivière Queich; les villes de la Sarre...).
Pire encore, comme l'explique Bainville dans son Chapitre sept (et dernier) de l'Histoire de deux peuples, chapitre intitulé Le réveil de la Walkyrie, elle laissait intacte la puissance allemande, alors que la France sortait ravagée du conflit :
"...Une Allemagne diminuée d'environ 100.000 kilomètres carrés mais qui, sur ce territoire réduit, réunissait encore 60 millions d'habitants, un tiers de plus que la France, subsistait au centre de l'Europe. L'oeuvre de Bismarck et des Hohenzollern était respectée dans ce qu'elle avait d'essentiel. L'unité allemande n'était pas seulement maintenue mais renforcée.
Les alliés avaient affirmé leur volonté de ne pas intervenir dans les affaires intérieures allemandes. Ils y étaient intervenus pourtant. Les mesures qu'ils avaient prises, la voie qu'ils avaient montrée, celle de la République unitaire, avaient eu pour effet de centraliser l'État fédéral allemand et d'affermir les anciennes annexions de la Prusse dans le Reich lui-même. S'il y avait, parmi les populations allemandes, des aspirations à l'autonomie, elles étaient étouffées. Le traité enfermait, entre des frontières rétrécies, 60 millions d'hommes unis en un seul corps.
Telle fut l'Allemagne au nom de laquelle deux ministres de la nouvelle République vinrent signer à Versailles, le 28 juin 1919..."
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