UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

L'agression de Fieschi...

L'agression de Fieschi...

De "Député de Paris", pages 105/106 :

"...Le jeudi 24 Mars 1921, il faisait un temps superbe.
A deux heures et demie, je quittai mon domicile, me rendant à la Chambre, d'un pied allègre et, comme dit Horace, "nescio quid meditans nugarum, totus in illis" ("pensant, selon mon habitude, à je ne sais quelles bagatelles, et tout à elles", ndlr).
Comme j'arrivais à l'intersection de le petite rue de Luynes et du boulevard Saint-Germain, je vis se dresser devant moi un solide garçon, assez replet, qui brandit une canne en s'écriant : "Voilà le salisseur public", puis quelques vociférations indistinctes.
J'ai l'oeil moins rapide que Maurras, tout de même vigilant.
Pendant que ce type levait son bâton, deux autres bougres, rangés auprès d'une pétrolette le long du trottoir, semblaient attendre quelque chose.
Je parai mal le coup qui m'était destiné, si bien que j'eus le bras atteint de plein fouet; mais aussitôt je ripostais, après une feinte, à la tête de mon adversaire, qui eut la peau du crane fendue et la figure ensanglantée.
J'eus l'impression d'une agression préparée dans des conditions non réalisées, ou a demi réalisées.
L'affaire se termina au poste de police où mon assaillant, un corse inconnu de moi, du nom de Fieschi, me parut s'être trouvé en service commandé, bien que, plus tard, lors du procès en correctionnelle, il jura avoir agi spontanément, sous le coup de l'indignation, pendant qu'il cherchait un appartement à louer !...
Fieschi fut condamné à une légère peine de prison, avec sursis, et cette petite histoire fit un bruit disproportionné avec son importance.
On m'affirma que Briand et Bonnevay passaient juste à point, tous deux en voiture, boulevard Saint-Germain, devant la rue de Luynes, au moment de cette affaire baroque.
Etaient-ils prévenus, je n'en sais rien...
Je n'avais jamais eu, avec les Corses, que des rapports très cordiaux, et un de mes meilleurs amis de jeunesse était l'écrivain et poète de génie Lorenzo Vero, mort prématurément, et que je n'ai cessé de pleurer..."

Illustration : Chapelle où repose Lorenzo Vero, Cimetière marin d'Ajaccio...