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Maîtres et témoins...(I) : Frédéric Mistral.

Mireille, Invocation: la branco dis aucéu....

Mireille, Invocation: la branco dis aucéu....

Canto uno chato de Prouvènço.
Dins lis amour de sa jouvènço,
A travès de la Crau, vers la mar, dins li blà,
Umble escoulan dou grand Oumèro,
Iéu la vole segui. Coumo èro
Rén qu'uno chato de la terro,
En foro de la Crau se n'es gaire parla.

Emai soun front noun lusiguèsse
Que de jouinesso, emai n'aguèsse Ni diadèmo d'or ni mantèu de Damas,
Vole qu'en glori fugue aussado Coumo uno rèino, e caressado
Pèr nosto lengo mespresado,
Car cantan que pèr vautre, o pastre e gènt di mas.

Tu, Segnour Diéu de ma patrio,
Que nasquères dins la pastriho,
Enfioco mi paraulo e douno-me d'alen !
Lou sabes : entre la verduro,
Au soulèu em'i bagnaduro,
Quand li figo se fan maduro,
Vèn l'ome aloubati desfrucha l'aubre en plen.

Mai sus l'aubre qu'èu espalanco, Tu toujour quihes quauco branco
Ounte l'ome abrama noun posque aussa la man,
Bello jitello proumerienco,
E redoulènto, e vierginenco,
Bello frucho madalenenco
Ounte l'aucèu de l'èr se vèn leva la fam.

Iéu la vese, aquelo branqueto,
E sa frescour me fai ligueto !
Iéu vese, i ventoulet, boulega dins lou cèu
Sa ramo e sa frucho immourtalo... Bèu Dièu, Dièu ami, sus lis alo
De nosto lengo prouvençalo,
Fai que posque avera la branco dis aucèu !

Je chante une fille de Provence. Dans les amours de sa jeunesse, A travers la Crau, vers la mer, dan les blés,
Humble écolier du grand Homère, Je veux la suivre. Comme c'était Seulement une fille de la glèbe,
En dehors de la Crau il s'en est peu parlé.

Bien que son front ne resplendît Que de jeunesse, bien qu'elle n'eût
Ni diadème d'or ni manteau de Damas,
Je veux qu'en gloir elle soit élevée Comme une reine, et caressée Par notre langue méprisée,
Car nous ne chantons que pour vous, ô pâtres et habitants des mas.

Toi, Seigneur Dieu de ma patrie, Qui naquis parmi les pâtres, Enflamme mes paroles et donne-moi du souffle ! Tu le sais : parmi la verdure, Au soleil et aux rosées, Quand les figues deviennent mûres,
Vient l'homme, avide comme un loup, dépouiller l'arbre entièrement.

Mais sur l'arbre dont il brise les rameaux,
Toi, toujours, tu élèves quelque branche
Où l'homme insatiable ne puisse porter la main,
Belle pousse hâtive,
Et odorante, et virginale,
Beau fruit mûr à la Madeleine,
Où vient l'oiseau de l'air apaiser sa faim.

Moi, je la vois, cette branchette, Et sa fraîcheur me fait envie !
Je vois, au souffle des brises, s'agiter dans le ciel
Son feuillage et ses fruits immortels...
Beau Dieu, Dieu ami, sur les ailes De notre langue provençale, Fais que je puisse atteindre la branche des oiseaux !