Les Américains accélèrent leur retrait d’Afghanistan, par Antoine de Lacoste.
S’il y a un point sur lequel Biden et Trump sont en phase, c’est bien le retrait des troupes américaines d’Afghanistan. Un accord avec les talibans avait été signé en ce sens à Doha, en février 2020, et Biden en a confirmé les termes.
Les raisons de ce retrait sont bien connues : un coût exorbitant (entre 1.000 et 2.000 milliards de dollars, selon les déclarations des Américains eux-mêmes), une durée de guerre record (vingt ans) pour un résultat plus que mitigé malgré l’exécution de Ben Laden mais dont le rôle n’était déjà plus que symbolique.
Les Américains semblent si pressés de partir qu’ils ont avancé la date du rapatriement de leurs troupes du 11 septembre 2021 au 4 juillet. Ces dates symboliques sont d’ailleurs étranges alors qu’il s’agit de prendre acte d’une défaite.
Plusieurs points sont tout de même très déconcertants dans la décision américaine.
Tout d’abord, les autorités afghanes ont été exclues des discussions sur l’accord de Doha. Étrange façon de traiter son allié dont la position est déjà plus que fragile. « La façon dont les États-Unis partent est une atteinte à l’engagement réciproque de coopération », a déclaré le vice-président afghan Amrullah Saleh dans un entretien au journal Le Monde, le 7 mai dernier. Cette amertume en dit long sur le climat de confiance qui règne entre Washington et Kaboul.
De plus, les talibans ont lancé plusieurs offensives, ces derniers jours, dans le nord et le sud du pays. L’aviation américaine est intervenue pour les arrêter mais il y a là une contradiction flagrante entre les mots et ce qui se passe réellement sur le terrain. Les talibans n’ont jamais démontré qu’ils souhaitaient la paix en Afghanistan. Ils agissent comme si le retrait américain était un cadeau inespéré dont il convient de profiter au plus vite.
En 1996, cinq ans avant l’intervention américaine, les talibans ont pris Kaboul sans tirer un coup de feu. C’était la débandade générale d’un régime inexistant. Depuis, des milliards ont été investis pour créer un minimum de structures et de forces armées. Le résultat n’est pas brillant mais, tout de même, cinquante mille Afghans constituent une force armée qui a démontré, non pas une solidité à toute épreuve, mais une certaine volonté de se battre. Or, les succès obtenus – il y en a eu – n’ont été possibles que grâce à la couverture aérienne américaine. Sans elle, le sujet n’est pas du tout le même.
Les plus pessimistes pensent qu’après le départ américain, il ne faudra que deux ou trois mois aux talibans pour s’installer à Kaboul et remettre en place un régime de terreur islamiste. D’autres observateurs pensent que ce sera différent car, cette fois, il y a des forces armées motivées et une population, notamment citadine, farouchement opposée au retour de la mortifère charia.
En réalité, tout dépend du Pakistan. L’allié le plus pervers des Américains montre une duplicité totale dans le dossier afghan depuis vingt ans. C’est sur son sol que se réfugient les talibans. Sur son sol, aussi, que sont accueillis et protégés tous leurs dirigeants. Les Américains le savent parfaitement mais, pour des raisons géopolitiques, ils ne voulaient pas fâcher leur encombrant allié : l’Inde, ennemi du Pakistan, est amie de la Russie, donc le Pakistan est un ami quoi qu’il en coûte.
« L’Amérique n’a cessé de bombarder l’Afghanistan, alors que le problème principal se trouve de l’autre côté de la frontière », ajoute Amrullah Saleh, dont la lucidité est à saluer.
Que fera le Pakistan dans les prochains mois ? Sans doute la même chose…
Ce n’est pas la première fois que l’Amérique abandonne un allié, nous devrions être habitués… Mais tout de même, près d’une centaine de jeunes Français sont morts dans ce pays.
Alors, cette mascarade finale donne la nausée.
Commentaires
Les conséquences de cet abandon seront pires que celles de celui du Vietnam.