Expansion de l'art ogival (ou "art français")...
Ce n'est pas tant la croisée d'ogives (connue par les architectes romans) qui caractérise le nouveau style que va imposer Suger. C'est bien plutôt le passage du mur porteur au pilier porteur.
Les parties hautes (charpente, toiture...) sont supportées par des ogives,
qui retombent désormais, non sur les murs, mais sur des piliers
Pour faire court, le bâtiment roman fonctionnait par muralité, c'est-à-dire que le poids des parties supérieures (charpentes et toitures, sommet des murs et des tours etc...) reposait intégralement sur les murs extérieurs. Ceux-ci devaient donc être extrêmement épais et, par voie de conséquence, ne pouvaient ni monter très haut ni être percés de trop larges fenêtres, ce qui les aurait affaiblis et aurait entraîné l'écroulement de l'ensemble.
D'où, à l'intérieur, cette ambiance très intime de l'Art roman. Au demeurant fort belle et fort prenante, et tout à fait propre à élever l'âme...
Avec le nouveau style, et Suger, tout va changer.
L'idée est, bien sûr, de faire se croiser les ogives, mais surtout et essentiellement de reporter au maximum la poussée des parties supérieures sur des piliers : énormes (voyez ceux de Notre-Dame de Paris) ces piliers vont soulager les murs; qui, du coup, pourront monter beaucoup plus haut mais, surtout, être percés de larges baies.
Voire même, comme à la Sainte Chapelle, disparaître presque complètement. D'où des édifices inondés de lumière à l'intérieur (voyez Amiens...) et une ambiance radicalement différente de celle de l'art roman.
Il s'agit bien là d'une conception théologique de la lumière, pourrait-on dire : cette lumière qui inonde tout, et qu'il faut laisser entrer à flots, pour Suger, c'est évidemment "la" seule et unique vraie lumière, celle du Christ, éclairant et illuminant les hommes.
C'est à Saint Denis que Suger a donné le premier exemple de cet art nouveau, l'art ogival, illustrant magnifiquement sa superbe devise: De materialibus ad immaterialia (conduire les hommes, aux moyen des choses matérielles, vers les choses immatérielles....)