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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

...devenue "l"affaire Dreyfus" à cause de Zola

...devenue "l"affaire Dreyfus" à cause de Zola

Le nationalisme français et tous les patriotes en général (ceux qui voulaient préparer la France à la guerre qui venait), et l'Action française en particulier, ont donc été englués dans une "affaire Dreyfus" qui, en réalité, n'était pas au départ un problème d'homme (le capitaine Dreyfus) mais une machination d'un Etat (l'Allemagne) visant à affaiblir un autre Etat (la France) à travers son armée, afin de mieux l'écraser, après avoir enfin trouvé le prétexte pour lui déclarer la guerre, voulue par lui depuis tant d'années.
Toutes proportions gardée ("mutatis mutandis..."), on pense à l'affaire Galilée, dans laquelle s'est laissée empêtrer l'Eglise catholique, et qui lui a fait tant de tort, jusqu'à aujourd'hui encore...
Ou, si l'on veut prendre les choses avec le sourire - s'il est permis de sourire à propos d'un évènement aussi tragique...- on pense au sparadrap du capitaine Hadock, dans "Tintin et l'Affaire Tournesol"...

Comment cela a-t-il été possible ?

Par la volonté du "parti pacifiste", qui pensait naïvement qu'en ne préparant pas la guerre, en donnant des gages d'amitié à l'Allemagne, en évitant de lui résister en quoi que ce soit, on désarmerait son bellicisme, on viendrait à bout de ses "va-t-en-guerre" et, en tous cas, on ne lui donnerait pas l'occasion de faire la guerre.
Léon Daudet et l'Action française (et bien d'autres) pensaient exactement le contraire, disant que céder sans cesse ne faisait qu'encourager l'adversaire à demander toujours plus, et préféraient plutôt la sage maxime latine, "Si vis pacem, para bellum" : seule la force d'un pays dissuade un adversaire de l'attaquer, s'il sait qu'en le faisant il sera vaincu...

Il restait au "parti pacifiste" à trouver le coup d'éclat qui lui permettrait de faire triompher son point de vue : Zola devait le lui fournir...
Comme le rappelle très bien le site "Maurras.net", en 1896, Zola "est un personnage orgueilleux, imbuvable et irascible, qui a perdu ses disciples et que le jeunesse littéraire repousse car elle ne voit en lui qu’une vieillerie dépassée incapable de se renouveler, un auteur à fric qui n’écrit que pour vendre et qui pense plus à vendre qu’à écrire,
Curieux Zola, dont la vulgate moderne ne veut retenir que le fameux "J’accuse". On ne sait plus guère ce que fut le Naturalisme, ni ses liens étroits et revendiqués avec des conceptions de la science et de la société qui prévalaient alors, et qui ont été cent fois dépassées depuis par de nouvelles vagues des progrès de la connaissance et des modes associées. On ne veut voir dans la série des Rougon-Macquart qu’un documentaire sur la misère du peuple, forcément objectif puisque l’indignité est du côté des riches.
Or, avec l’affaire Dreyfus, Zola tente un coup de poker qui s’avérera gagnant, au-delà de toute mesure. Il se refera devant l’Histoire officielle une virginité inattaquable. Et le Zola oublié, c’est désormais celui des années précédant le "J’accuse", ces années de gourou désavoué bavant de rancœur et fourbisseur d’anathèmes..."

Daudet et Bainville ont analysé - dans le même sens - le rôle joué par Zola, et donné leur point de vue. On va donc clôre avec eux ce sujet, et ce qui n'aurait jamais dû devenir "L'Affaire Dreyfus".

1. De Léon Daudet, "Au temps de Judas", pages 58/59 puis 63/64 :

* pages 58/59 :
"...Zola en voulait à la France, qui n'accordait à son ambition effrénée qu'une sorte de célébrité honteuse et décriée, ainsi qu'au roi des vidangeurs.
Il en voulait à la société, à la critique, un peu à tout le monde. Naturellement craintif et même peureux, se cachant sous son lit quand tonnait l'orage, il devint courageux, civilement parlant, du jour où il s'agit de combattre cet objet, pour lui dépourvu de sens, mais non certes d'une gloire qui l'offusquait : le drapeau tricolore. C'est un haut degré, et saisissant, d'un vice, quand il peut susciter une vertu, même appliquée à un but ignoble.
Il est ironique de songer que fut solennellement transféré au Panthéon (par un régime, il est vrai, antinational) le plus grand et incontestable souilleur de ce qui fait la grandeur et la noblesse de l'homme ici-bas..."

* pages 63/64 :
"... Au moment où éclata l'Affaire, la célébrité spéciale de Zola était en baisse.
Quelques années auparavant avait paru un manifeste littéraire (comme on disait alors) signé de jeunes écrivains, tels que Bonnetain, Rosny aîné, Paul Margueritte et Gustave Guiches, si j'ai bonne mémoire, qui rompaient avec le "maître" impur de Médan, et lui tiraient leur révérence.
Vers la même époque, Huysmans lui secouait les puces, dans une préface à son livre "Là-bas". Henry Céard s'était, de son côté, détaché du cénacle.
Jules Huret menait une enquête sur la mort du Naturalisme.
Zola, désemparé par toutes ces défections, tâtonnait. Il avait comiquement essayé du roman "chafte" et même "myftique, mon bon" avec "Le Rêve", qui a l'air d'une image de missel, oubliée, dans un mauvais lieu, par un bourgeois hypocrite et papelard.
Il y a quelque chose en effet de pire que le Zola de fosse d'aisance : c'est le Zola d'aspiration virginale. Son bleu vitrail semble le résultat de la distillation d'un engrais, et ses séraphins ont le souffle et la mine d'échappés d'un pénitencier. Dans cette oeuvre surchargée, informe, nauséabonde, rien de plus repoussant que "Le Rêve" !
Avec la campagne en faveur de Dreyfus, Zola s'imagina qu'il se renouvelait, qu'il s'embarquait pour la grande politique.
Il est mort, heureusement pour lui, treize ans avant le terrible démenti donné à ses fariboles sur la paix universelle, qui rejoignaient, par les sentines et les chambres de bonnes, celles de Jaurès..."

2. De Jacques Bainville, tiré du livre de Dickès, "Jacques Bainville, La Monarchie des Lettres...", page V :

"...Cependant Bainville, tout comme l'Action française en 1899, est aussi "né" à la politique. Il possède néanmoins la particularité d'être dreyfusard sur le plan judiciaire, mais antidreyfusard d'un point de vue politique. La condamnation du capitaine juif l'indigne; la récupération et le traitement de l'affaire par Zola ou Clemenceau le révoltent tout autant.
Alors qu'il est à Munich en 1898, il écrit à Georges Guéneau, son cousin (lettre du 17 septembre 1898, ndlr) : "je vois ici un jeune homme de Paris qui est juif et dont le père était un Alsacien de Mulhouse : vous pensez s'il est dreyfusard. Il m'a dit pourtant l'autre jour : "Zola a fait du mal à la cause. Si ç'avait été un homme moins brutal qui se fût chargé de défendre Dreyfus, il aurait parlé au nom seul de la Justice et aurait convaincu tout homme de bonne foi. En commençant par insulter l'armée, il a ébranlé la fibre nationale, c'était une grosse faute de tactique. On l'a vu. S'il avait jeté moins de boue, s'il s'était adressé à la conscience de chacun, il eût réussi bien plus vite. C'est aussi mon humble opinion."
Derrière son aversion pour Zola, il y a chez Bainville un rejet de toute forme de moralisme, rejet que l'on retrouvera dans son analyse du traité de Versailles, inspiré précisément par l'idéologie moraliste wilsonienne..."

Et, du même ouvrage, page 1021 :
"...N'est-il pas malheureux, en effet, de voir des Français qui parce qu'ils sont d'opinion différente s'excommunient réciproquement et se mettent les uns et les autres "hors de la patrie". Ce serait grotesque si ce n'était pas si triste. Mais je ne puis m'empêcher de croire que cela ne serait pas arrivé si c'était un autre homme que Zola qui eût pris la cause en main.
Le peuple de France n'est pas si bête qu'on veut bien le dire. Il a tout au moins "l'idée" de la Justice. Si l'on s'était efforcé de lui faire comprendre qu'il ne s'agissait que d'une question de droit et d'équité, on eût vite obtenu la révision. Qui sait ? Peut-être même un mouvement de sympathie pour Dreyfus. Mais il eût fallu pour cela un homme un peu plus habile que Zola. Il eût fallu un Renan ou un Hugo. Zola a cassé bêtement les vitres. Il n'a pas compté que la fibre nationale en France est très sensible, il l'attaque dans ce qui la représente : l'armée. Il s'y est pris si adroitement que la révision de ce procès devait apparaître comme une défaite du ministère de la Guerre et de nos officiers. Je ne nie pas le courage de l'intervention de Zola. Je reconnais même dans son acte une certaine grandeur. Mais je n'ai jamais aimé la brutalité, l'injure grossière, inutile et bête, qui ne prouve rien. J'en veux d'autant plus à Zola que c'est lui, lui seul avec sa lettre aux outrages matérialistes, qui m'a empêché d'être tout de suite du "bon parti"...".