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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

"Coffré" et à-demi étranglé...

"Coffré" et à-demi étranglé...

De "Paris vécu", Première série, rive droite, page 130/131 :

"...Au cours de ces manifestations, je faillis être étranglé par des policiers en bourgeois, qui me traînaient vivement, mais, vu ma vigueur physique, avec peine, au commissariat de la rue Villedo, sombre petit boyau qui se jette dans la rue Richelieu, après la rue Thérèse...
A un moment donné, je réussis à ficher par terre mon paquet flasque de policiers et nous faisions dans la nuit noire un noeud de serpents.
Mais l'une de ces brutes, saisissant mon ample cache-nez, me le tordit autour du cou. Je crus que j'expirais.
J'arrivai, violet comme une aubergine, au poste, où ces aimables "hambourgeois" (pour gardiens de la paix habillés "en civil", en bourgeois, ndlr) me projetèrent à coups de pied et à coups de poing.
A ce moment, la scène changea. Il y avait là de nombreux gardiens de la paix en uniforme, de nombreux Camelots du Roi arrêtés, des journalistes.
Les Camelots, en me voyant ainsi traité, commencèrent à cogner à tour de bras, comme ils savent le faire.
Je me précipitais sur un personnage que je croyais être de mes étrangleurs, complètement étranger à l'affaire, et qui n'était autre que l'aimable M. Lefils, aujourd'hui haut fonctionnaire de la Préfecture.
Je le couvris de reproches peu amènes. Puis il me fallut reconnaître mon erreur (je mets la bonne foi avant tout et j'ose dire que c'est une de mes forces dans la vie publique) et, pendant ce va-et-vient, mes tord-cou s'étaient prudemment éloignés.
Les deux frères d'Harmenon, jeunes héros tués à la guerre, et mon vieux frère Pujo (vieux est une façon de parler, il est plus jeune que moi) me ramenèrent à mon domicile où ma femme me pansa, me détordit le col et me calma.
Il ne faut pas croire que tout soit rose et crème à la vanille dans la biographie d'une chef royaliste..."

Illustration : la rue Villedo (1er arrondissement), telle qu'elle se présentait à l'époque...