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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

...mais résolument hostile au "cléricalisme"

...mais résolument hostile au "cléricalisme"

De "Député de Paris", pages 83/84 :

"...André Lefèvre, ministre de la Guerre, qui surveillait, d'un oeil aigu, comme le charmant et loyal Louis Marin, député de Nancy, les fluctuations de cette Chambre modérée, où abondaient en conséquence les zozos et les couillons, me dit un jour en catimini :
- Je vais donner ma démission. J'en ai assez. L'Allemagne militaire se reforme. Elle nous refera la guerre d'ici une quinzaine d'années, ou avant. Il y a ici une influence débilitante, antinationale, une atmosphère bizarre que je ne démêle pas très bien mais qui me dégoûte. On dirait que les agents boches sont de nouveau au travail au parlement et dans la société parisienne.
Je lui répondis par un seul nom : Steeg.
- Celui-là et d'autres, mieux masqués.
- Pourquoi ne les dénoncez-vous pas ?
Il haussa les épaules : "A quoi bon ! En outre je suis malade et je veux me soigner".
J'aimais et j'estimais profondément cet homme si droit, à qui le patriotisme tenait lieu de religion.
Il ajouta : "C'est dommage que l'Action française s'encombre de pape, de nonce, de cléricalisme. La France n'aime pas cet excédent de bagages. Sans lui, vous arriveriez peut-être aux affaires. Avec lui, jamais."
Plus tard je devais entendre, quelques temps avant sa mort, cette effrayante parole de Clemenceau :
"M'sieu Daudet, la France succombe sous les coups rassemblés du socialisme et du cléricalisme. Je n'y serai plus, mais vous vérifierez ça."
L'un et l'autre voyaient juste.
La décomposition politique de la France a tenté le pape "allemand" Pie XI à travers cette vadrouille innommable de Briand, et à l'heure où j'écris, le haut clergé français s'est rué à l'obéissance, au point de prêcher ou de laisser prêcher presqu'ouvertement l'homicide "objection de conscience", par quoi seront fusillés, lors de la prochaine mobilisation, des centaines de naïfs, d'innocents cathéchumènes.
Quand je pense à cela, je revois le visage bilieux, les yeux ardents de Lefèvre, j'entends la voix brève de Clemenceau.
Les Gallicans ont toujours eu raison, les Rois de France aussi : l'intrusion de la cité du Vatican - puisque cité pitoyable il y a - dans les intérêts politiques de la Cité Française est intolérable..."

Illustration : Arrestation du Pape Boniface VIII à Anagni, par les hommes du roi de France.
Petit-fils de Louis IX, que l'Eglise catholique vient de canoniser en 1297 (vingt ans à peine après sa mort en Croisade, devant Tunis, en 1270), le roi de France Philippe le Bel n'hésite pas à s'opposer à la puissance temporelle du Pape. Rappelant que "le Roi de Frane est empereur en son Royaume", il va jusqu'à s'emparer de la personne du Pape Boniface VIII, en 1303, lequel mourra peu de temps après des suites de ce choc...