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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

Le tripatouillage qui empêcha la réélection...

Le tripatouillage qui empêcha la réélection...

En 1924, pour les élections qui donnèrent la majorité à la Chambre au Cartel des Gauches, Léon Daudet, l'un des députés les plus assidus de toute la législature, ne manquant quasiment aucune séance, était assuré d'être réélu. Même des adversaires - honnêtes - reconnaissaient ses qualités et son sérieux comme député, tel Ludovic-Oscar Frossard, ancien secrétaire général du Parti socialiste : "Léon Daudet, le plus assidu des parlementaires", écrit-il dans son "Sous le signe de Jaurès. Souvenirs d'un militant".
C'était compter sans les "combinazione"
et tripatouillages du Pays légal, qui ne souhaitait nullement cette réélection.
Comment l'empêcher ? : de la façon la plus simple du monde, en traficotant la carte électorale, mais pas partout : là, par exemple, où le "changement" gênait Daudet, mais pas là où il aurait gêné Briand. C'est comme l'oeuf de Colomb : c'était très simple, il suffisait simplement d'y penser...
Léon Daudet a raconté - en les rapprochant - les deux manoeuvres parallèles, celle menée contre lui, en modifiant "son" secteur, et celle menée pour Briand, en ne modifiant pas le sien...

De "Député de Paris", pages 225/226 :

"...Vers la fin de la législature, à l'une des dernières séances, comme on s'occupait des élections prochaines, le petit Louis Dubois (as défraîchi du 16 novembre !) prit feu et flamme pour le rattachement de deux députés de Paris à la banlieue de Paris, plus mal partagée, eu égard à sa puissance numérique.
Il obtint gain de cause après un discours passionné, qui avait complètement épuisé ce petit maigrichon jaune, haut de soixante-quinze centimètres.
Mais gain de cause grâce au papa Saumande, qui mit ses batteries à disposition.
Ce vote, dirigé contre moi, à la demande du Vatican "allemand" comme je l'ai su depuis, diminuait mes chances de réélection, en augmentant le quotient nécessaire.
C'est ce qu'on voulut bien me faire observer tout de suite.
Dans le même temps Poincaré, aidé d'un maître-chanteur et policier bien connu, combinait, avec ce débris d'ex-amiral Bienaimé, une liste, opposée à la nôtre, dans le troisième secteur.
Un voyou de gauche du nom d'Antériou, mon collègue, allait répétant : "Il faudrait à Daudet le triple du quotient pour être élu".
Le surlendemain, comme il était question de sectionner la Loire-Inférieure (ce qui eût laissé Briand à sec et les ouïes en l'air), on vit le vieux souteneur "non, mais de quoi, mais quoi donc !" quitter sa place, avec sa petite bosse carabosse et ses pellicules et venir caresser Saumande, assis au centre devant ses 145 boîtes à malice (1).
Un colloque secret et rapide s'engagea. Le vote eut lieu. Les cent quarante-cinq boîtes de Saumande se portèrent au secours de Briand, qui échappa ainsi au sectionnement de la Loire-Inférieure
et put redevenir "menistre" - du bloc de gauche, cette fois ! - en 1925.
Un député de la Loire-Inférieure, que je suppliais d'appuyer le sectionnement me répondit : "Je ne ferai pas cela; entre collègues, ce ne serait pas chic."
Pauvre garçon ! Il rendit possible Locarno et Thoiry !..."

(1) : aujourd'hui, les députés peuvent voter "électroniquement" pour des confrères absents : à l'époque, on n'en était technologiquement pas là, mais la même pratique existait...