Flatus vocis, par Louis-Joseph Delanglade
- On sait que M. Hollande n’est pas (n’est plus ?) socialiste - ce que confirment les cris d’orfraie de M. Mélenchon ; on sait aussi qu’il ne peut pas être vraiment social-démocrate - la faiblesse et/ou la radicalité des syndicats français interdisant l’émergence d’une social-démocratie à la nordique. C’est peut-être le qualificatif de « social-libéral », parce qu’il fleure bon toutes les compromissions, toutes les ambiguïtés et toutes les impuissances des républiques précédentes, qui lui convient le mieux.
Ce qui est indéniable, c’est qu’il est prêt à toutes les contorsions pour ressembler à son grand homme, M. Mitterrand. C’est ainsi qu’il faut interpréter sa conférence de presse de jeudi dernier, consacrée pour l’essentiel à l’Europe. M. Mitterrand, bien incapable de tenir ses promesses de 1981, s’était déjà défaussé sur cette dernière, faisant d’elle, selon M. Chevènement, « un mythe de substitution au projet de transformation sociale qui l’avait porté au pouvoir ». Mais n’est plus Mitterrand qui veut. Et on voit bien que les propositions de M. Hollande (notamment un « gouvernement économique » de la zone euro) vont dans le sens d’un nouvel abandon de souveraineté, renforçant ainsi cette caricature d’Europe déjà responsable de beaucoup de nos difficultés.
Dès vendredi matin, M. Guetta, dans sa chronique sur France Inter, fait preuve d’un enthousiasme suspect. Il n’hésite pas à conclure par cette phrase digne de l’emphase du Chateaubriand de 1815 : « Ce n’est pas qu’un tournant du quinquennat qui s’est amorcé hier mais un tournant pour l’Europe. ». M. Hollande n’a-t-il pas, en effet, dit explicitement que ses propositions visent à enclencher une dynamique vers une « union politique » ! On peut rêver. Quand on est chroniqueur à France Inter. Mais en a-t-on le droit quand on est le chef de l’Etat ? Prudent malgré tout, M. Guetta a pris soin de commencer par ces mots : « Il faut bien sûr attendre la réaction de l’Allemagne, de l’Allemagne avant tout ». Cette réaction - inexistante, sur le plan officiel ; hostile dans la presse – ne saurait laisser aucun doute…
M. Hollande serait plus avisé d’admettre qu’en ce moment les intérêts des deux pays qui sont au cœur de l’Europe sont divergents - et de se montrer conséquent. Nous voyons bien les ravages de l’euro fort, imposé par la B.C.E., pour une économie comme la nôtre, alors que nos concurrents japonais, chinois, britanniques ou étatsuniens jouissent d’une grande liberté dans le domaine monétaire. En revanche, ce même euro fort est non seulement très acceptable pour une Allemagne à la production industrielle haut de gamme mais encore vital pour cette même Allemagne à la population vieillissante.
De toute façon, si ce problème conjoncturel ne se posait pas, resterait le problème de fond. S’il est impensable que l’Europe puisse résulter de quelques tractations économiques et financières, il l’est davantage, n’en déplaise à tous les « cabris » dont se moquait déjà le général De Gaulle, qu’elle puisse être l’objet d’un simple décret. Pour M. Hollande, l’Europe n’est qu’une échappatoire, une sorte de potion magique, et ses propos relèvent, comme ceux de ses prédécesseurs, de l’incantation. Il ne suffit pas de vouloir, il faut aussi pouvoir faire l’Europe.
NDLR/PS : à l'attention des non latinistes..."Flatus vocis" signifie: "un souffle de voix". On emploie cette expression pour tourner en dérision un propos sans importance. Seul le souffle est perceptible, les mots étant sans grand intérêt pour celui qui les entend et qui les écoute à peine...