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Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville.

1948 : Comment s'est faite la Restauration de 1814

1948 : Comment s'est faite la Restauration de 1814

Cette très courte plaquette (47 pages et 8 chapitres) fut publiée en 1948, plus de douze ans après la mort de Bainville.
Elle est lumineuse, et - comme on vient de le dire - on fait une entorse à la chronologie, en la plaçant maintenant, car elle répond d'une façon définitive à la caricature aussi mensongère que grossière de "l'ouvrier imprimeur", ce "prolétaire" par la citation duquel Bainville ouvre son chapitre II de "L'Histoire de trois générations"...

Apprendre et savoir, en vérité, "Comment s'est faite la restauration de 1814" est l'occasion de rendre justice à des personnes méconnues, de celles dont parle Edmond Rostand, dans "L'Aiglon" quand il évoque "les petits, les obscurs, les sans-grades..." et à l'une d'entre elles en particulier.
Ces personnes méconnues, ce sont la masse des royalistes de base, à Paris surtout, mais aussi dans toute la France : Bainville explique, par exemple, comment la proclamation spontanée de la royauté à Bordeaux impressionna fortement les quatre souverains étrangers qui venaient d'entrer dans Paris.
Or, ces souverains, on l'a oublié aujourd'hui, ne se souciaient absolument pas de restaurer une monarchie française bourbonienne qu'ils détestaient.
Leurs préférences allaient du démembrement de la France (pour ceux qui nous haïssaient le plus : Anglais et Prussiens) à un vague désir de République (pour les Russes, le Tsar étant assez hésitant sur le sujet...) voire à une entente avec... Napoléon (pour les Autrichiens) ! Napoléon avait en effet épousé une princesse autrichienne, comme Louis XVI, lui, l'héritier de la Révolution !...

Si la Restauration a donc pu avoir lieu - malgré l'intermède criminel des Cent Jours - c'est parce que la masse obscure des royalistes, dans toute la France, aussi bien qu'à Paris, a agi pour qu'il en soit ainsi.
C'est bien ce que démontre Jacques Bainville dans ce petit opuscule - qu'il appelle "étude" - et dont on va lire quelques courts extraits, "Comment s'est faite la Restauration de 1814."

1. "Ces royalistes, il importe de bien s'entendre, n'étaient pas du tout des "agents des princes". C'étaient de simples citoyens français, convaincus de la nécessité de rétablir la royauté pour sauver la France du désastre complet, du partage à la polonaise qui la menaçaient.
C'étaient même des femmes à l'esprit cultivé, au lucide patriotisme comme cette Aimée de Coigny, la "Mademoiselle Monk" dont Maurras a conté l'aventure dans son livre "L'Avenir de l'Intelligence".
Vitrolles (voir le document suivant, ndlr) fut le type de ces patriotes français qui se mirent en campagne pour faire prévaloir l'unique solution nationale, l'unique solution raisonnable qui était la solution royale.
Sans lui et sans les hommes de sa trempe, la France de 1814 aurait eu un de ces gouvernements que l'étranger amenait, et pour de bon, dans ses fourgons : cette régence de Marie-Louise sous la tutelle autrichienne qu'acceptait Napoléon dans sa conversation avec Wessenberg, le règne de Bernadotte ou d'Eugène de Beauharnais, candidats qui souriaient à plusieurs des Alliés, la République même, à laquelle pensait le Tsar, alléché par les souvenirs de la Pologne, - exactement comme Bismarck devait y penser soixante ans plus tard...."

Bainville explique ensuite comment Vitrolles dut procéder pour arriver à ses fins.
Il lui fallut d'abord convaincre Talleyrand, et l'amener à admettre la solution royale.
Et aussi - malgré ses répugnances bien compréhensibles... - Fouché.
Ainsi appuyé par ces deux dignitaires qui rendaient crédibles sa proposition aux yeux des Alliés, et s'appuyant sur l'intense travail des royalistes sur le terrain, dans toute la France, Vitrolles n'eut plus qu'à recueillir les fruits de la brochure de Chateaubriand, "De Buonaparte et des Bourbons", dont on sait que Louis XVIII devait déclarer qu'elle lui avait été plus utile qu'une armée de cent mille hommes...
A partir de là, la Restauration était assurée.

2. "Il manquait, après cela, quelque chose encore pour que la Monarchie fut faite. D'abord que Napoléon, abandonné de tous, se décidât à abdiquer : il fallut cela pour que les souverains alliés renonçassent complètement à leurs projets sur la France.
Il manquait encore que Chateaubriand lançât sa fameuse brochure "De Buonaparte et des Bourbons", "inspirée par la divination de l'inquiétude générale", et qui traduisit à l'usage du peuple français, avec magnificence, les raisons positives pour lesquelles Talleyrand s'était rallié à la cause royale.
Alors l'acclamation populaire grandit, emporta tout...
Avec Vitrolles et les royalistes obstinés qui n'avaient jamais ni désespéré ni cédé, Talleyrand et Chateaubriand - les hommes le moins faits pour s'entendre - avaient été les vrais, les seuls artisans de la Restauration.
Ils l'avaient imposée aux Alliés.
En sorte que le Sénat put voter, le 6 avril, ce texte que le Corps législatif devait approuver le 9 :
"Le peuple français appelle librement au trône Louis-Stanislas-Xavier de France, frère du dernier roi."
Ce "librement" est un des mots historiques les plus vrais qui aient jamais été prononcés.
Au terme de cette étude, c'est celui qu'il faut retenir."