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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

Soutenu par Maurras, un père enterre son fils...

Soutenu par Maurras, un père enterre son fils...

De Paris vécu, Première série, rive droite, pages 44/45 :

"...Vingt-six ans plus tard, par cette même rue de la Roquette, à travers une rafale de neige en tourbillons, aux côtés de Maurras et toujours en compagnie du cher Lucien, je suivais cette même rue de la Roquette derrière le corbillard de notre Philippe, mort dans des conditions à ce moment-là mystérieuses, à l'âge de quatorze ans et demi.
J'avais signé une déclaration de "suicide", à la requête du Parquet, pour épargner à ma femme l'horrible image de l'autopsie, mais je me perdais en hypothèses de toutes sortes sur les raisons d'un pareil malheur, et si inopiné.
Les cordons du poêle (1) étaient tenus par des Camelots du Roi, camarades de Philippe, portant le brassard tricolore, que tant d'évènements et de drames ont rendu, à Paris, populaire.
Les rues, à cause du temps, étaient désertes.
Toute la perspective, montant au cimetière, était un linceul blanc, conforme au "candidus" du corbillard et des fleurs, car le pauvre petit innocent avait certes droit au blanc total.
Maurras, serré dans son paletot au collet relevé, regardait, de son oeil de lion, ce paysage, cette destinée, notre amitié, ma douleur.
Se penchant vers moi à travers la "bréfounié", comme on dit dans notre Provence, il murmura : "Le temps qui convient."
Ce sont de ces minutes où seule une foi solide écarte de la conception macbethéenne de la vie : "Un conte, dit par un idiot, plein de fracas et de furie, et qui ne signifie rien."
Quoi qu'en dise son Eminence Gasparri (2), je possède, heureusement, cette fois solide inébranlable, et elle m'a permis de résister à ce coup-là, le plus terrible qu'un combattant en lice puisse recevoir.
"En avant tout de même, mon pauvre vieux, me disais-je d'un coeur déchiré. La cause de ton pays d'abord."
Mais c'est égal, chaque pas était dur
et je croyais gravir une côte à pic, une paroi d'une blancheur fatale, au milieu d'une tempête de douleurs et d'anxiétés..."

Dans la foule qui suit le cercueil, entre autres, se trouvent
Emile Buré, Eugène Lautier, Paul Bourget, Georges Bernanos, Paul Morand, François Mauriac, Joseph Kessel, Raymond Poincaré, Raoul Péret, Jean Cocteau...

(1) : Dans les enterrements d'autrefois, "tenir les cordons du poêle", c'était tenir les cordons reliés au drap funéraire qui recouvrait le cercueil. On appelait "poêle" ce drap mortuaire, ou la grande pièce de tissu noir ou blanc, dont on couvrait le cercueil pendant les cérémonies funèbres.

(2) : Cardinal Secrétaire d'Etat au Vatican, sous les papes Benoît XV et Pie XI et germanophile enragé.

Illustration : Au cimetière du Père-Lachaise, Philippe Daudet repose au centre de la 41ème division, dans un tombeau dans lequel se trouvent, parmi plusieurs membres de la famille Daudet, sa mère, Marthe ALLARD-DAUDET (1878-1960), ainsi que son demi-frère Charles Daudet (1892-1960), que Léon Daudet avait eu de Jeanne Hugo.
Son grand’père Alphonse repose, lui, dans le même cimetière, mais 26ème division.
Son père, Léon Daudet, repose à Saint-Rémy-de-Provence, avec ses deux autres enfants, Claire et François, frère et soeur de Philippe.