L'aventure France en feuilleton : Aujourd'hui (180), L'exemple de la Picardie...
Le picard est une des 75 langues de France reconnues par le rapport de Bernard CERQUIGLINI, Les langues de la France, remis au Premier ministre en 1999.
En Belgique, le picard est reconnu officiellement comme langue régionale endogène par un décret de la Communauté française de 1990.
Le picard se pratique en Picardie mais aussi en Artois et en Flandre, dans le Nord-Pas de Calais (sauf une bonne partie de l’arrondissement de Dunkerque ou la langue régionale historique est le flamand occidental) et en Belgique dans l’ouest de la Province de Hainaut.
Le picard, de manière traditionnelle, se parle ou s’est pratiqué du sud de Bruxelles au nord de Paris.
Dans le Nord-Pas de Calais, la langue picarde est souvent appelée improprement "chtimi", ou "chti".
Le picard, qui occupe un vaste territoire de près de six millions d’habitants, varie selon les zones où il est parlé. Néanmoins, la majorité des différences portent sur la prononciation et les traits communs l’emportent largement sur les différences.
Le picard et le français partagent des origines communes, au sein d’un groupe de langues apparentées, généralement dénommées "langues d’oïl", parlées dans la France du Nord (par opposition aux "langues d'oc" du Midi de la France : ces langues ont évolué à partir du latin populaire amené par les légions romaines et adopté par les habitants de la Gaule, puis, à partir du Vème siècle, sous l’influence des parlers germaniques des envahisseurs francs.
Le chanteur belge Julos Beaucarne disait que "le wallon est du latin venu à pied du fond des âges". On pourrait en dire autant du picard… et aussi du français !
Peut-être, le picard débute-t-il dans la manière particulière dont "nos ancêtres les Belges" (les Gaulois du Nord) prononçaient le latin des occupants; sans doute aussi a-t-il subi une influence plus forte des parlers germaniques (au Nord de la Somme, les Francs sont arrivés plus tôt et en plus grand nombre que vers le Sud, là où on parle "français" et d’autres langues d’oïl).
Les échanges avec le flamand, tout proche, sont encore sensibles dans le vocabulaire et la syntaxe du picard, bien qu’il ne faille pas exagérer outre mesure leur influence.
L’un des tout premiers textes en "langue vulgaire" du Nord de la France, la Séquence de Sainte Eulalie, écrit à la fin du IXème siècle dans la région de Saint-Amand, comporte déjà des traces de picard : on y trouve des mots comme "coze" (chose), "diaule" (diable), encore utilisés de nos jours : l’histoire de la littérature picarde a donc commencé il y a onze siècles !
Elle fleurit ensuite entre les XIIème et XIVème siècles : au Moyen-Age, des écrivains comme les Arrageois Adam de la Halle et Jean Bodel, ou en Picardie, Jacques d’Amiens ou Robert de Clari, écrivent en picard.
Plus exactement, ils utilisent une écriture hybride franco-picarde, mélange d’ "ancien français" (standard interrégional alors en cours d’élaboration) et de dialectalismes régionaux.
Il en est ainsi dans toutes les régions du Nord de la France, mais l'écriture picarde jouit au moyen-âge d’une popularité qui dépasse les limites de son domaine linguistique, ce qui permet à des linguistes comme Henriette Walter de parler d’une "exception picarde" : c’était la grande langue de littérature du Nord de la France, comme le Provençal était celle du Sud (Saint Louis, époux de Marguerite de Provence, ne disait-il pas : "lèngo d'o, lèngo d'or" ?).
Dans le même temps, les textes juridiques de l’époque (en particulier les Chartes) font un usage abondant de cette écriture picarde.
Néanmoins, le picard n’apparaît plus guère dans les textes après le 15ème siècle, après s’être quasiment dilué dans le français standard; il perd alors son statut de langue de littérature.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il disparaît de l’écrit : mais les œuvres qui sont composées en picard à partir du XVIIème siècle le sont dans un but de transgression, pour marquer la complicité avec le lecteur, et surtout pour faire rire. Il y a eu une rupture, on est entré dans une nouvelle période, celle de la littérature "patoisante", telle qu’elle perdure encore de nos jours.
Du coup, ce qu’il perd en tant que "langue de littérature", le picard le gagne en authenticité et en "pureté" : désormais, on écrit en picard pour ne pas écrire en français (alors qu’au moyen-âge on écrivait en picard en croyant écrire en français…), on "en rajoute", en quelque sorte, sur les différences avec la langue nationale, et c’est ainsi que se constitue véritablement le picard moderne...
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lafautearousseau
Commentaires
Excellent article que diffusé sur le réseau du CLAR et en "Wallonie picarde"
Michel Corcelles