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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

Maurras : "la" rencontre de sa vie d'esprit...

Maurras : "la" rencontre de sa vie d'esprit...

... exactement comme elle le fut pour Jacques Bainville. Et seule la mort put séparer les trois amis.

Henri Massis, dans son "Maurras et notre temps", donne la clé de cette exceptionnelle amitié (pages 38/39) :

"...Le tempérament de Léon Daudet exigeait une entière liberté.
C'est parce que l'Action Française la lui a donnée, cette liberté, que Daudet a pu développer tous ses dons, toutes les puissances de sa nature.
Les richesses, les infinies curiosités de cet esprit si ample dans ses profondeurs, tout ce qu'il y avait en lui de vivant et de fort, l'Action Française a su l'intégrer, s'en accroître.
"Si nous n'avions pas Daudet, nous serions un journal de professeurs !" disait Maurras.
L'amitié de Léon Daudet et de Charles Maurras avait accompli ce miracle, et si l'on songe que ces deux personnalités si entières étaient loin de coïncider en tous points, il y eut là une sorte de merveille !
Rien jamais ne détendit ces liens; les épreuves ne firent que renforcer leur amitié en la sublimant...

"Je ne me suis jamais disputé une seule fois en vingt ans avec Maurras", disait Léon Daudet avec une fierté où il y avait du bonheur. Et à Saint-Rémy-de-Provence, sur la tombe de son ami, Maurras nous a livré leur secret :
"Notre amitié, dit-il, avait à sa base un respect profond, le respect de nos différences de goût, de caractères, le respect de nos raisons d'être où chacun avait besoin de se complaire et d'aboutir. Quand, le 21 mars 1908, Maurras et Daudet s'attelèrent ensemble au journal, les bonnes langues leur donnaient de trois à six mois de cohabitation possible; elle devait durer plus de trente ans, et la mort seule les sépara.
Leur accord parfait tenait au plus vif de leurs esprits et de leurs âmes . Au terme du voyage, quand détaché de presque tout, le regard déjà fixé sur le visage d'un autre monde, Daudet songeait aux seules choses qui lui importassent encore, il les ramassait toutes en ce trait suprême :
"Ma prière du soir... et ma vie pour Charles Maurras !"

Il y avait chez Léon Daudet, sous la spontanéité de ses mouvements, la vivacité de ses appétits, une aspiration non moins instinctive à l'harmonie, à l'équilibre, à l'ordre, un désir de perfection humaine qui, chez lui, prenait sa forme dans l'image qu'il se faisait de l'artiste supérieur, de l'homme de génie, et Maurras, à ses yeux était de ces hommes là.
Leurs esprits se rejoignaient, en dépit des différences, dans ce quelque chose d'organisé qui est au fond des grandes constructions de la logique et de la raison.
Tout, au reste, chez Léon Daudet tendait à la synthèse, jusqu'à ce sens du surnaturel si puissant en lui, et qu'il ne faut pas confondre avec l'illimité.
S'il avait soif d'infini dans la pensée, le précis, le concret le réel, l'attiraient invinciblement.
Oui, ce visionnaire possédait le "sens synthétique" par excellence.
Tous les appoints de la connaissance et de l'expérience nourrissaient ses visions, mais rien ne lui faisait tant horreur que le rêve vide, inorganique par essence. L' "universel créé", c'était sa pâture, à lui Daudet - mais seul l'ordre le divinise qui permet à la liberté intérieure d'y atteindre et d'étendre son champ.
Voilà ce que Maurras lui avait fait redécouvrir, et sa rencontre avait été pour lui une illumination de tout l'être.
"Quel homme !" s'écriait Daudet au spectacle que, rien qu'en vivant, Maurras lui offrait.
Et je ne sais pas de plus belle définition de Maurras, fils du Stagirite, que celle où Daudet le nomme : "stratège de l'esprit, battant toutes les places rétives, avec l'aide de Minerve, et les forçant par les mots".