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Société • Hidalgo, les naturistes et les prophéties de Philippe Muray

 

Par Vincent Trémolet de Villers
 
Bruno Julliard, maire-adjoint de Paris a défendu l'idée d'un camp de naturistes dans la capitale. Avec finesse et humour, Vincent Trémolet de Villers dépeint ici Anne Hidalgo comme le personnage le plus abouti de l'écrivain Philippe Muray [Figarovox - 26.09]. A vrai dire, nous avons aimé cette analyse qui tourne en dérision, en ridicule achevé, une certaine modernité indéfendable. Vincent Trémolet de Villers évoque aussi Christophe Guilluy qui constate Le Crépuscule de la France d'en haut. Viendrait-elle à s'effondrer, disparaître, céder la place, que, selon l'expression de Houellebecq à la toute fin de Soumission, nous n'aurions vraiment « rien à regretter ».   Lafautearousseau
 
 
figarovox-tremolet-villers-devecchio.jpg« Le réel est reporté à une date ultérieure », écrivait Philippe Muray. C'était il y a quatorze ans. Cette formule ferait un beau slogan pour la campagne perpétuelle d'Anne Hidalgo. C'est un monde enchanté qu'elle promeut, une éternelle île aux enfants.

Dernier cadeau ? Bruno Julliard a défendu ce lundi la création d'« une zone naturiste dans la capitale »: « Paris capitale, mais Paris à poil ! », aurait-il pu ajouter. « Ça ne fait de mal à personne », a poursuivi l'adjoint au maire de Paris et c'est une revendication du groupe écologiste. Bigre ! David Belliard, coprésident de ce groupe défenseur de la planète, est encore plus précis : « On souhaite expérimenter un espace récréatif dans lequel les naturistes puissent se dénuder librement. » Ce pourrait être dans un parc, un jardin public, si l'on a bien compris. Proposons ici aux élus de Paris d'attribuer à ces braves gens une partie des voies sur berge de la rive droite. Une zone sans voiture, sans chemise et sans pantalon. À pied, en trottinette ou en Vélib, on y déambulera nu comme des vers. L'outrage aux bonnes mœurs s'arrêtera à cette nouvelle frontière et le mooning (coutume britannique qui consiste à montrer son arrière-train), laissera le passant indifférent. Il y aura inauguration (tenue de ville ?), campagne électorale sur zone où l'on pourra mesurer le degré d'implication des candidats. C'est magique et tragique : un mélange de Houellebecq et de Philippe Muray.

« Le réel ne passera pas », poursuivait ce dernier. Le réel, il faut dire, est triste comme un monospace, ennuyeux comme un lotissement, vulgaire comme un embouteillage. Plus encore, avec sa cohorte de chômeurs, de commerciaux qui roulent en diesel, de prolos qui ont la même bagnole depuis 1998 !, de banlieusards qui n'habitent pas une surface atypique en plein cœur de Paris, de « pass Navigo » qui ne goûtent pas à la poésie des « défaillances techniques » et des « incidents voyageurs » dans le RER E, le réel est dégoûtant. « Salauds de pauvres ! », lançait Jean Gabin dans La Traversée de Paris.

On préfère une vie de coulées vertes et de potagers urbains (bio), de plages estivales et de Nuit debout, de marchands de légumes oubliés et de lieux de mémoire, de restaurants végans et de galeries vides, de squares sans tabac et de salles de shoot, de burkinis et de naturistes, de barbiers « à l'ancienne » et de hipsters. Puisqu'il est impossible de remplacer l'asphalte des rues parisiennes par les surfaces souples des écoles maternelles, la mairie, heureusement, ne lésine pas sur les « alertes nécessaires ainsi que les informations et les recommandations en direction des usagers sur ce qu'il faut faire et ce qu'il vaut mieux éviter » (Muray encore). On oubliera donc ni casque ni genouillère, et « la police du plaisir sain », bras croisés et bottes de cuir, veillera au grain dans les rues de Paris. Rollers et matraque : le bonheur, c'est fluide comme une circulaire municipale.

On nous dira que le monde rêvé d'Anne Hidalgo a la plus belle ambition qui soit : découvrir « l'Autre » (ce qui déshabillé n'est pas sans risque). Tous ces efforts, cependant, créent de plus en plus de barrières : c'est aux socialistes que nous devons la restauration des octrois à l'entrée de Paris. De départ des familles en gentrification des quartiers populaires : « l'Autre » est renvoyé en banlieue quand ce n'est pas au-delà et c'est le « Même » finalement qui profite de la piétonisation des voies sur berge. Ce que dit Christophe Guilluy, dans son dernier essai, Le Crépuscule de la France d'en haut (Flammarion) : « Si les élites et les classes supérieures vantent l'ouverture au monde et aux autres, elles érigent dans le même temps des frontières invisibles qui accentuent les inégalités spatiales et culturelles pour donner naissance à la “ville ségrégée”. Proches de l'immigré mais pas trop. »

Pour Anne Hidalgo, pourtant, les mots sont performatifs. Il suffit de les dire pour que les choses existent. « L'ennui c'est que Paris-Plage n'existe pas, écrivait déjà Philippe Muray il y a dix ans, il faut le rappeler une fois encore, sans la moindre agressivité et fermement. C'est un concept, un schéma, une idée générale, tout ce que l'on voudra ; mais pas une plage. Au mieux, une sorte de mythe urbain, une chimère, un mensonge cousu de sable blanc. »

Muray avait tout vu et ses prophéties - les passions distractives et législatives, le festivisme comme religion, « le triangle des bermudas », « la cage aux phobes », « l'adulte infantifié sur son île de rêve », la touriste blonde décapitée sur l'île de Tralala - sont si précises que l'on cherche dans ses essais l'invention d'Anne Hidalgo : présente partout, visible nulle part…

Muray avait tout vu. Tout sauf les nudistes de Paris. Il aurait sans doute modifié sa superbe formule : « Le réel est reporté à une date… postérieure. »   

 
Rdacteur en chef des pages Débats/Opinions du Figaro et du FigaroVox

Commentaires

  • j'adore! Le fond ,bien sur ,mais aussi le ton .il y a la du Murray, revendiqué et cité,mais j'y trouve aussi du Jacques Perret ,qui nous manque tant , lui aussi! Ajoutons Jules Valles ( mais oui...) qui il y aura bientot un siècle définit si bien le fond de la pensée de la "bourgeoise éclairée" : "Le peuple d'accord,mais a condition de ne pas voir sa gueule....". Je pense aussi a Marcel Aymé et a son "Travelingue" si terrible ,si vrai ,si drole.
    En matiere de "mooning" il y a belle lurette qu'Anne Hidalgo nous a montré son posterieur ,car "plus le singe monte haut......" .Amateur sans hypocrisie des belles fesses ,malgré 58 ans de fidélité sans effort a ma compagne ,j'ai trouvé les siennes tristes ,moches pour tout dire donc justement accordées au personnage .Et j'ai mieux compris alors le pourquoi de ces expressions assez triviales (que j'espère le blogmestre me pardonnera de rappeler sur un blog d'aussi haute tenue ) de faux-cul et figure de fesse.

  • Anne Hidalgo décourage le commentaire. je rappellerai que parmi ses fleurons ( avoir rendu la circulation impossible, ce qui ruine les artisans et je n'ose plus me faire livrer du vin ou appeler un plombier.) La mairie de Paris ouvre ou va ouvrir une salle de shoot sous mes fenêtres dans l'hôpital Lariboisière et que les autorités laissent se développer rixes bagarres liées à divers trafics d'usagers , et personnes s’effondrant en manque de sucre dans les parkings attenant et que de plus souvent le volume sonore des urgences à l'höpital Lariboisière nous empêche de dormir , les relations ou amis des personnes s'y rendant, suite à des bagarres probablement, se manifestant hurlant ou discutant à voix tonitruante africaine- si j'ose dire- à 4 heures du matin, sans que personne n'intervienne à part ma modeste personne, un peu écoutée quand je descends de mon immeuble, demandant que mon épouse puisse dormir . Le réel est bel et bien enterré, ne troublons pas son agonie. .. ...

  • naturistes, même l'hiver, bien du courage à ces zozos, et en plus ce sont souvent les plus décatis qui osent montrer leur nudité .Finalement ce sont les anciens sauvages qui sont devenus civilisés, et le civilisés qui retournent au néant.

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