...et celui qui empêcha Daudet de devenir Sénateur
"...J'avais usé, en vain, quatre ans et demi de mon existence.
Mon échec du 11 mai 1924 fut ainsi, pour moi, une délivrance..." : Daudet, même s'il fut probablement déçu, et peut-être même blessé, semble donc ne pas avoir pris trop au tragique la fin d'une expérience qui - si elle lui offrait une tribune intéressante - lui prenait beaucoup de temps; en s'arrêtant, cette expérience lui rendait ce temps précieux, qu'il retourna occuper au journal quotidien, à la même table de travail que Jacques Bainville, comme "avant"...
Un an après, cependant, la perspective de devenir Sénateur s'offrit à lui, et il faut croire que la nouvelle tribune qui lui aurait été ainsi offerte l'intéressait, ainsi que le mouvement royaliste, puisqu'il fit tout ce qu'il put - mais en vain, on va voir pourquoi et comment... - pour conquérir ce siège, non plus de Député mais de Sénateur...
En 1925, mourut Jules Delahaye, député puis sénateur royaliste du Maine-et-Loire.
Sur la proposition du sénateur Dominique Delahaye, frère du défunt, Léon Daudet fut désigné comme candidat à sa succession. Tout le monde accepta cette proposition, mais c'était compter sans les "combinazione" du Pays légal, et les coups fourrés des adversaires politiques et religieux du royalisme, dans le monde catholique (déjà, les "démocrates-chrétiens" !...).
"On" suscita donc, finalement, une autre candidature "anti cartel" (le Cartel des Gauches venait de gagner les élections, balayant la "Chambre bleu horizon", élue après la Guerre, et dont faisait partie Léon Daudet).
"L'Ouest Eclair", organe de l'abbé Trochu, avait déclenché une violente campagne contre Léon Daudet, et contre la Fédération nationale Catholique, qui le soutenait.
Evidemment, dans ces terres qui votaient "royaliste", présenter deux candidats de la même sensibilité revenait à laisser les "cartellistes" choisir "le moins pire", à leurs yeux...
Gilbert Fabien-Cesbron, M. Manceau et M. de Cathelineau se présentèrent donc contre Léon Daudet
Au premier tour, les voix se répartirent ainsi :
- Cartel des Gauches : Tardif, 275 voix;
- Anti-Cartel : Léon Daudet, 399 voix.
- Manceau : 278;
- Cesbron : 29;
- Cathelineau : 4;
Total : 650.
Léon Daudet, ayant obtenu largement la majorité absolue des voix anti-cartellistes, aurait dû rester seul candidat au deuxième tour.
Mais, au lieu de s'incliner, Manceau déclara qu'il "remerciait ses 278 électeurs" et qu'il "faisait appel à tous les angevins sans distinction de parti" !
L'adage est bien connu : "au premier tour, on choisit; au second, on élimine".
Les cartellistes votèrent comme un seul homme pour "le moins pire" pour eux, c'est-à-dire pour Manceau, afin d'éliminer le plus dangereux.
Et Léon Daudet fut battu : le 28 juin 1925, Manceau fut élu au deuxième tour par 494 voix sur 935, contre 357 à Léon Daudet, pourtant arrivé en tête au premier tour.
Et voici comment, après avoir été "écarté" d'une Chambre où il avait été élu ès-qualité - et où il devait être réélu- Léon Daudet fut ensuite écarté d'un Sénat - mais, là, sans avoir même pu y entrer... -alors que, du simple point de vue de la "légitimité arithmétique", qui est théoriquement celle des élections, sa victoire y était acquise...