L’Iran ou la grande erreur de Trump, par Antoine de Lacoste.
Chroniques géopolitiques de confinement
Depuis la révolution islamiste de 1979 et son cortège de violences, l’Iran ne semblait guère avoir évolué. L’islamisme brutalement mis en place par l’ayatollah Khomeini avait figé une société assez dynamique et occidentalisée jusque-là. Les foulards étaient interdits à l’université et, dans la rue, les vêtements modernes côtoyaient sans difficultés majeures les tenues rigoristes.
Mais la haine du régime du chah était profonde. Rentré de Neauphle-le-Château, dans les Yvelines, Khomeini, avec l’appui des gardiens de la révolution, jeunes chiites issus de milieux défavorisés, mit en place un appareil répressif impitoyable. À ce sujet, rappelons que rien n’obligeait le Président Giscard d’Estaing à accueillir le sinistre mollah, trahissant ainsi un allié de la France. Une infamie de plus dans ce septennat.
Fidèle à leur stratégie de division au Proche-Orient, les États-Unis incitèrent leur allié du moment, l’Irakien Saddam Hussein, à attaquer l’Iran. S’ensuivit une guerre sanglante qui dura huit ans (1980-1988).
Ils en sortirent épuisés, mais le seul effet fut de provoquer un réflexe patriotique, empêchant toute remise en cause du régime des mollahs.
Progressivement, la médiocrité des dirigeants, leur corruption et la répression lassèrent la population, surtout les classes moyennes. Les jeunes filles, majoritaires à l’université, ne voulaient plus porter le foulard et, plus généralement, le peuple iranien étouffait sous le poids des turbans.
L’élection du modéré Rohani à la présidence de la République, en 2013, a bien traduit cette aspiration au changement. Ses contacts étroits avec l’allié russe vont lui permettre de réaliser un coup de maître : l’accord nucléaire de 2015 signé entre l’Iran, la Russie, les États-Unis, la Chine, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Union européenne (notons, au passage, la bizarrerie consistant à extraire trois pays de l’Europe en laissant la piétaille représenter l’Europe).
Obama et Poutine furent les fers de lance de cet accord qui mettait fin à la course nucléaire de l’Iran en échange de la levée des sanctions économiques et d’investissements massifs dans le pays. La France se fit tirer l’oreille, Fabius ne voulant à aucun prix de cet accord. Le patronat fit pression sur Hollande et tout s’arrangea.
Oui, mais le candidat Trump prévint aussitôt qu’il était contre cet accord qu’il dénoncerait. Il le fit, en 2018, et rétablit en prime les sanctions, obligeant les grandes entreprises françaises, Total en tête, à quitter l’Iran.
Les conséquences sont calamiteuses. Les durs du régime, sentant que l’opinion était pour cet accord, avaient fait profil bas, surtout lorsque Rohani fut largement réélu en 2017. Mais le retrait américain leur permit de revenir en force sur le thème « On ne peut pas discuter avec l’Occident ». Rohani est maintenant affaibli et le vent d’espoir qui avait soufflé sur l’Iran est retombé. Le pays s’enfonce dans la pauvreté et les manifestations de l’automne furent très durement réprimées, faisant probablement des milliers de morts.
Aujourd’hui, les gardiens de la révolution sont à la manœuvre.
Une belle occasion manquée.
Commentaires
La guerre économique décidée par Trump n'est pas plus stupide que les positions mouvantes de ses prédécesseurs. Le vrai défi est de la mener en affichant une intention de guerre ouverte jusqu'au bout.
C'est très difficile et il n'est pas sûr que Donald Trump en ait les capacités. Comment gérera-t-il le blocus même temporaire du détroit d'Ormuz ? A voir les pas de clerc auxquels il nous a habitués, il m'étonnerait qu'il décide de vitrifier, en temps de campagne électorale, les petites îles du golfe de Bandar Abbas, ce qui serait une vraie réponse "technique" aux gardiens de la Révolution.