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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

26 avril 1960 : Pampille, la dernière à partir...

26 avril 1960 : Pampille, la dernière à partir...

On l'a bien vu, tout au long de cet Album : celle dont Daudet parlait comme de "mon second et véritable mariage", Marthe Allard, sa cousine, a été la compagne discrète mais constante et efficace de toute sa vie; le soutien et l'appui indéfectible, la présence indispensable pour traverser les épreuves et rester toujours, malgré tout, en première ligne...
D'abord, catholique et royaliste à l'époque où Léon, suivant en cela les traces de son père, avait en quelque sorte rompu la tradition "blanche" de sa famille (notamment de son grand'père Vincent Daudet), Marthe Allard est à l'origine directe du "retour" de Léon à la tradition royaliste familiale; elle fut aussi, grâce à l'héritage de 100.000 francs que lui laissa Madame de Loynes, et qu'elle offrit au quotidien naissant, l'une de celles qui permit au quotidien de voir le jour; avec son amri, ellle "monta le calvaire" de l'assassinat de leur petit Philippe, puis accompagna Léon dans ses "Vingt-neuf mois d'exil" en Belgique, "pour crime de paternité"...
"Nous sentons de même, et presqu'en même temps...", dit Daudet de son union avec elle, parlant à ce propos d'un cas rare de "synchronisme conjugal"...
Marthe Allard sera donc la dernière à partir, la dernière de ce groupe du tout premier cercle : Jacques Bainville (1936), son mari Léon Daudet (1942) et Charles Maurras (1952); un groupe qui fut indéfectiblement uni par l'Amitié, ce que Bainville appelait la "vertu de l'amitié" mais que l'on peut aussi considérer comme le miracle de l'amitié, qui a su réunir, malgré des tempéraments et des façons d'être si différents, et pendant toute leur vie (puisque seule la mort les sépara) ceux à qui, au début de l'aventure du quotidien, en 1908, on donnait trois mois à peine, six au maximum...
Leur amitié a duré toute leur vie, car elle fondée sur le fameux "eadem velle, eadem nolle, ea est vera amicitia", que cita Léon Daudet devant le cercueil de Jacques Bianville, le 9 février 1936...
C'est donc, au moment d'évoquer le départ de Marthe Allard, Pampille, sur une affirmation supplémentaire de cette amitié mutuelle que nous clôturerons la partie évènementielle de cet Album : lorsque Charles Maurras fut élu à l’Académie française, l’Action Française lui a consacré, le 16 juin 1938, un numéro spécial de son supplément littéraire.
Voici l'article de Mme Léon Daudet : "Dans le jardin de l'amitié"

"Il fait bon se promener dans le jardin de l'amitié en compagnie de notre cher Maurras.
Ceux qui ne le connaissent que par son œuvre immense, son étonnant labeur, ses vastes connaissances, son optimisme sans pareil, le connaissent-ils vraiment ? Je ne le crois pas tout à fait...
Ses admirateurs, et ils sont nombreux, peuvent déjà le contempler à travers ses écrits, comme s'ils avaient devant eux sa statue, modelée par un artiste grec, en plein soleil, dans un beau et grave paysage de Provence.
Car, sur cette terre, où presque rien ne dure, Charles Maurras, dès son vivant, représente la fidélité de la pensée et du sentiment, ses amis savent qu'il ne change pas, quelles que soient les influences ou les circonstances de la destinée, et qu'il n'abandonne jamais ceux qui ont mis en lui leur confiance et leur affection.
Cependant, dans l'éclatante lumière de sa vie publique, combien de nuances et combien de rayons dans cette riche nature peuvent nous échapper... (N'est-ce pas au-delà du prisme que l'on fait les plus belles découvertes ?...).
Je veux donc simplement aujourd'hui, en fermant les yeux sur le présent, évoquer la douceur des journées d'amitié parfaite passées à Martigues, dans sa chère maison, avec sa mère si compréhensive et si bonne, qui savait faire régner chez elle, malgré son grand âge, l'affection et la fermeté, mêlées à une si émouvante spiritualité.
C'est en parlant avec Mme Maurras que j'ai le mieux compris son fils. Il lui ressemble tellement !
Attachés à tous leurs devoirs, prenant toutes leurs responsabilités, ne négligeant rien, ni personne, donnant tout, ils étaient tous les deux comme les reflets d'un même divin miroir; il n'avait pas pour elle, comme ont souvent les fils, un amour de condescendance, ils se comprenaient à merveille, sans paroles, doués de la même finesse sur un fond secret héroïsme ; ils savaient, au courant des jours, se montrer gentils, pleins de gaieté et de simplicité, et leur double présence ravissait leurs proches.
Aussi, hier, en apprenant, avec quelle joie! dans le vestibule de l'Institut, l'élection de Charles Maurras à l'Académie française, ma première pensée fut-elle d'associer aussitôt cette joie à celle de tous les siens absents : à sa mère; à son frère Joseph qui l'aimait tant; à la longue lignée de ses "Avi, si sages, si sages" qui devaient être fiers de voir enfin reconnues officiellement en France la valeur morale et la force intellectuelle de leur descendant.
Oui, c'est à Martigues et aussi à Roquevaire que mon cœur a bondi par le message de la prière, dès que j'ai su la bonne nouvelle; et le jardin de l'amitié et du souvenir soudain s'est fleuri de milliers de roses.

Madame Léon Daudet, "Pampille"...