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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

"Du jour où je rencontrai Maurras..." (II)

"Du jour où je rencontrai Maurras..." (II)

De "Vers le Roi", pages 15 à 21 (deuxième partie, pages 17 et 18, suite immédiate du document précédent) :

"...Que de fois, au cours d'une situation difficile, embrouillée, politique, juridique, journalistique, littéraire, que de fois l'ai-je vu arriver de son pas rapide, intervenir, s'informer, et aussitôt, en un éclair, résoudre.
Il creuse, dans le sable de la discussion, des fulgurites.
Nul d'ailleurs ne débat longtemps avec lui, tant son jugement souverain emporte l'acquiescement : "Ce diable de Maurras a toujours raison", disait Lemaître, feignant d'en bougonner.
A cette imagination, vaste et équilibrée, les difficultés apparaissent ainsi qu'une série de barrières, qu'il lève d'une seule conception juste, adaptée au détail, comme à l'ensemble.
Il n'y a pas pour lui de cas désespéré, ni d'effort vain, ni de mal sans remède, ni d'embêtement sans baume, ni de revers sans revanche, ni d'envers sans endroit.
Il relève d'un mot celui qui fléchit, console d'un geste celui qui a de la peine, dissipe d'un trait une objection mal fondée.
Il vous rend l'énergie, en aiguisant votre clairvoyance. Sa compétence est universelle et sa mémoire n'oublie aucun incident.
La centaine de lettres qu'il reçoit chaque jour demeure, étalée et distincte dans son esprit, cela pendant des mois, des années.
Il saisit de loin, aux regards, le tour et le joint d'un débat.
Il faut le voir, recueillant les avis, les pesant, les rejetant, les acceptant, les conjoignant, réglant les différends, recevant les nouvelles, bonnes ou mauvaises, du même front serein.
Sa vie intérieure, incandescente, dévore toutes les circonstances de la vie extérieure et politique, comme un chalumeau, passant sur des bandes de cire colorées.
Mais il en résulte des formes nouvelles et qui, désormais, ont sa marque, devenues maurrassiennes.
Il est arrivé à Paris, sans fortune, sans influence, presque sans relations.
Il a vécu, pendant des années, dans un immense labeur silencieux, ainsi qu'un moine dans sa cellule.
Puis, peu à peu, des disciples sont venus à lui, conquis par sa richesse intellectuelle, son vaste bon sens et l'amplification raisonnée qu'il donne au monde et aux créatures.
Le bruit s'est répandu que derrière les politiciens, et au-dessus d'eux, il y avait, en France, un grand politique, mais entêté - croyait-on alors - dans une conception surannée du pouvoir royal, jugée irréalisable.
Or, ceux qui se mettaient à l'école de Maurras commençaient par goûter la joie incomparable de comprendre.
Bientôt ils entrevoyaient, au contraire, l'extrême possibilité - au milieu de l'enchaînement des circonstances - de ce plan de restauration intégrale.
Or, personne n'a le droit, quand il a entrevu une fois la vérité, religieuse ou politique, de s'y soustraire, sous le fallacieux prétexte qu'il est difficile de l'obtenir.
Le "multa renascentur quae jam cecidere" n'est-il pas une des lois du développement des sociétés, qui, sans elle, rouleraient à l'abîme.
L'avenir ne s'éclaire que dans la mesure où le présent demande au passé ses leçons éprouvées.
L'humanité procède par reviviscence, et par enveloppement d'aspects renouvelés, dans les principes éternels de la Raison..." (continuation, et fin, dans le document suivant).

Illustration : Maurras à l'Action française.