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Echéances sans surprise

(Voici l'analyse politique d'Hilaire de Crémiers, parue dans le numéro d'été de Politique Magazine - juillet/août 2011, n°98)

 

 

La vie politique française a l’art de créer des « suspenses » dérisoires. Martine Aubry va-t-elle présenter sa candidature ? Et Jean-Louis Borloo ? Etc… À quand la vraie, la divine surprise ?

 

 

        Les échéances républicaines se succèdent. Elles revêtent l’apparente consistance d’attentes qui en réalité n’en sont pas. Faux suspenses ! Il se crée ainsi des angoisses collectives fictives qui provoquent des halètements journalistiques dont le rythme saccadé suggère une plénitude de vie et d’action chez les héros de ces imaginaires décisions. Le monde politique et médiatique s’enivre de cette effervescence artificielle que lui- même suscite et qui n’est qu’agitation dans le néant.

 

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        Ainsi Martine Aubry. Elle ne pouvait faire autrement que de se présenter aux primaires du Parti socialiste. Si c’est Hollande qui les gagne et qui l’emporte lors des élections présidentielles dans moins d’un an, elle sera au moins ministre. Tel est le jeu. Dans le cas inverse, eh bien, ce sera tout simplement l’inverse. Hollande aura sa place toute trouvée dans le gouvernement désigné par Aubry ! Quelle attente dans cette comédie de pouvoir ? Aucune. Et qu’est-ce qui changera dans la vie politique ? Assurément rien.

        Il est probable que Martine Aubry, malgré ses airs résolus et tragiques, ne sait même plus si elle désire la présidence, ni même si elle souhaite vraiment un haut poste dans une fonction gouvernementale. Elle est assez intelligente et informée pour, en dépit de sa violence idéologique, savoir que le programme de son parti, concocté par elle-même, n’est qu’une théorie qui n’aura rien à voir avec la réalité de la faillite certaine qui s’annonce dès aujourd’hui, qu’il faudra bien « gérer » et que l’application dudit programme socialiste ne ferait, en tout état de cause, qu’aggraver.

 

Où est la surprise ?

 

        Tous les socialistes d’Europe, les Grecs en premier, ont été condamnés à programmer eux-mêmes la rigueur économique la plus draconienne et à brader les richesses nationales au « gros argent » international et, encore, au prix bas du marché dans un contexte de liquidation générale. C’est là qu’ils se révèlent être ce qu’ils ont toujours été depuis presque deux siècles dans toute l’Europe : de médiocres bourgeois qui, pour eux-mêmes, n’ont jamais connu la misère ni cette privation du nécessaire qui est le lot de la classe populaire et des pauvres gens sans feu ni lieu. La politique n’est pour eux qu’un enjeu de carrière où la démagogie est la règle. Cette démagogie politicienne a toujours été le prélude à des désastres inéluctables, financiers, économiques, politiques, militaires et finalement sociaux, qu’elle entraîne immanquablement. Faut-il, pour le passé, rappeler les faits et les dates ? Et, pour l’avenir, faut-il imaginer le prévisible enchaînement des terribles conséquences des fautes accumulées depuis tant d’années ?

        Mais rien ne sert de rien : ils ne tirent même pas les leçons de l’histoire que l’Éducation nationale a réécrite à leur intention et à leur gloire. Ils sont tellement convaincus que, par principe et par nécessité, en vertu du dogme central de leur doctrine, ils sont les vainqueurs de l’histoire ! Avec pareille conviction, il leur est facile d’oublier qu’ils furent très concrètement les artisans des catastrophes.

        Aubry, Hollande, deux bourgeois, fils et fille de bourgeois – privilégiés de la nature, de l’éducation et même au départ de la grâce, comme tant d’autres de leurs « pareils » –, pourraient-ils échapper à leur sort ? La « normalité » recherchée de Hollande, si caractéristique de l’extraordinaire banalité de sa vie personnelle, ne fera que le jeter avec plus d’imprévoyance et de sottise dans le drame fatal. Mais, il est vrai, ce Chirac au petit-pied pourrait, tel un Albert Sarraut de la Ve République, traverser les pires crises sans même les voir venir et s’en sortir toujours indemne… Cependant, Chirac et Sarraut étaient des habitués des gouvernements républicains, expérience qu’Hollande n’a pas et qui peut lui faire défaut pour surnager à tout. Là où des Sarraut, des Chirac et tant de leurs congénères s’en sortent en flottant entre deux eaux, un Hollande se noiera ! 

Pari pris.

 

 

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 "...Le drame financier qui se noue de plus en plus nettement et qu’aucune astuce de rééchelonnement réel, artificiel ou supposé, ne saura dissimuler longtemps, se doublera en 2012 d’une crise institutionnelle...."

 

 

        Et le reste à gauche ? C’est du même tabac. Chacun revendique sa place, même et surtout dans l’Écologie. Il n’y a là que des politiciens qui tous raisonnent en politiciens avec des mots de politiciens, y compris les Montebourg et les Mélenchon. Gagner des voix, voilà le but, et les voix seront ensuite monnayées et à bon prix ! Que de vains discours, que d’attitudes inconséquentes qui ne trouvent leur raison que dans ces marchandages pitoyables. Le malheur français peut être propice, n’est-ce-pas, aux avancées électorales…. Alors, pas de scrupule, politique politicienne oblige : le régime commande. Personne n’en est maître, surtout pas ceux qui en vivent et qui, de plus, s’imaginent gouverner. Ils jouent une partition. Grotesque. Et, plus elle approche de la fin qui s’annonce, de plus en plus grotesque. Et, eux, plus ils se prennent au jeu, plus ils perdent conscience de la sinistre réalité de ce jeu dérisoire. Et si l’intérêt du jeu faiblit, les voilà les premiers à dénoncer ces ridicules chansons politiciennes qui leur sont si familières.

        Qu’aurait pu être la bonne surprise ? S’il y avait eu surprise ! Eh bien, que Martine Aubry, ou l’un quelconque de ses autres camarades, expliquât la dure réalité française, avec des sentiments de gauche si c’était son tempérament, mais qu’elle ou qu’il eût aussitôt le courage de dire que la situation était si grave qu’aucune formule politicienne, même de gauche, ne pourrait y pourvoir. Qu’en conséquence elle ou lui prenait le risque de n’annoncer sa candidature que pour mieux dire aux Français qu’il n’y avait plus de solution dans le régime tel qu’il fonctionnait. Qu’il convenait, dans l’intérêt de tous, de remettre la charge suprême de l’État dans les seules mains légitimes de celui qui n’a d’autre finalité dans son être, sa nature, sa famille, son avenir, que de continuer l’histoire parce qu’il s’identifie à l’histoire elle-même. Et il serait facile d’ajouter, pour rassurer les esprits incertains, que non seulement la représentation nationale n’en souffrirait pas, mais que, sortie de l’ornière de la lutte stérile des partis, elle pourrait enfin trouver dans les réalités précises des populations, des territoires et des intérêts concrets des Français avec qui elle est censée être en adéquation, une nouvelle et heureuse légitimité. Dans son ordre à elle ! Ce serait si simple, ce serait si clair.

        Et à droite ? Il en est de même. Nicolas Sarkozy réfléchit-il ? Perpétuel acteur du rôle qu’il s’est lui-même créé ! Tant d’énergie dépensée pour quoi ? Finalement pour quoi ? Il va nous expliquer à partir de maintenant qu’il a sauvé la situation en

2008 et qu’il ne peut y avoir que lui pour la sauver encore en 2011-2012. Que les réformes sont à moitié faites et qu’il faut donc les finir et qu’il sait, lui, où il convient de porter les efforts et de placer l’argent public. A aucun moment il ne conçoit que les finances qu’il croit sauver, ne s’en portent que plus mal par la suite par un effet mécanique dont aucun volontarisme – même le sien – n’est le maître. Ni, non plus, il ne comprend que, par les mêmes effets mécaniques, le régime qu’il essaye d’améliorer ne connaîtra, en fait, de ces prétendues améliorations qu’un état empiré de fonctionnement. Même avec les meilleures réformes et les meilleures intentions ! C’est le constat que tous les esprits libres portent aujourd’hui. Y compris dans la majorité présidentielle… Mais, de là à le dire… Eh bien, là aussi, ce serait la vraie surprise : un discours de vérité qui irait enfin à l’essentiel et non plus ces boniments de foire électorale où Jeanne d’Arc invoquée, comme il se doit, pour rallier les voix de droite viendrait sauver… la République ! La chose publique en France, répond la vraie Jeanne d’Arc, l’éternelle Française, a besoin du Roi. Et, elle, elle l’a fait ; c’est même l’essentiel politique qu’elle a fait…. Alors, la surprise ? …Ce serait enfin d’entendre sa vraie, son unique leçon !

        Et le centre introuvable ? Les centristes sans centre de gravité ? Tous ceux qui ne se veulent ni de droite ni de gauche mais qui, pourtant, par esprit partisan impénitent, ne sont capables que de concevoir un parti de plus ! Tout ça pour satisfaire leur envie qui n’est jamais, pour eux tous, qu’ils le veuillent ou non, qu’une ambition personnelle. Comme les autres. Ni de droite, ni de gauche, soit, mais alors qu’ils fassent le Roi ! Chiche ! Ça, ça serait la vraie surprise… Sinon, c’est d’une effroyable banalité. Et l’échec est assuré.

        Reste Marine Le Pen. Ça ne sert à rien de la traiter de « populiste ». Elle engrange des voix, beaucoup plus que les officiels ne le disent. Elle seule, avec le pugnace Dupont-Aignan, s’offre le plaisir et offre le plaisir aux Français de dire aux journalistes du monde officiel leurs quatre vérités. Elle décrit la crise. Et les autres, en ce domaine, ne font que la répéter. Mais pas plus que les autres, elle n’a de solution. Entendons : de solution de fond. La vivacité de la répartie ne saurait combler le défaut institutionnel. Ah, la vraie, l’heureuse surprise serait d’entendre un jour dans un discours électoral l’aveu simple et honnête de l’inefficacité du régime et, à la vérité, de son imposture et de sa malfaisance.

        Quel que soit le vainqueur de l’élection présidentielle, il ne pourra pas gouverner. Il n’en aura ni les moyens ni la possibilité. 

Que seront les législatives qui suivront ?

        Le drame financier qui se noue de plus en plus nettement et qu’aucune astuce de rééchelonnement réel, artificiel ou supposé, ne saura dissimuler longtemps, se doublera en 2012 d’une crise institutionnelle. C’est écrit dans ces colonnes de manière précise et régulière depuis quatre ans et même depuis huit ans. 

        Cette crise sera telle que le pouvoir en sera ébranlé. Avenir, justice, unité, sûreté, voilà les mots-clefs de leur campagne électorale à tous – quel qu’il soit –, déjà commencée. Or, ces mots qui répondent à un besoin pressant, appellent autre chose que le régime actuel. Dans leur arrière-cortex, tous ces futurs candidats doivent bien en avoir quelque idée !

        Ah, si une heureuse surprise, une « divine surprise », comme disait le poète… Est-ce trop demander ? ■

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