Société • Burgers Five Guys : le coup de gueule de Xavier Denamur contre la (Oba)malbouffe
Par Xavier Denamur
HUMEUR - La chaîne de burgers préférée de Barack Obama arrive à Paris. Xavier Denamur - restaurateur et militant contre la malbouffe - est allé tester Five Guys. Verdict : si vous aimez les frites molles, le steak haché hypercuit, la salade en plastique et les champignons en conserve, courrez-y [Figarovox, 11.08]. Quant à nous, nous avons une forte propension à croire qu'il a raison. LFAR
Il paraît que les Français mangeront bientôt plus de hamburgers que de Paris beurre. On me dit qu'à part quelques rares résistants qui finiront par succomber au charme grassouillet de ce mets sucré-salé, la moindre gargote que compte la Gaule présente fièrement sur sa carte au moins un hamburger. Certains de mes collègues se vantent même d'en réaliser des versions gastronomiques, allant jusqu'à y introduire du foie gras. Personnellement, depuis que Jacques Borel m'a expliqué dans République de la Malbouffe que le hamburger était un sous-produit du travail des femmes, j'ai décidé de ne jamais inscrire ce plat à la carte de mes bistrots.
La France terre de prédilection et d'expérimentation de la bonne bouffe aurait donc définitivement succombé à la mauvaise bouffe et serait même en passe de devenir la plus belle terre d'accueil de tous les géants du fast-food. Hors USA, c'est en France que McDonald's réalise son plus gros chiffre d'affaires. Five Guys, le petit poucet du secteur avec seulement 1350 restaurants ne pouvait pas passer à côté de l'eldorado tricolore. Depuis le 1er août, l'enseigne favorite de Barack Obama a pignon sur rue à Bercy Village. Je m'y suis donc rendu, curieux de découvrir ce que l'homme le plus puissant du monde trouve d'extraordinaire aux hamburgers Five Guys.
Mardi 2 août à 15h , il y a encore une heure d'attente devant l'unique point de vente de la marque qui ouvrira début 2017 les portes de son navire amiral sur les Champs Élysées, avec 1500 mètres carrés, ce Five Guys sera le plus grand du monde, cocorico ! La communication bien huilée du groupe, reprise en boucle sur la plupart des médias fonctionne à plein tube. Les aficionados du « vrai burger », les déçus du Big Mac et les « je me fous de ce que je mange pourvu que ça soit bon » sont là.
Passé l'attente où on vous fait remplir une fiche avec votre commande que la personne à la caisse balancera à la poubelle, vous pénétrez enfin dans le temple du « vrai hamburger américain ». A peine le seuil passé, vous tombez nez à nez avec une montagne de sacs de pommes de terre Innovator de la marque Terroir d'origine en provenance de Hollande. Ayant entendu que ce nouvel acteur de la restauration rapide se fournissait localement, je suis tout de suite rassuré en me rappelant que vu des USA, acheter local signifie se fournir en Europe.
Une chose est certaine si le personnel est sympa, normal me direz vous, il vient de commercer, le résultat dans le sac en papier kraft et le gobelet est gras, salé et surtout sucré, loin d'être à la hauteur de la communication maison où tout serait réalisé sur place avec des produits frais.
Ayant prétexté une allergie à certains stabilisants, conservateurs et autres joyeusetés industrielles qui inondent la malbouffe, on m'a amené le « guide des ingrédients » Five Guys que vous pourrez consulter sur le PDF ci-dessous. Et bien alors que la personne à la caisse m'a garanti mon « milkshake fait maison », à 6€50 on pouvait l'espérer, le responsable du site va venir gentiment me le rembourser. Il est vrai que l'agent de conservation E 202 de la vanille ou l'émulsifiant mono- et diglycérides d'acide gras (E 471) ou l'agent de propulsion oxyde nitreux E492 de la crème fouettée faisaient plus usine que « fait maison » et risquaient de me faire mourir d'un hypothétique œdème de Quincke.
Alors que les médias rapportaient le 1er août, jour du lancement en grande pompe de la marque dans l'Hexagone, sans vérification, la belle communication maison des hamburgers Five Guys premium réalisés avec des produits frais, mes champignons de « Paris » grillés sortaient d'une boite.
Si les frites sont visiblement fraîches puisque les sacs de pommes de terre trônent à l'entrée avec des cacahouètes hyper salées en libre service, elles sont surtout hyper grasses, plutôt molles et cerise sur bide, elles sont plongées dans de l'huile de friture d'arachide raffinée avec fameux anti-moussant E900 ou diméthypolysiloxanne, un additif classé possiblement cancérigène par l'Association pour la Recherche Thérapeutique Anti-Cancéreuse (ARTAC).
Quand le manager m'a appris que la viande hachée « premier choix » fraîche venait d'Irlande, j'aurais souhaité qu'il me communique le pourcentage de matières grasses, m'explique comment elle est conditionnée afin de pouvoir l'utiliser à plus 24h sans être sous atmosphère contrôlée et pourquoi on ne peut pas obtenir saignant son steak. Quand il m'a dit que c'était comme cela que la viande était la meilleure, que c'était la politique de la maison, je me suis souvenu de la séquence du film Fast food nation où Bruce Willis explique pourquoi il faut bien cuire la viande (Bruce Willis « Shit in the meat , Just Cook It » à partir de 8'33).
Après une bonne dizaine de minutes à essayer de me convaincre de la qualité premium de ses produits, le manager a fini par me renvoyer vers la directrice de clientèle chez Le Public Système PR en charge de la communication du groupe. Cette dernière encore moins au parfum de la réalité des arrière-cuisines de Five Guys m'a servi au téléphone le discours prémâché régurgité sans état d'âme par la plupart des médias. Quand elle m'a raconté que tous les légumes étaient découpés dans la cuisine chaque matin et que les champignons frais étaient livrés par un fournisseur de Rungis, ayant le « guide des ingrédients » Five Guys sous les yeux, elle a failli me faire tomber de ma chaise. Après avoir raccroché, je me suis dit que la vérité était une éventualité plutôt rare de la communication.
Bref on est très loin du « fait maison » et ce n'est pas demain la veille, contrairement à l'affirmation de la directrice de la communication, que l'on verra affiché le logo officiel (une petite casserole coiffée d'un toit de maison) à l'entrée de cette chaîne de fast-food.
Résultat des courses :
Pour 19€ , après une heure d'attente évitée, on m'a servi en 5 minutes dans un sac en papier kraft: une portion de frites molles, un hamburger au pain mou composé de 2 steaks hachés de 65 g environ chacun hyper cuits et pas juteux du tout, d'une tranche de tomate insipide, de 5 feuillettes de salade iceberg, de quelques lamelles de champignons en boîte et d'une sauce sucrée-salée Heinz blindée de sirop de maïs et un milkshake assemblé sur place que l'on me remboursera.
Verdict : à ce prix, on trouve dans Paris des bistrots qui servent un menu (entrée-plat ou plat-dessert) avec des produits frais qui ont du goût sans ajout de sucre, de sel et de matières grasses traficotées.
Conseil : pour votre santé et votre porte-monnaie, ce genre d'endroit est autant à éviter que Burger King, Quick, McDo and co. Si vous souhaitez manger un bon hamburger saignant, demandez, si le restaurateur ne l'affiche pas, à voir l'étiquette du lot dont le morceau de viande est issu et si la viande est bien hachée à la commande comme chez votre boucher. Si ce dernier refuse, changez de crémerie et mangez un bon plat du jour dans un bistrot qui affichera le logo « fait maison ».
Pour la santé des Américains, je recommande à Michelle Obama de dire à son mec d'arrêter de faire de la pub pour cette marque de fast-food qui participe autant que les autres à la dégradation de la santé des consommateurs et de l'environnement. •
a publié Et si on se mettait enfin à table ? (éd. Calmann-Lévy).