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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

Léon Daudet vu par : Le Comte de Paris (Henri VI)

Léon Daudet vu par : Le Comte de Paris (Henri VI)

D'Henri, Comte de Paris, "Mémoires d’exil et de combats", Atelier Marcel Jullian 1979 (pages 83 à 85) :

"...Il y eut aussi, à la même époque décidément noire, la condamnation de Léon Daudet pour « crime d'amour paternel ». Daudet s'était battu comme un fauve contre la « police politique » qu'il accusait d'avoir assassiné son fils et d'avoir, ensuite, maquillé le meurtre en suicide.

On avait retrouvé l'enfant dans la voiture d'un chauffeur de taxi nommé Bajot.
Daudet s'était déchaîné contre lui, tant et si bien qu'il s'était vu condamner à la prison ferme pour diffamation à son encontre. Incarcéré à la Santé, il s'en était évadé, de façon spectaculaire, avec la complicité des Camelots du roi, et il avait trouvé refuge en Belgique.

Il s'installa alors avec sa famille, à Bruxelles, près des musées du Cinquantenaire, et nous nous rencontrions régulièrement, au moins une ou deux fois par mois. C'était un conteur extraordinaire. Je l'écoutais, ébloui.
On aurait dit qu'il savait tout, et il donnait de l'intérêt à tout.
Il me raconta son arrestation, rue de Rome, au siège de L'Action française, où il s'était barricadé. Chiappe, préfet de police, escorté de forces considérables, s'était présenté pour l'appréhender.
Des centaines de camelots, de sympathisants et de curieux se massaient autour de l'immeuble. Daudet s'était montré au balcon. Courtoisement, Chiappe l'avait exhorté à renoncer à un combat fratricide, qui ajouterait un sang innocent au sang innocent de son fils. La phrase avait porté. Léon Daudet était descendu. Une double haie de camelots et de policiers en uniforme lui avait rendu les honneurs alors qu'il se livrait à la discrétion du préfet de police.
Daudet était, de nature, irrespectueux.
Il se moquait, sans la moindre retenue, des gens du monde, des gens « convenables » qui peuplaient les salons monarchistes.
J'entendais, enfin, des propos qui correspondaient à mes impressions personnelles des réceptions où j'étais convié trop souvent.
Je m'en trouvais, en quelque sorte, comme libéré.
La Provence constituait également l'un de ses sujets favoris ainsi que la France, mais pas n'importe laquelle : la France culinaire, celle où l'on mangeait bien. Il en parlait, l'eau à la bouche.
Mais l'exil lui pesait. Français au-delà du possible, tout l'ennuyait hors du territoire national. Pour y remédier, il s'intéressait à la peinture flamande et à Goya qu’il baptisa “le peintre de la soif”, la sed espagnole..."