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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

Portraits (III) : Léon de Montesquiou

Portraits (III) : Léon de Montesquiou

Ils "étaient", ils "faisaient" l'Action française :

1. De "Vers le Roi", pages 21/22 :

"...Léon de Montesquiou, tombé à Souains en Champagne, le 25 septembre 1915, était un des espoirs du pays.
Nourri d'Auguste Comte, de Le Play, rompu à l'analyse et à la controverse, précis et même méticuleux, éloquent, persuasif, il voyait d'ensemble et grand et sentait de même.
Il lissait fréquemment sa moustache blonde, en fixant le sol d'un air méditatif, puis, la solution entrevue, riait largemet.
Vaugeois, au lendemain de la catastrophe, le définissait dans le journal "un héros raisonnable".
Rien de plus juste.
On ne pouvait l'approcher sans l'aimer.
Son jugement, d'une rectitude absolue, était cependant creusé de fenêtres, donnant sur les horizons les plus variés.
Au conseil, il était incomparable, et concluait de sa forte voix appuyée, avec une autorité voisine de Maurras..."

2. De "Paris vécu", Première série, Rive droite, pages 151/152 :

"...Un peu avant la Madeleine, et quand on tourne le dos à la Bastille, trois rues viennent se jeter dans le boulevard : Caumartin, Godot-de-Mauroy, mystérieuse, étrange, pleine d'énigmes, pas pour les jeunes demoiselles, et Vignon, de peu d'intérêt.
Au 17 de la rue Caumartin demeura l'Action française, depuis le moment où elle quitta la Chaussée d'Antin jusqu'en 1916, où elle passa rue de Rome. L'immeuble, un petit hôtel, était étroit mais logeable. C'est là que la guerre vint non pas nous surprendre - car nous l'attendions tous et la savions inévitable - mais saisir nos jeunes gens, toute une génération de Camelots du Roi, formés à la discipline patriotique de Maurras et qui fut fauchée au premier rang. Quand je pense à cet étroit escalier, où se pressait une jeunesse ardente et résolue, je l'imagine ruisselant de sang, pareil à un torrent rouge et déchaîné.
C'est sur ces marches, qui avaient été celles d'une maison de modes, que je vis Léon de Montesquiou pour la dernière fois, deux jours avant l'attaque de Champagne (septembre 1915), où il trouva la mort héroïquement, à Souain. Lieutenant de légionnaires, il était en uniforme et racontait à mon petit garçon Philippe, alors âgé de 6 ans, et que j'avais amené avec moi au journal, comment les choses se passaient :
"On ne voit personne, mon vieux Philippe et on fait poum, poum tout le temps.
- Et quand on perd son fusil, monsieur ?
Montesquiou éclata de ce grand rire, où il y avait, réunie à tant de bonté, tant de volonté :
"Quand on perd son fusil ? on en ramasse un autre. Allons, au revoir, mon bonhomme."
Il prit, dans ses bras, l'enfant destiné lui aussi, huit ans plus tard, à la mort violente, le souleva du sol, l'embrassa.
J'avais la gorge serrée en lui disant adieu.
C'était un coeur exquis, une âme forte et une raison que rien ne déroutait, quand elle avait décidé d'agir, un homme enfin selon Marc-Aurèle et Corneille..."

Illustration : le Monuments aux morts de Souains, en Champagne. "Un an plus tard, le 25 septembre 1915, lors de l'offensive de Champagne, un grand malheur frappait l'Action française. Léon de Montequiou tombait à Souains, sous le coup d'une mitraileuse allemande qu'il s'était juré de faire taire..." ("La pluie de sang", page 46).