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Que veulent dire, et où conduisent les chiffres ?, par François Reloujac

        Lors de l’annonce de la réforme de l’Impôt de solidarité sur la fortune le Gouvernement a déclaré que, pour combler le manque à gagner qu’entraînerait la relève à 1,3 million d’euros du seuil d’imposition, il devait trouver 4 milliards d’euros. Dans le même temps il débloquait quelques centaines de millions pour aider à la reconstruction de la Côte d’Ivoire.

        Vu l’état des finances publiques de la France, il peut paraître que cette aide constitue un effort significatif en faveur de ce pays dans lequel elle vient de jouer un rôle ambigu. À cette aune là, combien versera-t-elle demain pour la reconstruction de la Libye ?   

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        Mais cette somme n’est qu’à peine comparable à celle à laquelle le Gouvernement français a été condamné pour rembourser aux grandes enseignes de la distribution la taxe sur les achats de viande : il s’agisssait de financer la destruction des farines animales décidée après l’éclatement du scandale de la vache folle, taxe qui avait été déclarée non-conforme aux règles européennes.

        Par rapport à ces enjeux où il en va de la vie des citoyens, que signifient les chiffres qui circulent parmi les experts économiques ? 

        Etablissent-ils un rapport entre la cas que l’on fait désormais de la vie des hommes et celui de la « santé » des marchés financiers ? Officiellement, pour faire face à leurs échéances, les banques européennes vont devoir trouver sur les marchés financiers quelques 2 500 milliards d’euros au cours des mois à venir, sans compter ce que les États eux-mêmes vont devoir trouver de leur côté. En fait, ces chiffres astronomiques dont plus personne ne se représente la valeur réelle, montrent une seule chose : ni les États ni les banques ne remboursent leurs dettes. Ils ne font qu’emprunter à nouveau pour faire face à leurs échéances et aux intérêts d’une dette sans cesse croissante. À qui empruntent-ils donc ? Law, à son époque, empruntait aux personnes privées, mais aujourd’hui les sommes en jeu sont telles que plus aucun particulier ne peut suivre, que tous les citoyens réunis n’y suffiraient pas. 

        Les banques et les États empruntent donc aux États et aux banques ainsi qu’aux filiales des banques que sont les divers fonds de placement et autres établissements financiers. Ce système d’emprunts-crédits dont la majeure partie fonctionne dans ce que l’on appelle le « shadow banking » (les banques fantômes), bénéficiant non plus des paradis fiscaux – on les a fait disparaître – mais des paradis réglementaires pour reprendre l’expression de quelqu’un qui sait de quoi il parle, Dominique Strauss-Kahn, n’est en réalité qu’un système de cavalerie qui permet simplement de retarder le moment où la faillite générale éclatera au grand jour. Ce système de cavalerie est doublé d’un jeu de la barbichette entre les États et les banques : « Je te tiens, tu me tiens » ! Lorsque les unes s’effondreront les autres suivront ; peu importe l’ordre dans lequel cela se produira.

        Le phénomène n’est pas uniquement français, ni même européen. 

        Ainsi, selon diverses études réalisées aux États-Unis, si l’on poursuit sur la lancée actuelle, la dette publique pourrait atteindre 344 % du PIB en 2050 et la charge des intérêts de cette dette 17 % du dit PIB. Comme à cette époque là on prévoit que les dépenses de l’État représenteront à elles seules 45 % du PIB  et qu’il faudra bien payer en plus les retraites et « les dépenses de santé », les Américains travailleront 7 jours sur 10 pour l’État avant même de commencer à rembourser les dettes et avant de pouvoir espérer pouvoir jouir du peu qui restera de ce qu’ils auront gagné à la sueur de leur front. C’est pourquoi, lorsque le FMI met sept grands pays sous surveillance – dont la France et la Chine – ce n’est pas pour les pousser à revenir à une certaine orthodoxie mais pour éclairer les marchés financiers sur lesquels la spéculation bat son plein. 

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Dominique Strauss-Kahn saluant le ministre des Finances Xie Xuren lors d'une réunion du FMI à Washington. Au centre, le ministre des Finances e Singapour, Tharman Shanmugaratnam 

 

 

Une fuite en avant ?

        Dans le même temps les médias répètent à l’envi que les « grands » États européens ne voudront pas aider un peu plus l’Irlande à faire face à la faillite de ses banques – qui atteint globalement 10 fois la taille de son économie nationale ! – tant que ce pays n’aura pas relevé le taux de son impôt sur les sociétés qui, avec à peine 12 %, fait une concurrence déloyale aux autres États européens. Mais des entreprises bien françaises telles que Renault ou Danone ne paieraient en France qu’un impôt représentant environ 4 % de leurs bénéfices et Total, malgré un bénéfice de plusieurs milliards d’euros, ne paierait quasiment pas d’impôt. Et le ministre du Budget déclare sans rire que c’est normal, car ils « bénéficient » du régime de l’impôt « mondialisé ». Car, si le taux d’imposition des entreprises est de 12 % en Irlande contre 33 % en France, le taux moyen de l’impôt réellement payé par les entreprises est de 11,9 % en Irlande contre 8,2 % en France… et 4,8 % en Belgique. Les développements de la crise irlandaise comme de la portugaise montrent d’ailleurs bien les imbrications étroites qui existent plus que jamais entre le monde de la finance et celui de la politique. En Grèce, la situation économique et sociale continue à se détériorer mais personne ne veut encore entendre parler de restructuration de la dette de peur que cela ne conduise les banques grecques, mais aussi des banques allemandes et françaises à la faillite.

        La seule issue que les gouvernements entrevoient actuellement est de pouvoir continuer à emprunter, d’où les gages qu’ils veulent donner aux « marchés financiers ». Il ne faut pas que l’inflation dégénère, ce qui conduit le président de la Banque centrale européenne à remonter les taux d’intérêts et le ministre du budget à geler le point de la fonction publique. Pendant ce temps les prix des matières premières (gaz, pétrole, blé, lait, etc.…) continuent à s’envoler ce qui contribue à accélérer les tendances dépressives de l’économie. Mais si l’économie s’enfonce ainsi dans la dépression alors que la masse monétaire continue à croître à une vitesse inconnue dans le passé le monde connaîtra d’abord une grave récession qui pèsera sur les rentrées fiscales avant de voir exploser une violente et soudaine inflation. Or que proposent les économistes pour sortir de ce cercle vicieux ? La fuite en avant : « Les déficits et la dette croissant rapidement dans les pays de l’Union monétaire, il faut réussir à conserver une certaine cohésion et faire accepter aux États de perdre un peu de leur souveraineté pour éviter que l’euro ne vole en éclats ».

        Peu importe que les citoyens soient à la peine, il faut sauver les marchés financiers. Il en va de la survie des États et, à travers eux, des banques qui ont abandonné le service de leurs clients immédiats pour le financement principal des partis en place au moyen de montages financiers aussi complexes qu’occultes. C’est, en fait, que les partis au pouvoir ont depuis longtemps changé d’objet : au lieu de se mettre au service de leurs concitoyens dans un objectif de bien commun durable, ils ont mis en place un très onéreux mais efficace système de pêche aux voix. Ce système leur permet de se maintenir d’élections en élections, quitte à partager les fruits de ce larcin avec un compère qui n’est pas fondamentalement différent mais qui est désigné pour l’occasion comme incarnant l’Opposition. ■

Commentaires

  • Bonjour,
    J'aime beaucoup se que vous faites, continuez sur cette voie !

    Cordialement nbv

    Elsa Martinez

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