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Un virus mondialisé*, par Michel Onfray.

Le coronavirus n’est pas juste une épidémie médicale, c’est également une métaphore: celle de ce qu’est (devenue) la France qui subit, voire qui va au devant des problèmes. Ses prétendus experts qui ne décollent pas des plateaux de chaînes d’information continue (j’avais écrit: contenue…), font les malins: ils déclarent "même pas mal!", ils bombent le torse comme des cadors, ils minimisent, ils estiment que c’est moins grave qu’une épidémie classique de grippe hivernale comme il y en a tous les ans, mais je ne peux m’empêcher de croire ce que je vois et non pas de voir ce que je crois: la Chine n’est pas du genre à confiner la ville de Wuhan, quinze millions d’habitants, si l’extrême gravité n’est pas avérée –c’est ce que doit et peut penser quiconque n’a pas renoncé à l’usage de sa raison ni à celui de son esprit critique.

michel onfray.jpgUn pays dictatorial compte pour rien la mort de ses citoyens, mais pas celle des ressortissants des autres pays, non pas par moralité, mais par cynisme politique, industriel, commercial. La Chine n’aurait pas pris le risque d’être associée à une mauvaise image planétaire ( le pays d’où sort un virus inconnu et mortel associé à des pratiques culturelles atypiques -manger de la chauve-souris en soupe par exemple, sinon du pangolin, voire boire du venin mélangé à du sang de serpent sous prétexte que c’est aphrodisiaque…), de connaître une dégringolade économique mondiale, s’il n’y avait pas eu un véritable péril en la demeure.

Sur un plateau de télévision, le mardi 28 janvier, j’ai soutenu cette thèse en précisant que je trouvais étonnant que dans notre pays, si prompt à invoquer le principe de précaution édicté par Maastricht pour interdire les desserts fabriqués en famille et emportés à l’école pour fêter un anniversaire faute de traçabilité, on puisse ne pas décoder le message que la Chine envoyait en confinant la ville, puis la région de manière drastique.

Au dire des experts en tout, c’était prétendument le signe d’une gestion totalitaire de la crise. Mais ce pays n’est pas à dix mille morts prêt -depuis des décennies, la répression maoïste ou néo-maoïste témoigne que les gouvernants se moquent du trépas de leurs sujets! La Chine savait ce que nous ne savons pas mais dont pourtant nous aurions dû nous douter: il suffisait non pas de croire ce qui se disait, et qui s’est amplement trouvé amplifié par les médias qui reprenaient en chœur, mais de penser ce qui était fait au pays de Mao 2.0. Comme toujours, on a préféré croire un mensonge qui sécurise à une vérité qui inquiète.

Nombre de médecins qui donnaient des leçons, tout en ne sachant pas grand chose de ce virus, arboraient des titres ronflants –chefs de ceci, patrons de cela, directeur ici, responsable là, président souvent, mais aucun journaliste n’a précisé que, par exemple, quand il invitait sur son plateau le docteur Yves Lévy, médecin spécialiste en immunologie, ancien patron de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), depuis peu "conseiller d’État en service extraordinaire ", pour donner son avis éclairé sur la chose, ce monsieur était, dans le privé, le mari d’Agnès Buzyn alors ministre de la santé! Je l’ai appris sur un autre plateau télé, mais après l’émission et dans les couloirs… Au revers de cette armada de médecins qui péroraient, j’ai souvent vu des légions d’honneur rouge sang…

Pendant que la Chine confinait, la France ouvrait grand ses portes en affrétant des avions militaires aux frais du contribuable afin de rapatrier sur le sol français ses ressortissants ayant choisi de vivre en Chine. Ces opérations se sont faites avec l’aide des militaires: on apprend aujourd’hui qu’il semblerait que l’un d’entre eux, au moins, ait rapporté le virus dans sa base avant une probable contamination d’une partie du département de l’Oise –avant la suite. Rappelons qu’un professeur sexagénaire est mort dans ce département alors qu’il n’avait pas effectué de voyages ni dans les zones à risque, ni ailleurs, il s’est juste trouvé en contact avec une personne venue de cette base militaire contaminée par un ordre donné à l’Elysée. Si j’étais Macron, je ne serais pas bien fier…

Toujours sur ordre de l’Elysée, le gouvernement a ensuite dirigé ces rapatriés dans un village des Bouches-du-Rhône, Carry-le-Rouet, sans en informer le maire qui a appris la chose aux informations régionales –c’est dire dans quelle estime le président Macron tient les élus. Une deuxième livraison d’expatriés a été faite en Normandie, dans un village vacances, à Branville (Calvados), où se trouvaient encore des touristes.

Paris sait se souvenir que la province existe quand il faut y loger des migrants ou des malades potentiels à mettre en quarantaine. Pourquoi à l’Elysée ou à Matignon n’a-t-on pas choisi Le Touquet, ville dans laquelle le président dispose d’une villa gardée en permanence, ou Le Havre, cité du premier ministre candidat à sa réélection aux prochaines municipales? Tant qu’à exposer les Français, le premier d’entre eux, et son second, devraient au moins montrer l’exemple.

Quelques responsables politiques ont invité à reprendre le contrôle des frontières pour empêcher la propagation de la maladie –ce qui paraissait de bon sens. Péché mortel pour les thuriféraire du marché total planétaire! On a alors entendu un élément de langage consternant, repris par le ministre de la santé lors de son intervention du samedi 29 février: "Le virus ignore les frontières." Tout en expliquant qu’il fallait ne pas se serrer la main pour se dire bonjour, ne pas se faire la bise et se laver les mains -il est vrai que, pour accoucher d’une pareille montagne, il fallait bien mobiliser un conseil des ministres extraordinaires un samedi avec toutes les huiles gouvernementales flanquées des plus hauts gradés de l’armée française et des professionnels de la profession comme dit l’autre. S’en sont suivies des interdictions de se réunir, de voyager en dehors de la zone maastrichtienne (rions un peu!), de courir un marathon, d’assister à des rencontres sportives dans un stade fermé, de se réunir à plus de tant de personnes: autrement dit, il fallait mettre des frontières entre soi et les gens potentiellement contaminés, mais on pouvait laisser librement circuler les Chinois, et laisser les Italiens passer nos frontières sans contrôle. Ce qui vaut pour un village si loin de Paris et de ses jacobins ne saurait donc valoir pour la totalité du pays.

Il est bien triste d’avoir à redire à ces gens qui nous l’apprennent que le virus ne vole pas comme une libellule dans l’air mais qu’il se transmet par ceux qui en sont affectés –vérité de La Palice. Dès lors, on ne se sert pas la main si l’on est un habitant des villages de l’Oise concernés, on reste chez soi, mais on peut continuer à prendre le train, l’avion, à rouler sur les routes et autoroutes sans que cela ne pose un problème de santé publique!

Car le virus n’existe pas seul, comme une monade voyageant dans l’éther, mais porté par des gens qu’on peut confiner –ce qui s’appelle rester dans la frontière de sa maison. Mais la France, bonne fille, ouvre grandes ses portes au virus puisqu’elle reste adepte de la mondialisation, à la libre circulation des personnes et des biens, et que l’Etat profond qui nous gouverne, et auquel Macron obéit, ne veut pas avouer ses erreurs et son tort en revenant sur son dogme sans-frontiériste ce qui serait avouer que ce dogme est mortifère.

Or, que se passe-t-il avec la quarantaine –sottement rebaptisée quatorzaine par le ministre de l’éducation nationale ignorant qu’il utile un mot qui existe dans le registre juridique (Quatorzaine: Espace de quatorze jours qui s'observait légalement entre les diverses étapes d'une saisie judiciaire. Quarantaine:Toute espèce de réclusion, de séquestration temporaire), mais en dehors de son sens, contre lui, même, car une quarantaine, c’est un temps d’isolement qui, certes, durait à l’origine quarante jours mais qui peut durer plus ou moins depuis? De même que Limoger signifiait jadis envoyer à Limoges comme punition, le mot signifie aujourd’hui envoyer dans un lieu qu’à Paris on estime perdu pour punir un fonctionnaire qui ne courbe pas l’échine –mais pas forcément à Limoges! La quarantaine, même si elle dure quatorze jours sans d’ailleurs qu’on soit sûr que ce soit la période adéquate, est une réclusion pendant un certain temps dans un espace confiné –chambre d’hôpital, appartement privé , maison ou camp de vacances pourvu que ce soit chez les demeurés loin de Paris. Or, tout ceci suppose une limite en-deça et au-delà de laquelle les choses ne sont pas les mêmes. Y a-t-il une autre définition de la frontière?

L’impéritie gouvernementale a donc permis que nous passions du stade 1 au stade 2 avec ces belles vitesses. On nous annonce désormais l’inexorable arrivée du stade 3.

J’avais bien raison de dire en ouverture que le coronavirus n’est pas juste une épidémie médicale mais également une métaphore. Si je voulais m’exprimer comme un journaliste, donc comme un politique, et vice-versa, je dirai: "La suite est à venir"…

Michel Onfray
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*: Expression utilisée dans sa conférence de presse par le ministre de la santé le samedi 29 février.

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