La cavalerie, les cavaleries... (I)
(De Michel Mourre, Dictionnaire encyclopédique d'Histoire, page 816) :
"Depuis le début du IIIème millénaire, en Egypte, en Chine, en Assyrie, les chars avaient dominé les champs de bataille.
La cavalerie proprement dite n'apparut que vers 1000/500 avant J-C.
Cette substitution du cavalier au char fut l'oeuvre de deux peuples qui s'étaient trouvés en contact avec les nomades de l'Asie centrale : les Perses et les Chinois.
En Grèce, du fait de la structure démocratique des Cités, la cavalerie tint peu de place dans les luttes intestines de la période classique (Vème siècle avant J-C); la seule cavalerie renommée était celle des Béotiens. Dans l'armée macédonienne, l'élément de base était la fameuse phalange d'infanterie, mais la phalange, à cause de sa formation compacte, ne pouvait exploiter ses succès initiaux et mener avec rapidité la poursuite de l'ennemi. Aussi Philippe II lui adjoignit un corps de cavalerie. Dans l'expédition d'Alexandre, la cavalerie devait jouer un rôle décisif dans de nombreuses batailles. Les éléphants, que Cyrus avait déjà utilisés pour la conquête de la Lydie (VIème siècle) figurèrent également dans l'armée des Séleucides.
A Rome, la cavalerie était fournie à l'origine par des citoyens riches... elle fut longtemps la partie la plus faible de l'armée. Les Romains se virent infliger par la cavalerie d'Hannibal les défaites de La Trébie (218) et de Cannes (216); par la cavalerie parthe, dont la mobilité était extraordinaire , la défaite de Carrhae, en Syrie (53 avant J-C).
Comme les Grecs, les Romains ignoraient le fer à cheval, la selle, l'étrier, qui étaient déjà connus des peuples nomades de l'Asie centrale, et qui furent révélés en Occident, à l'époque des Grandes Invasions, par les Goths et les Alains.
Ces inventions techniques, adoptées à Constantinople dès le IVème siècle de notre ère, furent une véritable révolution dans l'art de la guerre. La cavalerie prit alors la première place dans les armées byzantines, comme dans celles de la conquête musulmane.
En Europe occidentale, les Francs du VIème siècle étaient encore essentiellement des fantassins, mais du VIIème au Xème siècle s'opéra une évolution qui fit peu à peu du combattant à cheval le guerrier par excellence.
Les armées féodales furent des armées de cavaliers. Comme la possession d'une monture de guerre et l'équipement complet du cheval et du cavalier coûtaient très cher, cette cavalerie ne pouvait être fournie que par les riches propriétaires fonciers; aussi les armées féodales furent-elles très peu nombreuses. On estime que toutes les armées de la première croisade réunies comptaient au maximum de 2.500 à 3.000 cavalier (fin du XIème). L'irruption de la cavalerie mongole à travers l'Asie antérieure et une partie de l'Europe (XIIIème siècle) marqua l'apogée d e la cavalerie, mais précéda de peu son déclin. Si les chevaliers européens, protégés par leurs puissantes armures, étaient à peu près invulnérables, il n'en allait pas de même pour leurs montures, et le chevalier jeté à terre devenait une proie facile pour l'infanterie.
Celle-ci fit sa réapparition avec les milices communales. A la bataille de Courtrai (1302), la piétaille des villes flamandes fit un carnage de la chevalerie française. Durant la Guerre de Cent ans, à Crécy (1346), à Poitiers (1356), à Azincourt (1415), les fantassins anglais, armés de longs arcs, décidèrent de la victoire en frappant d'une grêle de traits les chevaux français, dont les cavaliers étaient exterminés ou pris par les chevaliers anglais qui progressaient à pied, derrière les archers.
Vers la même époque, les Suisses, en lutte avec les Habsbourgs, retrouvaient la formation en phalange de l'Antiquité.
Aux XVIème-XVIIème siècles, ce fut l'infanterie qui assura une longue prépondérance à l'Espagne.
Cependant la cavalerie s'adapta à l'ère des armes à feu : dans les guerres des XVIIème-XVIIIème siècles, le mode d'action classique de la cavalerie consistait à charger en rangs serrés, à faire feu de ses pistolets, puis à poursuivre le combat à l'arme blanche. La cavalerie contribua beaucoup aux victoires de Gustave-Adolphe durant la Guerre de Trente Ans, à la victoire de Condé sur l'infanterie d'Espagne à Rocroi (1648), enfin aux victoires de Frédéric II, notamment à Rossbach (1757).
Son rôle fut au contraire effacé dans les guerres de la Révolution française, et, durant la campagne d'Egypte, l'infanterie de Bonaparte, malgré une grande infériorité numérique, décima à plusieurs reprises des armées de plusieurs dizaines de milliers de Turcs et de Mamelouks. Cependant, sous le 1er Empire, Napoléon assigna une fonction particulièrement importante à al cavalerie : celle-ci intervenait, sur les flancs et l'arrière de l'ennemi, lorsque ce dernier commençait à plier sous le feu de l'artillerie. En dehors de ce rôle tactique de poursuite, la cavalerie française devait remplir, pendant toutes les campagnes napoléoniennes, un rôle stratégique d'observation et de renseignements ("les hussards", ndlr) dont elle s'acquitta d'une manière incomparable.
La Guerre de Crimée et la guerre de 1870 virent les dernières grandes charges de cavalerie à l'arme blanche : charge de la brigade légère britannique à Balaklava (25 octobre 1854), charge des cuirassiers français de Reichschoffen (6 août 1870)...
Illustration : Mousquetaires, Louis XIII...