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L’achevement de l’homo démocraticus, par Philippe Germain.

La technocrature, maladie sénile de la démocratie  : (19/20)

La combinatoire de trois archipels

Procédons par ordre. Prudemment, pas à pas. La fin de cycle de la société démocratique, a enclenché une dynamique d’archipelisation. Non pas avec un seul archipel mais en combinant trois archipels.

philippe germain.jpgCombinaison avant tout démographique avec l’archipel de «  la préservation  », désigné par le géographe Guilluy comme «  la France périphérique  » alors que Jérôme Sainte-Marie préfère le terme de «  bloc populaire  ». Emmanuel Macron le dénomme «  conservateur  » mais on peut aussi y retrouver «  la France profonde  » du général De Gaulle plagiant le «  Pays réel  » de Maurras. Démographiquement Guilluy l’estime à 60 % de la population et le situe géographiquement dans les petites et moyennes villes de Province. Son évaluation se rapporte exactement au taux d’abstention des dernières élections municipales. Cet archipel majoritaire est démographiquement vieillissant avec sa natalité déclinante depuis le fin du baby-boom en  ? ? ?. Il a été dévitalisé par les conséquences de Vatican II mais aussi par la disparition de la sociabilité communiste1.

Il y a ensuite, bien sur, l’archipel de «  la soumission  » suivant l’expression du romancier Michel Houellebecq. Plutôt parcimonieusement Guilluy et Sainte-Marie préfèrent parler de «  l’immigration  ». Celle-ci, a vrai dire, entre mal dans leur vision privilégiant une polarisation plus qu’une fragmentation de la société démocratique. Démographiquement le terme d’immigration évacue du comptage les clandestins, les naturalisés et les enfants bénéficiant du droit du sol. Estimée officiellement à 10 %, elle approche plus les 15 % de la population avec sa natalité conquérante. Géographiquement c’est la France des banlieues avec ses cités gourmandes d’aides et de subventions. Depuis la révolution iranienne de 1979, l’archipel de la Soumission s’est vitalisé par un retour à l’islam des origines.

Pour finaliser la combinatoire il y a l’archipel de «  l’américanisation  », nommé par Guilly «  classe dominante  », Sainte-Marie «  bloc élitaire  » et Macron «  les progressistes  ». Démographiquement il représente 23 % des électeurs constitués principalement des déclinants baby-boomers. Sa natalité se caractérise par sa grande faiblesse. Sa vitalité dépend du succès de la mondialisation et la maitrise de l’appareil d’état et de ses puissants moyens de redistribution. En 2019 l’Etat Providence redistribue2 34 % du Produit Intérieur Brut en prestation sociales.

Cohabitation cote à cote

Allons au-delà de la combinatoire démographique et géographique. Si l’on s’intéresse au bâti du dispositif on discerne nettement une forme de «  cohabitation  ». Celle-ci ne s’adosse pas au discourt incantatoire sur le «  vivre ensemble  ». L’échec patent de l’intégration républicaine oblige l’archipel de l’Américanisation a se rabattre sur un plus modeste «  vivre cote à cote  », lui permettant de préserver sa position dominante. Pour cela il est prêt à faire alliance électorale avec l’archipel de la Soumission. Ce dernier assurant déjà une part de plus en plus importante de la consommation grâce aux aides et à l’économie parallèle de la drogue, officiellement intégrée depuis 2018 dans le calcul du Produit Intérieur Brut comme contributeur de Croissance. Sinon une alliance, au moins une connivence des deux archipels minoritaires permet de maintenir celui de la Préservation dans son rôle essentiel de vache à lait fiscale.

Chacun des trois archipels comprend une ile principale, entourée de plusieurs ilots communautaires. Chaque archipel est aimanté par un pole idéologique – d’où l’importance de la guerre culturelle – et tire une force certaine de la cohérence géographique, comme le prouve les succès aux municipales des écolo-bobo des grandes métropoles.

Séparatisme face à face

Pourtant la cohabitation ne cesse de se fragiliser. C’est ce qu’expliqua le très bien informé ministre de l’Intérieur Gérard Collomb lors de sa retentissante démission du 3 octobre 2018 : « Aujourd’hui, on vit côte à côte. Moi, je le dis toujours : je crains que demain on vive face à face ». Moins de deux ans après, le pays légal confirme sa crainte en invoquant la menace de «  séparatisme  », chère à la mentalité jacobine. Après le Président Macron en février 2020, le premier ministre Castex veut mobiliser l’Etat républicain contre le danger du «  séparatisme  » lié, dit-il, au risque de communautés ethniques ou religieux à sortir de l’ensemble national.

Passons sur le fait que tout maurrassien utilisant les critères invoqués par l’énarque Castex se verrait immédiatement accuser d’en revenir à la théorie des quatre états confédérés. Contentons-nous de remarquer que sur la crainte du communautarisme, les démocrates sont dans la position de l’arroseur arrosé car le pays légal républicain, pour maintenir sa domination sur le pays réel, s’est appliqué à systématiquement détruire les communautés naturelles au profit de ses propres communautés d’élection comme les partis et les syndicats, aujourd’hui délitées. La porte est ainsi ouvertes aux nouvelles communautés comme celles de la diversité.

En agitant la menace séparatiste, les technocrates songeraient-ils aux Canaques de Nouvelle-Calédonie, dont ils préparent pourtant l’indépendance ? Non, les technocrates – nous dit-on – songent aux islamistes. Mais pourquoi oublier les illuminés de l’européisme et du mondialisme pratiquant le culte des droits de l’Homme  ? Pourquoi ignorer les indigénistes, ces contrefaçons de descendants d’esclaves prêchant un racialisme black-beur et autre zulu-nation de contrebande  ?

Alternative catholique et royale

Si le pays légal ose tout, c’est qu’il craint le communautarisme maintenant au cœur de la démocratie  ; la chose, pas le mot. Pour le moment la société démocratique n’est pas totalement communautarisée et les différents archipels maintiennent encore des capacités d’échanges. D’où le paradoxe du Pays légal à défendre absolument la cohabitation, le «  vivre cote à cote  » dans une société démocratique de plus deshumanisée et déshumanisante.

Ce n’est pas la position de l’Action française qui depuis 1951 envisage la possibilité de cette combinatoire «  diabolique  » de la fin de l’histoire, suivant l’expression de Maurras dans sa lettre testament à Boutang. Rappelons aussi les analyses prospectives et quasi prophétiques de Pierre Debray de 1970. Les «  trente glorieuses  » étaient à leur sommet et il osait annoncer : «  Il est certain que la société qui se prépare se révèlera inhumaine. Cette inhumanité ne sera cependant que l’achèvement de l’homo democraticus. Ses structures mentales le contraignent à batir des mégalopoles , à s’abandonner au rêve d’une expansion infinie, à déboucher sur l’inflation généralisée, l’embouteillage, la dictature bureaucratique, la «  programmation  »  » de tous les secteurs d’activité3  ». En 2020 nous y sommes en plein  ! Du moins en dehors de l’inflation généralisée, mais la crise de l’euro guette. Debray, comme son maître Bainville, avait pratiqué l’empirisme organisateur auquel il n’avait pas hésité à ajouter certains éléments de l’analyse structuraliste. Une fois de plus, comme avec Bainville et Les conséquences politiques de la paix , l’Action française avait vu juste.

Pourtant l’Action française du XXI° siècle évite de sombrer dans la paralysante l’autosatisfaction intellectuelle. D’ailleurs Debray n’avait-il pas cessé, dans les camps C.M.R.D.S. de rappeler aux étudiants nationalistes  : «  Il est bien d’avoir raison. Cela ne suffit pas. Encore convient-il de savoir faire entendre raison4  ». Elle écarte aussi le fatalisme de la décadence qui est étranger à l’univers maurrassien comme l’a bien . rappelé dans la revue Réaction, François Huguenin5. Et ce malgré la synthèse d’une pensée contre-révolutionnaire, pouvant être comprise comme une réflexion sur le déclin de la France.

Pour contrer la cohabitation – cette inhumanité qui semble achever l’homo démocraticus – l’Action française propose une alternative pour la France. C’est la fameuse arche catholique et royale. Pour que celle-ci ne relève pas du rêve, l’Action française doit amender sa stratégie à partir de l’analyse réalisée en se posant la question  : la cohabitation des trois archipels, ce vivre cote à cote dans une société de plus en plus déshumanisé, est-il encore possible  ? C’est la seule question qui vaille et de la réponse dépend car la stratégie royaliste du XXI° siècle. Cette réponse se trouve dans l’évolution déjà engagée par chacun des trois archipels.

C’est ce que nous verrons dans notre prochaine rubrique.

Germain Philippe ( à suivre)

1 Voir l’indispensable article de Philippe Ariès
2 Hervé Lebras, entretien à Le Monde , février-avril 2020 : « 40 cartes pour comprendre la France », p3.
3 Pierre Debray, « L’homme démocratique, mort de l’homme », Aspects de la France n°1.157, 19 novembre 1970.
4 Pierre Debray, Que faire, Le courrier de l’Ordre français n°1, Bibliothèque nationaliste, 1962.
5 François Huguenin, « Progrès et décadence dans la pensée de Charles Maurras », Réaction n° 3, 1991.

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