Projet de loi bioéthique : la « vive préoccupation » des évêques de France, par Jean-Marie Dumont.
Source : https://www.famillechretienne.fr/
Partout en France, les évêques de France lancent l’alerte alors que le gouvernement entend faire adopter en quelques jours par l’Assemblée d’ici fin juillet le projet de loi de bioéthique.
Rarement les évêques de France auront été aussi unis pour dire « non ! » De la Bretagne à l’Alsace, de Lille à Toulouse, de Grenoble à Brest, les responsables de l’Église catholique en France expriment haut et fort leur opposition au projet de loi de bioéthique que le gouvernement entend faire adopter en deuxième lecture par l’Assemblée nationale en plein cœur de l’été et ce avec des restrictions drastiques apportées à la liberté de parole (25 heures de temps programmé).
« Projet injuste, inégalitaire et dangereux », « loi injuste et violente », « monstruosité » du projet d’autoriser les chimères homme-animal, « conséquences mortifères », « principes mensongers »… les prélats ne mâchent pas leurs mots pour dénoncer le mal et alerter les Français. Venant des autorités de l’Église de France toujours soucieuses du dialogue, c’est le signe que l’heure est vraiment très grave. « Au nom de ma responsabilité confiée par le Christ, au nom de ma conscience d’homme, je ne pouvais pas me taire devant tel un projet de société », déclare ainsi Mgr Thierry Brac de la Perrière, évêque de Nevers, dans un texte à la tonalité particulièrement dramatique.
Des questions majeures « camouflées » fin juillet
Le premier point qui scandalise les évêques concerne le calendrier d’examen de la loi. Inscrit de manière impromptue à l’ordre du jour d’une session extraordinaire qui s’est ouverte le 1er juillet, celui-ci est prévu du 27 au 31 juillet. Ces dates sont probablement les moins aptes de toute l’année à permettre une discussion approfondie, sur des enjeux graves qui concernent toute la société. « Les débats nécessaires en seront forcément amoindris voire tus », regrette Mgr Dominique Blanchet, évêque de Belfort-Montbeliard, dans un long communiqué exprimant les raisons de sa « vive préoccupation au sujet des conséquences » de ce projet. « Comment se fait-il que des questions aussi fondamentales puissent être ainsi traitées en plein cœur de l’été, de manière camouflée, au milieu d’une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent ? », demande pour sa part Mgr Sylvain Bataille, évêque de Saint-Étienne, dans une Lettre ouverte aux parlementaires de la Loire. « Est-ce vraiment la nécessité du moment ? » « En plein cœur de l’été, alors que la page de la crise sanitaire est loin d’être tournée, déplore Mgr Francis Bestion, évêque de Tulle, et que se prépare une crise économique et sociale d’une ampleur, semble-t-il, inédite, voilà qu’une ligne rouge est sur le point d’être franchie. » « On peut être étonné et même trouver indécent cette précipitation au moment où les Françaises et les Français ont bien d’autres sujets de préoccupation », fait aussi remarquer l’évêque de Grenoble et Vienne, Mgr Guy de Kérimel. « Pourquoi vouloir lui donner la priorité et le faire passer en catimini en profitant du contexte sanitaire et des vacances d’été pour éviter toute forme de débat ? » La Conférence des évêques de France (CEF) a elle-même dénoncé lundi « la volonté d’adoption en urgence d’une loi injuste et inégalitaire ».
Une loi « folle et violente »
La deuxième série de critiques formulées par les évêques concerne le fond du projet de loi. « Sous couvert de prétendues avancées sociétales, il porte en germe de grandes violences, faites aux plus faibles d’entre nous et aux générations à venir », note Mgr Thierry Brac de La Perrière, évêque de Nevers dans un communiqué intitulé « une loi folle et violente » qui décrypte avec une grande précision l’esprit du texte. Il y dénonce non seulement le projet de faire « naître délibérément des enfants sans père », mais aussi le mépris de l’enfant à naître, la sacralisation du « projet parental qui donne droit de vie et de mort sur l’enfant » (notamment en lien avec la « recherche sur l’embryon », à laquelle ils peuvent être « donnés », avant d’être supprimés) ou l’invocation de l’égalité sans lien avec la réalité. « Les mots prennent la place de la réalité. La réalité peut être changée par le choix des mots », dénonce-t-il. « Ce texte porte gravement atteinte à l’inviolabilité de la vie humaine », déclare pour sa part Mgr Jean Legrez, archevêque d’Albi, selon lequel il « bafoue à la fois l’égalité, la fraternité et la dignité humaine : par les projets d’extension du tri des embryons, par le bouleversement des relations généalogiques, par l’intention de fabriquer des embryons chimères homme-animal… » « Nous devons dire que les lois de bioéthique, telles qu’elles nous sont proposées, contreviennent au respect de la condition humaine », affirme tout simplement Mgr Robert Le Gall, archevêque de Toulouse. « Faut-il que la conscience de nos contemporains soit à ce point anesthésiée pour ne plus savoir prendre la mesure de la gravité de telles transgressions destructrices de la dignité de la personne humaine, à commencer par la plus vulnérable ? », demande Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, évoquant un projet « considérablement aggravé » lors de son passage en commission spéciale Bioéthique du 29 juin au 3 juillet dernier. Au détour d’une phrase, cet évêque laisse d’ailleurs entendre que les ajouts très contestés apportés par cette commission (notamment l’élargissement du tri des embryons lors du diagnostic pré-implantatoire et l’autorisation de la « FIV-ROPA ») pourraient constituer une tactique visant à faire passer plus facilement la « PMA sans père » lors du vote en plénière fin juillet, donnant à celle-ci une allure plus « modérée » et « acceptable » que les « excès » introduits en Commission.
« Une autre bioéthique que celle de l’actuel projet »
Si un nombre important d’évêques réagissent ainsi de manière forte et personnelle, la grande majorité des diocèses français diffuse par ailleurs les éléments de communication officiels de la Conférence des évêques de France : le communiqué dénonçant un projet « injuste, inégalitaire et dangereux », la vidéo de la conférence de presse du 20 juillet de Mgr Pierre d’Ornellas expliquant les positions de l’Église sur les lois de bioéthique, et une tribune de cinq évêques membres du groupe de travail « Bioéthique » de la Conférence des évêques de France demandant à « élaborer une autre bioéthique que celle de l’actuel projet de loi. » La Conférence épiscopale elle-même, qui fait actuellement de la bioéthique la une de son site internet, a ouvert une page « Loi bioéthique : les évêques de France se mobilisent », qui relaie leurs prises de position sur ce sujet. Autant d’éléments destinés à exprimer une protestation publique contre ce projet et à provoquer un « réveil des consciences » au sein de la société