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Il est libre, Michel…

 

Les réflexions de Dominique Jamet

« L'anarchie vaut ce que vaut l'anarchiste. » Cette sentence - en quelque sorte - est de Charles Maurras. Elle nous paraît s'appliquer assez bien à ce que dit ici Dominique Jamet - au travers du camouflet infligé au Monde - de la liberté conquise de Michel Houellebecq. Et d'abord celle, rappelle Jamet fort justement, d'être passé dans le camp de ceux qui disent la vérité. Nous aurons - bien-sûr - à y revenir. LFAR 

 

3312863504.jpgTout le monde a le droit de parler de Michel Houellebecq, comme de n’importe qui, et c’est fort bien ainsi. Mais de son côté, Michel Houellebecq est parfaitement en droit de ne pas parler à tout le monde, et en particulier aux personnes qui ne lui reviennent pas. Et c’est également fort bien.

Collaboratrice bien connue du Monde, et qui ne se prend pas pour n’importe qui, Ariane Chemin avait souhaité rencontrer l’auteur de La carte et le territoire dans le cadre d’une série de six articles intitulée « Six vies de Michel Houellebecq » à paraître dans le quotidien du soir. La publication de cette série a, du reste, commencé avant-hier, mais sans la participation de celui qui en est le personnage principal.

Non seulement, en effet, Michel Houellebecq a refusé d’accorder une interview à Mme Chemin, mais il a pris soin de mettre en garde un certain nombre de personnes de sa connaissance contre toute tentation d’entrer en relation avec la journaliste. Mieux : il leur a rappelé qu’il leur était loisible de faire à celle-ci un procès qu’ils gagneraient à coup sûr si elle rapportait des propos que ni eux ni lui-même ne souhaiteraient voir reproduits.

Ariane Chemin s’offusque avec quelque aigreur d’une telle attitude, traite Michel Houellebecq de « tyran », et s’élève contre ses « interdits ». Le terme n’est d’ailleurs pas approprié. Houellebecq ne prétend pas interdire quoi que ce soit à quiconque. Il invite seulement ses familiers et ses amis à choisir entre lui et Mme Chemin.

Le dépit de celle-ci se situe à trois niveaux.

Personnel, tout d’abord. Compte tenu de son ancienneté, de son savoir-faire reconnu et de sa notoriété, Ariane Chemin ne s’attendait pas à une si abrupte fin de non-recevoir. Elle y voit un véritable camouflet, non sans raison.

Professionnel, ensuite. Alors même que Michel Houellebecq boycottait Le Monde, il accordait à un proche une série d’entretiens qui se sont échelonnés cet été sur cinq numéros du Figaro Magazine. On ne peut qu’y voir un défi à la très respectée et très susceptible institution du boulevard Auguste-Blanqui.

Social, enfin. Dans un monde où tant d’hommes politiques, de vedettes du spectacle, de sportifs de renom et d’hommes de lettres sont prêts à toutes les complaisances, voire à toutes les bassesses pour voir leur nom cité, leur image diffusée et leurs propos reproduits dans les médias, il n’est pas courant, il n’est pas normal qu’un simple écrivain se permette de décliner une invitation à longuement s’exprimer dans les colonnes d’un journal. Il y a là un véritable pied de nez aux convenances.

Et Mme Chemin de faire valoir amèrement tout ce que Houellebecq doit à la presse, qui ne cesse d’emboucher en son honneur les trompettes de la renommée. Comment un homme aussi généreusement traité, aussi universellement « adulé » peut-il faire montre d’une telle ingratitude ?

La mémoire de notre consœur la trahit, à moins encore que la bonne foi lui fasse défaut. Aurait-elle oublié les innombrables éreintements, les chausse-trapes, les cabales politico-littéraires qui ont jalonné le parcours atypique de l’auteur de La Possibilité d’une île ? L’accueil dernièrement fait à Soumission lorsque les policiers d’élite de la pensée s’avisèrent qu’il fallait peut-être prendre au second degré la peinture d’une France béatement islamisée lui aurait-il échappé ? Lui aurait-il échappé que Houellebecq est passé avec armes (son stylo) et bagages (sa culture, son intelligence), comme Alain Finkielkraut ou Michel Onfray et quelques autres, dans le camp de ceux qui disent la vérité, même quand elle déplaît ? Lui aurait-il échappé qu’il a récemment synthétisé son dernier livre et son œuvre, d’une seule phrase, blasphématoire : « Finalement, je me sens assez français » ? Bien entendu, cela ne lui a pas échappé.

Pourquoi Michel Houellebecq a-t-il refusé une interview à la dame du Monde ? Mais pourquoi la lui aurait-il accordée ? Houellebecq est assez bon lecteur de la presse française pour connaître par cœur Mme Chemin, auteur de La Nuit du Fouquet’s, pamphlet anti-Sarkozy, du Mauvais génie, portrait à charge de Patrick Buisson, et de nombreuses enquêtes réalisées en compagnie de Mme Bacqué, autre Bienveillante. Que pouvait-il attendre de notre consœur, qu’un tissu d’insinuations, d’accusations, de révélations et d’affabulations ? Il n’avait pas envie de contribuer à le nourrir. Cela peut se comprendre.

Michel Houellebecq a franchi un seuil qui le met à l’abri des attaques et du venin d’un certain journalisme. Celui qui est aujourd’hui le plus vendu, le plus traduit et, avec Patrick Modiano, le plus important des écrivains français vivants, a gagné à la sueur de son talent le droit que notre société reconnaît en principe et dénie en fait à tous ceux qui vivent de leur plume : le droit d’être libre.

 

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