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Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville.

Thiers, vrai fondateur de la République (III/III)

Thiers, vrai fondateur de la République (III/III)

....Longtemps hostile au suffrage universel autant qu'à la République, Thiers avait observé, durant le règne de Napoléon III, combien la masse électorale était docile pourvu que les intérêts élémentaires fussent satisfaits. Il ne doutait plus que, sous un régime républicain, le suffrage universel n'assurât la même stabilité.
Il n'est pas exagéré de dire que la Troisième République a été conçue par un homme, qu'elle est sortie de son cerveau, qu'il lui a imprimé la forme qu'elle a gardée logtemps. Il reste à montrer comment les choses allaient collaborer avec Thiers pour entraîner la France vers la conception que, malgré son prestige et sa force de persuasion, il n'eût pas eu le pouvoir d'imposer. Animées jusque-là de tant de méfiance à l'égard de la République, les classes moyennes subirent sans doute l'influence de l'homme qui les représentait le mieux. Elles firent le raisonnement que si M. Thiers assurait que ce régime était le meilleur, ou le moins mauvais, ou celui que recommandaient les "circonstances", M. Thiers avait ses raisons et qu'il fallait l'écouter parce qu'un homme comme lui, qui avait donné tant de preuves de clairvoyance, ne pouvait pas commettre d'erreur sur un point aussi important. Encore était-il nécessaire que certaines conditions fussent remplies. C'étaient celles que Thiers lui-même avait posées pour que la République ne versât pas dans l'anarchie et ne finît pas par une dictature comme les deux premières. Et ces conditions ce n'était pas de Thiers qu'elles dépendaient, pas plus qu'il n'allait dépendre de lui qu'une restauration monarchique échouât.
Ainsi la part de l'accidentel et du fortuit se dégage de ces origines. L'émeute du 4 septembre se trouve au point de départ. Sans elle, pas de République. Le Corps législatif, gardant la direction des affaires, eût conclu promptement la paix sans prolonger une lutte inutile. La guerre eût probablement fini après Sedan comme après Waterloo ou d'une façon qui eût beaucoup ressemblé à celle-là. Ce qui se fût passé ensuite, il est impossible de le conjecturer. Cependant il est douteux que Thiers eût possédé le pouvoir durant deux années. En toute hypothèse, il ne l'eût pas exercé avec le même prestige parce qu'on n'aurait pas eu la guerre à outrance, le siège de Paris, la Commune, avec la situation et les idées qui en découlèrent. Pas davantage, l'Assemblée ne se fût comparée à celle du 8 février. Et cette Assemblée, en majorité monarchiste, était elle-même nécessaire pour la fondation d'une République durable et de "juste mlilieu", selon l'avis que Thiers avait donné aux républicains lorsque, se tournant vers eux, il leur avait dit : "Elle sera le prix de votre sagesse."