I/III : Les invasions normandes...
Le fait marquant du règne de Charles le Chauve et de ses successeurs, jusqu’aux premières années du X° siècle, fut les invasions des Northmen (les hommes du Nord.) : les Normands.
En outre, comme on peut le constater en regardant la carte ci-dessous, les vikings n'attaquèrent pas uniquement les côtes de France, mais s'en prirent à l'Europe entière, progressant jusqu'à Constantinople.
Ces invasions n’eurent pas que des conséquences économiques (pillages, etc.) : en dévoilant la faiblesse des dirigeants carolingiens, elles précipitèrent la chute de cette dynastie, préparant l’avènement d’une nouvelle famille : les Capétiens.
Elles achevèrent aussi la formation, depuis longtemps commencée, de la féodalité.
I : Origine et caractère des Normands :
Les Northmen étaient originaire de la Scandinavie, nom vague sous lequel l’on désignait à l’époque la Norvège, le Danemark et la Suède.
D’humeur guerrière et aventureuse, ils sillonnaient la mer du Nord sur leurs drakkars, des barques plates et longues, ne possédant pas de pont.
Ils débarquaient ensuite sur les côtes, s’aventurant intrépidement dans l’intérieur des terres, pillant tout sur leur passage.
Il leur arrivait aussi de remonter les fleuves sur des bateaux plats, allant jusqu’au cœur de la France rançonner les plus riches villes du royaume.
Les Normands n’avaient pas été convertis au christianisme, vénérant encore les dieux scandinaves, comme les Saxons le firent avant d’abjurer leur foi. Ces derniers n’hésitaient donc pas à incendier et piller les églises, tuer les représentants du culte, en l’honneur de leur dieu, Odin.
II : Premières incursions des Normands :
Les Normands avaient pénétré une première fois en méditerranée sous le règne de Charlemagne, mais ce dernier avait établi des flottes sur la manche et sur la côte de l’Océan Atlantique pour se protéger contre leurs excursions.
Leurs excursions se firent plus fréquentes à la mort de Louis le Pieux, alors que la guerre civile faisait rage, laissant l’Empire sans défense contre les ennemis extérieurs.
III : Les incursions des Normands sous Charles le Chauve (843 – 877) :
Le traité de Verdun, en mettant fin aux rivalités des fils de Louis le Pieux, permettait d’espérer la répression des brigandages.
Mais Charles le Chauve n’était pas maître chez lui, et au lieu de livrer bataille aux Normands, il dut réprimer des soulèvements qui eurent lieu en Bretagne, en Aquitaine et en Septimanie.
La Bretagne résista aux assauts menés par Charles et conserva son indépendance.
Pépin II résista pendant cinq ans avant de fuir.
En 848, il fut livré par un traître et enfermé dans un monastère.
La Septimanie opposa aussi une vive résistance : Bernard, qui en était le marquis, fut saisi dans Toulouse et mis à mort. Mais son fils Guillaume prit les armes à son tour et souleva le pays. Il résista jusqu’en 849, date à laquelle il fut capturé et décapité.
Les Normands profitaient de ces désordres pour renouveler leurs ravages.
Ils s’étaient établis aux embouchures de tous les grands fleuves de France (Escaut, Seine, Loire, Charente, Garonne, etc.). De leurs camps retranchés où ils mettaient le fruit de leurs rapines en sécurité, ils s’élançaient au loin à l’intérieur.
Les riches monastères, les villes se trouvant sur les fleuves étaient pillés, incendiés ou soumis à de fortes rançons.
Quatre chefs Normands commirent des actes qui retiennent notre attention :
- Asgeir, s’empara de Nantes, et remonta la Loire, pillant ferme et abbayes. Il couronna son raid en s’emparant du trésor de Saint Martin de Tours.
- Weland, un autre chef, obligea Charles le Chauve à négocier. Il accepta de quitter les lieux en échange d’un tribu de 3.000 livres d’argent. Et comme Charles retardait son paiement, Weland ajouta 5.000 livres à son exigence première.
- Ragnar, en l’an 845, remonta la Seine, à la tête d’une flotte de 120 navires. Les parisiens s’apprêtaient à fêter Pâques, quand ils virent arriver les drakkars. Ragnar et ses hommes se jetèrent sur l’Abbaye de Saint Germain des Près et la vidèrent de ses richesses. Charles le Chauve fut appelé en toute hâte. Paris était l’ancienne capitale des rois Francs, mais le roi n’y résidait pas. Ce dernier se contenta de négocier le départ des Normands contre un tribu de 7.000 livres d’argent. Les parisiens s’indignèrent de ce procédé.
D’ailleurs, les Normands revinrent en 856, pillant Saint Denis et Saint Germain des Près.
- Hastings quant à lui, ne se contenta pas de piller les bords de la Loire et ses opulentes villes (Nantes, Tours, etc.). Il pénétra en Charente, pillant Saintes ; en Garonne, où il saccagea Bordeaux ; puis il contourna l’Espagne jusqu’aux côtes d’Italie. Il pilla le monastère de Mont Cassin, puis repassa une nouvelle fois en Espagne.
Rentrant dans la Loire, il allait se trouver confronté à un adversaire de taille : Robert le Fort.
IV : Robert le Fort – La France était en mauvais état, livrée aux pillages des Normands et ensanglantée par les mouvements de rébellion contre le roi.
La paix qui régnait sous Charlemagne ne semblait plus être qu’un lointain souvenir… Robert le Fort, qui avait prouvé sa vaillance lors de combats contre les Normands, fut récompensé par Charles le Chauve, qui le fit d’abord duc de France, en 861, puis comte d’Angers, de Tours et de Bois, en 864.
Robert le Fort allait donner naissance à un nouvelle dynastie, au cours des décennies suivantes : les Capétiens.
Robert veillait à la sécurité des rives de la Seine et de la Loire, menant une guerre impitoyable aux pirates. Il fit sur les rives de ses fleuves menacés de nombreux travaux de défense. C’est alors que Hastings revint de son expédition en Italie. Robert leva une armée et courut à l’ennemi. Ces derniers, encerclés, se réfugièrent en septembre 866 dans un église, près du village de Brissarthe. Les pillards, à la nuit tombante, décidèrent de faire une sortie désespérée. Robert se lança à l’assaut, oubliant son casque, son haubert délacé. Il fut percé d’une flèche et mourut là.
En 869, Charles le Chauve dut céder le comté de Chartres aux Normands, afin de stopper les dévastations de Hastings, qui était remonté de la Loire jusqu’à Clermont Ferrand.
V : Charles le Chauve Empereur (875) : Lothaire était mort en 855, et son fils Louis II avait hérité du titre impérial et de la couronne d’Italie. Mais ce dernier mourut à son tour en 875, sans enfants. Le pape Jean VIII offrit alors la couronne impériale et l’Italie à Charles le Chauve, qui accepta aussitôt (sans réfléchir ni à la lourde charge qu’il assumerait en tant qu’Empereur, ni aux réclamations qui ne manqueraient pas de s’élever dans la famille carolingienne d’Allemagne.). Charles franchit les Alpes et se fit couronner Empereur. Puis il rentra en France afin de faire confirmer son élection par une assemblée de prélats et de seigneurs.
Il parut devant eux à Pontyon, vêtu de la dalmatique impériale, un diadème posé sur le front. Il demanda aussi à ce qu’on l’appelle Auguste.
L’année d’après, en 876, son frère, Louis le Germanique, mourut. Charles le Chauve réclama une partie de son héritage, et voulut s’emparer de la Lorraine, mais il fut battu par son neveu Louis de Saxe à Andernach, sur le Rhin.
Empereur et roi d’Italie, Charles le Chauve devait à la fois protéger l’Italie, la papauté, mais aussi la France : lourde tâche pour un roi aussi peu puissant…
Jean VIII, le pape, implora le secours de Charles, les Sarrasins étant parvenus à remonter jusqu’aux murs de Rome. Charles, après avoir tenu en 877 une réunion avec ses seigneurs à Kiersy sur Oise, partit au secours du pape.
Son voyage en Italie fut un échec, et il prit le chemin du retour, constatant qu’il avait été aussi impuissant contre les Sarrasins qu’il l’avait été contre les Normands… il fut pris de fièvres à la descente du mont Cenis et mourut.
VI : Nouvelles incursions des Normands (880) – Si les Northmen s’étaient tenus tranquilles pendant les dernières années du règne de Charles le Chauve, ces derniers s’agitèrent presque aussitôt après sa mort. Le nouveau roi, Louis II le Bègue (877 – 879.), ne fit que passer sur le trône et n’eut pas le temps de les combattre.
Ses deux fils, Louis III et Carloman, montrèrent de l’activité et une certaine valeur au combat.
Le premier marcha contre les Normands qui avaient pillé Tournai, Cambrai, Arras et Amiens. Il les surprit à Saucourt, près de la Somme, et les mit en déroute, tuant plusieurs milliers des leurs.
Carloman, quant à lui, était en conflit avec Boson, un seigneur révolté, qui venait de se faire couronner roi de Bourgogne à Mantailles, près de Valence. Voyant Carloman engager la lutte contre lui, Boson courut se réfugier dans Vienne, que le Carolingien assiégea en 88.
Cependant, les deux frères moururent sans postérité, Louis III en 882, Carloman en 884.
Il restait de Louis II le Bègue un fils posthume, Charles le Simple. Le royaume étant en mauvais état, l’on ne pouvait se permettre de placer un enfant sur le trône, et l’on fit appel à Charles le Gros, dernier fils vivant des enfants de Louis le Germanique.
VII : Siège de Paris par les Normands (885) – Charles le Gros était Empereur, roi d’Italie, de Lorraine, de Germanie et de France. Après tant d’années de guerres civiles et de troubles, l’Empire de Charlemagne se trouvait reconstitué une dernière fois. L’on attendait beaucoup de Charles le Gros, mais au final, il ne sut rien faire.
Le chef des Normands de l’Escaut, Godefried, avait ravagé tout le bassin inférieur de la Meuse et du Rhin, où il avait pillé de nombreuses villes : Maëstricht, Lièges, Bonn, Cologne, Trèves, etc.
Pour se débarrasser de lui, Charles le Gros traita d’abord à des conditions déshonorantes. Puis, ayant attiré le Normand à une conférence, il le fit assassiner.
Le frère du défunt, Siegfried, résolut de le venger. En 885, à la tête de 700 barques, portant 40.000 hommes, il remonta la Seine et vint mettre le siège devant Paris. Siegfried avait sous ses ordres de nombreux chefs, dont un certain Hrolf, surnommé "Marche à Pieds", en raison de son poids et de sa taille : l’on racontait qu’il était si grand qu’il ne pouvait trouver de cheval à sa taille.
Paris, à l’époque, n’occupait guère que l’île de la cité. En voyant les navires ennemis approcher, les habitants des rives vinrent se réfugier à l’abri des murs de la ville. La défense de la cité fut assurée par l’évêque Gozlin, Abbé de Saint Germain, et le comte Eudes, fils de Robert le Fort.
Les Normands livrèrent de nombreux assauts contre la ville, à chaque fois repoussés par les Parisiens qui faisaient pleuvoir pierres, poutres, poix fondue, etc. La ville tenait les Northmen en échec. Siegfried comprit que le siège serait long, et décida d’établir un camp sur chaque rive, à Saint Germain des Près et Saint Germain l’Auxerrois, qu’il entoura de fossés. De là, il fit divers razzias sur les campagnes environnant, pour la vengeance, le massacre et le pillage.
Le siège se transformait en blocus. Chaque jour, pour maintenir la combativité de leurs hommes, les chefs normands lançaient des assauts, mais en vain, contre les murs de la ville. Le 6 février 886, après plus de deux mois de siège, une crue emporta le pont reliant une tour aux murs de la ville. Douze défenseur se retrouvèrent isolés, entourés par les Normands. Pendant toute la journée, ils tentèrent de faire face aux assauts répétés de leurs assaillants. Au crépuscule, alors que la tour était la proie des flammes, les survivants tentèrent une sortie. Ils furent massacrés jusqu’au dernier par les Normands qui se jetèrent sur eux. L’Histoire a conservé le nom de ces douze parisiens : Aimard, Arnaud, Gui, Hardre, Herland, Hermanfroi, Hervé, Hervi, Jobert, Jossouin, Ouacre, Seuil.
Le blocus durait depuis des mois, la peste et la famine sévissait dans les deux camps. Siegfried et ses hommes n’en démordaient pas, lançant toutes leurs forces dans la bataille. L’évêque Gozlin fut percé d’une flèche, et mourut peu après.
L’on attendait avec anxiété l’arrivée de Charles le Gros. Le comte Eudes décida d’aller quérir son aide, l’Empereur résidant à cette époque à Metz. Il ne fut pas difficile de sortir de Paris, les Normands ayant dédaigné les travaux d’encerclement. Le siège durait depuis sept mois, et les chaleurs de l’été aggravèrent la pestilence. C’est alors qu’Eudes rentra dans la ville, sa mission accomplie. Mais il fallut attendre le mois d’octobre pour que Charles le Gros arrive enfin.
Les Parisiens, pensant que l’armée de Charles de Gros allait tailler les Normands en pièces, laissèrent éclater leur joie. Hélas pour eux elle fut de courte durée : l’Empereur, plutôt que de se battre, préféra négocier la levée du siège contre une rançon de 700 livres d’argent, avec permission pour les pirates d’aller piller la Bourgogne. Les Parisiens furent indignés par cette décision honteuse.
Deux ans plus tard, en 887, Charles le Gros, déconsidéré, fut déposé par la diète de Tribur (l’on dit qu’il était affaibli de corps et d’esprit…). Il fut enfermé dans un monastère, où il mourut deux ans après.
VIII : Eudes roi de France (887 – 898) – Le nouveau roi de France était tout désigné : les suffrages se portèrent unanimement sur le vaillant défenseur de Paris. Eudes justifia cette confiance publique par de nouveaux succès : dans les premiers jours de son règne, il remporta une brillante victoire à Montfaucon, en Argonne, où avec une poignée d’hommes il mit en déroute une bande de pillards. Il combattit contre une autre bande en 892 dans les plaines de la Limagne, près de Montpensier.
Pourtant, les brillants services rendus par Eudes ne faisaient pas oublier qu’il détenait la couronne de France au détriment du légitime héritier, Charles le Simple.
En 893, un parti se forma en faveur de ce prince. Dans un premier temps, Eudes voulut résister, puis il se résigna et accepta un compromis. En 896, l’on accorda à Charles le Simple un apanage en Champagne, et il fut décidé qu’il serait seul héritier de tout le royaume à la mort d’Eudes.
Cette mort arriva deux ans après, en 898. Charles fut reconnus de tous, y compris par Robert, le frère d’Eudes, comte de Paris et duc de France, qui prêta serment de fidélité et fut conforté dans ses dignités.....
(à suivre : suite et fin avec le document suivant : l'invention de la Normandie.....)